mardi 29 janvier 2013

Partir...










Mary Henrietta Kingsley (13 octobre, 1862 – 3 juin, 1900) était une exploratrice anglaise et un écrivain qui a beaucoup influencé l'Europe dans sa manière de considérer l'Afrique et les Africains.

Mary Kingsley est née à Islington. Elle est la fille de George Kingsley (écrivain de récit de voyage lui aussi) et de Mary Bailey. Elle est la nièce de Charles Kingsley. Son père travaille comme médecin au service de George Herbert, 13e comte de Pembroke. Sa mère est invalide si bien que Mary doit rester à la maison et s'occuper d'elle. Mary ne suit pas une longue scolarité mais elle a accès en revanche à la bibliothèque très fournie de son père et adore l'écouter lui raconter des histoires de pays lointains.

Son père meurt en février 1892. Sa mère meurt aussi cinq semaines plus tard. Libérée de ses obligations familiales, et disposant d'un revenu de 500 £ par an, Mary peut enfin voyager. Elle décide de découvrir l'Afrique et de ramener le matériel indispensable pour terminer un ouvrage que son père avait commencé d'écrire sur certaines populations de ce continent.

Mary débarque en Angola à Luanda en août 1893. Elle vit parmi les tribus locales qui lui apprennent tout ce qu'elle doit savoir pour survivre dans la jungle, et elle s'aventure seule dans des contrées dangereuses.

Elle revient en Afrique en 1895 afin d'étudier des tribus cannibales. Elle se déplace en canoë sur le fleuve Ogooué où elle découvre des espèces de poissons inconnues. Après sa rencontre avec les Fangs elle escalade les 4 100 m du mont Cameroun par un itinéraire inconnu des Européens.

Des nouvelles de ses aventures atteignent l'Angleterre et à son retour en octobre 1895 elle est accueillie par une foule de journalistes prêts à tout pour l'interviewer. Elle est désormais célèbre et dans les trois années qui suivent elle donne des conférences dans tout le pays sur ses expériences africaines.

Mary Kingsley a écrit deux livres sur son expérience de l'Afrique : Travels in West Africa (1897), qui a été immédiatement un best-seller, et West African Studies (1899). Dans ce dernier livre, elle propose une nouvelle organisation politique pour l'Afrique de l'ouest. Voilà comment elle résume son parcours en Afrique :
« Je peux dire qu'il n'y a vraiment que deux choses dans ma vie dont je sois fière : la première est d'avoir été félicitée par le Dr Günther pour ma collection de poissons ; et la seconde est d'avoir appris à manier un canot adouma (...). »

En Angleterre, elle se montrera toujours hostile au droit de vote des femmes et aux féministes, ce qui ne l'empêche pas, par son expérience de vie, de remettre en cause le modèle traditionnel des femmes victoriennes. Au cours de la seconde guerre des Boers, Mary Kingsley se porte volontaire comme infirmière. Elle meurt de la typhoïde dans la ville de Simon, où elle soignait des prisonniers Boers. Selon ses dernières volontés ses funérailles ont lieu en mer.
 M. Wikipédia



 LTM 1860 - Aventures et chasses du voyageur Anderson dans l'Afrique Australe (1850-1854)
"Girafe attaquée par des lions" - Dessin de G. Doré


    En 1893, pour la première fois de ma vie, je me retrouvai avec cinq ou six mois de liberté devant moi. Avec l'émotion d'un enfant qui vient de recevoir une pièce de cent sous, je cherchai ce que j'allais bien pouvoir en faire. « Va découvrir les Tropiques », me soufflait la Science. Mais où diable aller ? Les Tropiques, où qu'ils soient, restent les Tropiques. J'attrapai donc un atlas : la Malaisie me parut trop éloignée, et le voyage trop coûteux. Il me restait à choisir entre l'Amérique du Sud et l'Afrique occidentale. Bien que je fusse tombée sur un article alléchant consacré à l'Éthiopie, je résistai à la tentation et jetai mon dévolu sur l'Afrique de l'Ouest. [...] Mon ignorance sur l'Afrique occidentale fut de courte durée. Certes, il me reste aujourd'hui encore beaucoup à apprendre, mais je collectionnai dès avant mon départ des tas d'informations curieuses. C'est à dessein que j'emploie cet adjectif, car bon nombre des gens à qui je demandai conseil virent là l'occasion de me raconter absolument n'importe quoi. Tous leurs renseignements contribuèrent à entretenir dans mon esprit la plus grande confusion, malgré mes efforts héroïques de classement. […]



