mardi 11 novembre 2008

La valeur de "l'exemple" ... ou de l'éducation...



Pendant la Première Guerre mondiale, en France 2 400 "poilus" auront été condamnés à mort et 675 fusillés pour l'exemple, les autres voyant leur peine commuée en travaux forcés. Ces condamnations ont été prononcées pour refus d’obéissance, mutilations volontaires, désertion, abandon de poste devant l'ennemi, délit de lâcheté ou mutinerie (en 1917) ...



Exécution, le 3 juin 1918, près du hameau de Oostduinkerker, d'Aloïs Walput, volontaire belge du 2cd Grenadiers, âgé de 21 ans.


Ma petite femme adorée,

Nous avons, comme je te l'ai dit, subi un échec, tout mon bataillon a été pris par les Boches, sauf moi et quelques hommes, et maintenant on me reproche d'en être sorti, j'ai eu tort de ne pas me laisser prendre également. Maintenant, le colonel Bernard nous traite de lâches, les deux officiers qui restent, comme si à trente ou quarante hommes, nous pouvions tenir comme huit cents. Enfin, je subis mon sort, je n'ai aucune honte, mes camarades qui me connaissent savent que je n'étais pas un lâche. Mais avant de mourir, ma bonne Fernande, je pense à toi et à mon Luc. Réclame ma pension, tu y a droit, j'ai ma conscience tranquille, je veux mourir en commandant le peloton d'exécution devant mes hommes qui pleurent. Je t'embrasse pour la dernière fois, comme un fou : Crie, après ma mort, contre la justice militaire, les chefs cherchent toujours des responsables ; ils en trouvent pour se dégager.

Mon trésor adoré, je t'embrasse encore d'un gros baiser, en songeant à tout notre bonheur passé, j'embrasse mon fils aimé, qui n'aura pas à rougir de son père qui avait fait son devoir.De Saint-Roman m'assiste dans mes derniers moments, j'ai vu l'abbé Heintz avant de mourir.Je vous embrasse tous. Toi encore, ainsi que mon Luc.
Dire que c'est la dernière fois que je t'écris.
Oh ! Mon bel ange, sois courageuse, pense à moi, et je te donne mon dernier et éternel baiser.
Ma main est ferme, et je meurs la conscience tranquille.

Adieu, je t'aime.

Je serai enterré au bois de Fleury, au nord de Verdun. De Saint-Roman pourra te donner tous les renseignements.

Henri Herduin



Ma bien chère Lucie,

Quand cette lettre te parviendra, je serai mort fusillé.Voici pourquoi : Le 27 novembre, vers 5 heures du soir, après un violent bombardement de deux heures, dans une tranchée de première ligne, et alors que nous finissions la soupe, des allemands se sont amenés dans la tranchée, m’ont fait prisonnier avec deux autres camarades. J’ai profité d’un moment de bousculade pour m’échapper des mains des Allemands. J’ai suivi mes camarades, et ensuite, j’ai été accusé d’abandon de poste en présence de l’ennemi.

Nous sommes passés vingt-quatre hier soir au Conseil de Guerre. Six ont été condamnés à mort dont moi. Je ne suis pas plus coupable que les autres, mais il faut un exemple. Mon portefeuille te parviendra et ce qu’il y a dedans.

Je te fais mes derniers adieux à la hâte, les larmes aux yeux, l’âme en peine. Je te demande à genoux humblement pardon pour toute la peine que je vais te causer et l’embarras dans lequel je vais te mettre … Ma petite Lucie, encore une fois, pardon.

Je vais me confesser à l’instant, et espère te revoir dans un monde meilleur.

Je meurs innocent du crime d’abandon de poste qui m’est reproché. Si au lieu de m’échapper des allemands, j’étais resté prisonnier, j’aurais encore la vie sauve. C’est la fatalité.

Ma dernière pensée, à toi, jusqu’au bout.

Henry Floch
Greffier de justice de paix à Breteuil (Oise), le caporal Henry Floch est fusillé à Vingré le 4 décembre 1914 avec cinq soldats du 298e Régiment d’infanterie.


Henry Floch


Voici ce que j’ai sur moi :

Ma montre

Mon porte-monnaie qui contient 51 F 20, le mandat que tu m’as envoyé et que je n’ai pas touché

Mon couteau et quatre médailles

Je tiendrais bien à ce que tu les reçoives.

J’espère qu’on vous y fera parvenir, j’ai encore toutes les lettres que tu m’as écrites dans mon sac ou sur moi.
J’ai tous les effets que tu m’as envoyés et ceux que j’avais auparavant.

Jean Blanchard
(né en 1879), fusillé à Vingré le 4 décembre 1914.



Jean Blanchard



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