jeudi 13 mars 2008

Ecce Homo...


Michelangelo Merisi da Caravaggio (1571-1610) ; L'incrédulité de Saint Thomas ; 1600-1601

Pour lire l'Évangile, il faut commencer par avoir la foi, c'est-à-dire être disposé à croire aveuglément tout ce que le livre contient. Pour examiner cet Évangile, il faut encore de la foi, c'est-à-dire être fermement résolu à n'y trouver rien que de saint et d'adorable. Enfin, pour entendre l'Évangile, il faut encore de la foi, c'est-à-dire une ferme persuasion que nos prêtres ne peuvent jamais ni se tromper eux-mêmes, ni vouloir tromper les autres, dans la façon dont ils expliquent le livre que nous lisons.


Michelangelo Merisi da Caravaggio ; Le couronnement d'épines ; 1602-1604


Il y a tout lieu de croire que, si l'Esprit Saint eût prévu la fortune éclatante que devait faire un jour la religion de Jésus, s'il eût pu pressentir qu'elle dût être par la suite des temps reçue par des rois, des nations civilisées, des savants, des personnes de la bonne compagnie, s'il eût soupçonné que cette religion pouvait être examinée, analysée, discutée, critiquée par des logiciens, il y a, dis-je, lieu de croire qu'il nous aurait laissé sur la vie et la doctrine de son fondateur des mémoires moins informes, des faits mieux circonstanciés, des preuves plus authentiques, en un mot des matériaux mieux digérés que ceux qui nous restent. Il eût choisi des écrivains plus habiles que ceux qu'il a inspirés pour transmettre aux nations les harangues et les actions du Sauveur du monde ; il l'eût du moins fait agir et parler d'une manière plus digne d'un Dieu ; il eût mis dans sa bouche un langage plus noble, plus clair, plus persuasif ; il eût employé des moyens plus sûrs de convaincre la raison rebelle et de confondre l'incrédulité.


Girolamo Marchesi da Cotignola (1490-1539) ; La sainte famille ; 1525


Rien de tout cela n'est arrivé ; l'Évangile n'est qu'un roman oriental, dégoûtant pour tout homme de bon sens et qui ne semble s'adresser qu'à des ignorants, des stupides, des gens de la lie du peuple, les seuls qu'il puisse séduire. La critique n'y trouve nulle liaison dans les faits, nul accord dans les circonstances, nulle suite dans les principes, nulle uniformité dans les récits. Quatre hommes grossiers et sans lettres passent pour les véritables auteurs des mémoires qui contiennent la vie de Jésus-Christ ; c'est sur leur témoignage que les chrétiens se croient obligés d'admettre la religion qu'ils professent et d'adopter sans examen les faits les plus contradictoires, les actions les plus incroyables, les prodiges les plus étonnants, le système le plus décousu, la doctrine la plus inintelligible, les mystères les plus révoltants !



Valentin de Boulogne (1594-1632) ; Le couronnement d'épines ; 1624



En un mot, nous verrons un artisan enthousiaste, mélancolique et jongleur maladroit, sortir d'un chantier pour séduire des hommes de sa classe, échouer dans tous ses projets, être puni comme un perturbateur public, mourir sur une croix, et cependant après sa mort devenir le législateur et le Dieu d'un grand nombre de peuples, et se faire adorer par des êtres qui se piquent de bon sens.

Sa mission eut des succès qui surpassèrent de beaucoup tous ceux de ses confrères ; ils allèrent si loin que l'on peut, à juste titre, regarder Paul comme le vrai fondateur de la religion chrétienne, telle qu'elle est aujourd'hui.



Philippe de Champaigne (1602-1674) ; Louis XIV offre sa couronne et son sceptre à la Vierge et à l'Enfant Jésus ; vers 1675



Ainsi, en regardant la chose de près, nous trouverons que le concile de Nicée fut le véritable instituteur de la religion chrétienne qui, jusqu'à lui, errait à l'aventure, ne savait à quoi s'en tenir, ignorait si Jésus était un Dieu, n'avait point d'Évangiles authentiques, manquait d'une loi sûre, n'avait aucun corps de doctrine à laquelle on pût se fier. Un nombre d'évêques et de prêtres, très petit en comparaison de ceux qui composaient toute l'Église chrétienne, et ces évêques, très peu d'accord entre eux, ont décidé de la chose la plus essentielle au salut des nations. Ils ont décidé de la divinité de Jésus ; ils ont décidé de l'authenticité des Évangiles ; ils ont décidé que, d'après ces Évangiles, leur autorité propre devait être réputée infaillible, en un mot, ils ont décidé de la foi. Cependant leurs décisions seraient demeurées sans force si elles n'eussent été appuyées de l'autorité de Constantin ; ce prince fit prévaloir l'opinion de ceux des pères du concile qui surent pour un temps l'attirer de leur côté et qui, parmi cette foule d'évangiles et d'écrits dont le christianisme était inondé, ne manquèrent pas de déclarer divins ceux qu'ils jugèrent les plus conformes à leurs opinions particulières, ou à la faction dominante. Dans la religion, comme ailleurs, la raison du plus fort est toujours la meilleure.

Voilà donc en dernier ressort l'autorité d'un empereur qui décide des points capitaux de la religion chrétienne ! Cet empereur, très peu sûr de sa foi, décide, jusqu'à nouvel ordre, que Jésus est un Dieu consubstantiel à son père, et force d'admettre comme inspirés les quatre Évangiles que nous avons entre les mains.



Paul Heinrich Dietrich von Holbach (1723-1789) ; Histoire critique de Jésus-Christ : analyse raisonnée des Évangiles : (Ecce Homo), 1770




Philippe de Champaigne ; La Cene

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Les hommes ont besoin de croire en une religion afin de se dire qu'ils ne sont pas tout seul. Afin de pouvoir espérer dans les pires moments, afin de se décharger de toute responsabilité.
Afin de se dire que quoi qu'ils fassent, ils ne sont pas maîtres de leurs actes...

Et puis, se retrouver sur le bûcher ou écartelé si l'on n'adhère pas, je pense qu'il y a plus agréable.

Sur ce, Maitre Ogre, je vous apporte ce pot de confiture de framboise. Vous en ferez ce que bon vous semblera, mais ailleurs que sur mon parquet je vous prie. :)

Anonyme a dit…

...Aux innocents, les mains pleines"...
Des êtres irresponsables qui ne sont pas maîtres de leurs actes... c'est bien tout ce que je leur reproche aux hommes...
Même pas courageux !!!
Ggggrrrhhhh !!!

Anonyme a dit…

Oh l'Ogre, vous êtes dur avec les hommes ... Essayez d'être un peu plus indulgent ... allez, siouplé ... je vous le demande comme une faveur ... ^^

Peut être que le problème avec la religion est qu'elle n'arrive pas à rester à sa place : une croyance personnelle. Je crois en beaucoup de choses (la générosité d'un Ogre, la perfidie des thécaires, la bière dans mon verre ...), mais je bassine pas tout le monde avec ça ... si ...?! Ah bon ...

Il faudrait quand même qu'un jour j'essaie de me plonger dans cette littérature. Il parait que c'est plutôt intéressant comme lecture ... Ceci dit, s'il n'y a pas Vadinho dans La Bible, je crois que je n'arriverai pas à la lire ...!!