M. Farini - LTM 1886
Huit mois au Kalahari (1885-1886)
"Boushmen fabriquant le poison de leurs flèches", dessin de Y. Pranishkoff


     Pour commencer, je m'enquis auprès de tous mes amis : que savaient-ils de l'Afrique occidentale ? Rien, pour la plupart. Toutefois, certains me répliquèrent : « Vous n'allez pas partir là-bas ! C'est là que se trouve le Sierra Leone, vous savez, le tombeau de l'homme blanc. » Aucun doute, la région était malsaine. [...] Je résolus alors d'interroger les médecins. Ils me répondirent avec entrain : « C'est l'endroit le plus insalubre du monde », en m'exposant, cartes à l'appui, la répartition des maladies à la surface du globe. S'il est vrai qu'un pays a l'air peu engageant, représenté en vert de gris ou jaune bilieux, on peut toujours imaginer que le cartographe manquait de sens artistique. Malheureusement, on ne peut mettre en doute ses intentions lorsqu'il utilise du noir : or les dessinateurs couvrent de noir la région située du nord du Sierra Leone au sud du Congo. « À votre place, je n'irais pas », me répétaient à l'envi mes amis médecins, « vous allez attraper quelque chose. » […]


  
 Gustave Nachtigal - LTM 1880
Deux mois au Tibesti - Voyage au Baguirmir (1869-1873)
"Le docteur sauve une esclave", dessin de Y.  Pranishkoff


 
     Naturellement, alors que ma raison s'alarmait des bruits qui couraient sur l'Afrique de l'Ouest, mon cœur était irrésistiblement attiré par la région - et finalement, ce fut plus fort que moi, je résolus de partir. Par chance, je connaissais un monsieur qui avait vécu sept ans sur la côte : quoiqu'il n'eût jamais résidé là où je comptais me rendre, son avis m'était précieux, car malgré un séjour prolongé dans cette région mortelle, il n'était pas trop mal en point. Lorsque je lui fis part de mes projets, il me rétorqua : « Quand on se décide à partir pour l'Afrique de l'Ouest, le plus sage est encore de changer d'avis et de se rendre en Écosse à la place. Si toutefois vous persistez à être déraisonnable, prenez donc quatre grains de quinine par jour pendant deux semaines avant d'arriver vers le delta du Niger, et tâchez de prendre contact avec les missionnaires Wesleyens : ce sont les seuls dans toute la région qui disposent de corbillards de première classe. » […]

 
  
David Livingstone - LTM 1866
Le Zambèze et ses affluents (1858-1864)
"Le monstre lui avait coupé la jambe" - Dessin de E. Bayard


     Début août 1893, je quittai pour la première fois l'Angleterre en direction de « la Côte ». Jusqu'au dernier moment, j'avais reçu des préparations de quinine (en port dû), et un ami m'avait envoyé en toute hâte deux coupures de journaux. La première, intitulée « Une semaine sur un raffiot », décrivait les conditions de vie, les occupants et la faune d'un vapeur à destination de l'Afrique de l'Ouest - bâtiment sur lequel je m'apprêtais à passer non pas une, mais sept semaines. Le second article, tiré du Daily Telegraph, était le compte rendu d'un manuel français de conversation courante au Dahomey. On y lisait tout d'abord : « Au secours, je me noie ! » Puis venait une série d'interrogations et d'exclamations « Cet homme n'est-il pas un voleur ? », « Le bateau chavire ! » et « Debout, bande de fainéants ! » Enfin, une question « Comment se fait-il qu'on n'ait pas enterré cet homme ? », suivie d'une réponse délicieuse : « C'est qu'il a été tué par le fétiche, alors il doit rester exposé à l'air libre jusqu'à ce qu'il ne reste que les os. » Tout ceci était plutôt décourageant pour quelqu'un qui allait passer une bonne partie du temps à naviguer, entre deux enquêtes sur les fétiches. C'est donc avec de sombres pressentiments que je quittai Londres pour Liverpool, peu réconfortée par les usages des compagnies maritimes à destination de l'Afrique occidentale, quand elles m'apprirent sans ménagement qu'elles ne délivraient pas de billets de retour.




 Stanley - LTM 1878
À travers le continent mystérieux (1874-1877)
"Eaux chaudes de Mtagata" - Dessin de E. Bayard


Mary Kingsley,
Travels in West Africa,
Virago, Londres, 1982.
Trad. Anne Hugon




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