samedi 5 avril 2008

A Mademoiselle ***...




Cher ami,
Je suis toute émue de vous dire que j'ai
bien compris l'autre jour que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir ainsi
vous dévoiler, sans artifice, mon âme
toute nue, daignez me faire visite,
nous causerons et en amis franchement
je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l'affection
la plus profonde, comme la plus étroite
amitié, en un mot : la meilleure épouse
dont vous puissiez rêver. Puisque votre
âme est libre, pensez que l'abandon ou je
vis est bien long, bien dur et souvent bien
insupportable. Mon chagrin est trop
gros. Accourrez bien vite et venez me le
faire oublier. A vous je veux me sou-
mettre entièrement.

Votre poupée

Lettre de George Sand à Alfred de Musset, 1835




Les bijoux

La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur,
Elle n'avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l'air vainqueur
Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Mores.

Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j'aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.

Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d'aise
À mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

Les yeux fixés sur moi comme un tigre dompté,
D'un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ;

Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,

S'avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s'était assise.

Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l'Antiope au buste d'un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun le fard était superbe !

– Et la lampe s'étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre !

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857




Printemps


Tendre, la jeune femme rousse,
Que tant d'innocence émoustille,
Dit à la blonde jeune fille
Ces mots, tout bas, d'une voix douce :

« Sève qui monte et fleur qui pousse,
Ton enfance est une charmille :
Laisse errer mes doigts dans la mousse
Où le bouton de rose brille,

« Laisse-moi, parmi l'herbe claire,
Boire les gouttes de rosée
Dont la fleur tendre est arrosée, –

« Afin que le plaisir, ma chère,
Illumine ton front candide
Comme l'aube l'azur timide. »

Paul Verlaine ; Parallèlement, 1889



Mon très cher petit Lou je t’aime

Mon très cher petit Lou je t’aime
Ma chère petite étoile palpitante je t’aime
Corps délicieusement élastique je t’aime
Vulve qui serre comme un casse-noisette je t’aime
Sein gauche si rose et si insolent je t’aime
Sein droit si tendrement rosé je t’aime
Mamelon droit couleur de champagne non champagnisé je t’aime
Mamelon gauche semblable à une bosse du front d’un petit veau qui vient de naître je t’aime
Nymphes hypertrophiées par tes attouchements fréquents je vous aime
Fesses exquisément agiles qui se rejettent bien en arrière je vous aime
Nombril semblable à une lune creuse et sombre je t’aime
Toison claire comme une forêt en hiver je t’aime
Aisselles duvetées comme un cygne naissant je vous aime
Chute des épaules adorablement pure je t’aime
Cuisse au galbe aussi esthétique qu’une colonne de temple antique je t’aime
Oreilles ourlées comme de petits bijoux mexicains je vous aime
Chevelure trempée dans le sang des amours je t’aime
Pieds savants pieds qui se raidissent je vous aime
Reins chevaucheurs reins puissants je vous aime
Taille qui n’a jamais connu le corset taille souple je t’aime
Dos merveilleusement fait et qui s’est courbé pour moi je t’aime
Bouche Ô mes délices ô mon nectar je t’aime
Regard unique regard-étoile je t’aime
Mains dont j’adore les mouvements je vous aime
Nez singulièrement aristocratique je t’aime
Démarche onduleuse et dansante je t’aime
Ô petit Lou je t’aime je t’aime je t’aime.

Guillaume Apollinaire



Coucher avec elle


Coucher avec elle
Pour le sommeil côte à côte
Pour les rêves parallèles
Pour la double respiration

Coucher avec elle
Pour l'ombre unique et surprenante
Pour la même chaleur
Pour la même solitude

Coucher avec elle
Pour l'aurore partagée
Pour le minuit identique
Pour les mêmes fantômes

Coucher avec elle
Pour l'amour absolu
Pour le vice pour le vice
Pour les baisers de toute espèce

Coucher avec elle
Pour le naufrage ineffable
Pour se prostituer l'un à l'autre
Pour se confondre

Coucher avec elle
Pour se prouver et prouver vraiment
Que j'amais n'a pesé sur l'âme et le corps des amants
Le mensonge d'une tache originelle

Robert Desnos ; Fortunes, 1942








(*) illustrations de Mihály Zichy (1827-1906)

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Sieur Ogre ! Vous voilà bien polisson ! C'est l'air printanier qui vous met en si ample aise (même si ça ne se dit pas) et qui nous soumet à de si grands désirs ?
Je préfère tout de même Baudelaire au message subliminal de Madame Sand... :)
Et puis, puisque j'en suis à donner mon ressentiment face à cette effusion de chair, je vous avoue qu'un détail ne me plait pas du tout dans la quatrième image... Cherchez l'erreur... :D
[ Bien sûr, cela n'engage que moa... ]

Anonyme a dit…

...Je serais tenté de donner ma langue au chat.......... Que l'homme semble fumer ??? ... Ce côté "pacha" ??? ... Vraiment, il faudra que je regarde mieux peut-être, pour découvrir ce qui semble tant vous déplaire... Mais vous reconnaitrez que je ne puis avoir votre sensibilité, n'étant pas fait du même bois que vous, Très Noble Fée... Mais vous semblez suggérer que je ne suis point seul à subir les effets de la saison... Que dois-je en déduire ??? Le service de votre Divin Établissement vous permettrait-il pas de loisirs ???

Anonyme a dit…

... heu ... je veux pas trop la ramener, mais je pense que l'erreur de la quatrième image est que la bougie n'est pas allumée ... Ben oui, c'est classe les bougies allumées ...! Non ...?! C'est pas ça ?! Hum ... feindre l'indifférence ... j'adore ... la pipe (que l'homme fume, hein) est une merveilleuse idée ...

Rangez-moi cette langue, l'Ogre ! Le chat n'en veut pas ...! ^^

Anonyme a dit…

... j'oubliais de souligner la beauté de ces textes ... mais je sens bien que ce n'est pas là le commentaire que vous attendiez ...

Anonyme a dit…

mdr.
Noble Princesse, me voilà soumise à un fou rire monumental... C'n'est pas sérieux...

Mais voui, Maître Ogre, rangez moa cette langue que nous ne saurions voir...
Il est vrai toutefois que les bougies sont faites pour être allumées ! Mortecouille !^^

H a dit…

Eh ben !

Anonyme a dit…

Hmm... Je dirais la masturbation par orteils, c'est pas si commun que ça...

LUCOQUIN

link886 a dit…

....c'est même plus le printemps à ce niveau !! C'est seulement Ogresque...normal quoi !