Déclaration des droits de l'homme de 1793
(...)
Article 11. Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine, est arbitraire et tyrannique ; celui contre lequel on voudrait l'exécuter par la violence a le droit de la repousser par la force.
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Article 33. La résistance à l'oppression est la conséquence des autres droits de l'homme.
Article 34. Il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
Article 35. Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.
Des dangers d'une classe exclusivement instruite dans l'art de gouverner...
(...) S'il se formait, disait-il [Babeuf], dans l'État une classe exclusivement au fait des principes de l'art social, des lois et de l'administration, elle trouverait bientôt dans la supériorité de son esprit, et surtout dans l'ignorance de ses compatriotes, le secret de se créer des distinctions et des privilèges ; exagérant l'importance de ses services, elle parviendrait aisément à se faire regarder comme la protectrice nécessaire de la patrie ; et, colorant ses audacieuses entreprises du prétexte du bien public, elle parlerait encore de liberté et d'égalité à ses peu clairvoyants concitoyens, déjà soumis à une servitude d'autant plus dure, qu'elle paraîtrait légale et volontaire. [...]
Philippe Buonarotti (1764-1837) - La conspiration pour l'égalité, dite de Babeuf ; (1828)
C'est aux émeutes populaires que nous devons la liberté...
Les citoyens timides, les hommes qui aiment leur repos, les heureux du siècle, les sangsues de l'État et tous les fripons qui vivent des abus publics ne redoutent rien tant que les émeutes populaires : elles tendent à détruire leur bonheur, en amenant un nouvel ordre de choses. Aussi s'élèvent-ils sans cesse contre les récits énergiques, les discours véhéments, en un mot contre tout ce qui peut faire sentir au peuple sa misère, et le rappeler à ses droits.
C'est la morale des hommes constitués en dignité et en puissance. Au milieu des abus de l'autorité et des horreurs de la tyrannie, ils ne parlent que d'apaiser le peuple, ils ne travaillent qu'à l'empêcher de se livrer à sa juste fureur. Ils ont pour cela de puissantes raisons ; et, de plus, un prétexte bien propre à faire impression sur les hommes bornés, mais qui n'en impose pas aux hommes instruits ; je parle des scènes tragiques dont les insurrections sont presque toujours accompagnées.
Quelle que soit la terreur qui remplit leur âme et qu'ils cherchent à faire passer dans celle des autres, voici quelques réflexions qui contribueront à rassurer les esprits judicieux.
D'abord le peuple ne se soulève que lorsqu'il est poussé au désespoir par la tyrannie. Que de maux ne souffre-t-il pas avant de se venger ! Et sa vengeance est toujours juste dans son principe, quoiqu'elle ne soit pas toujours éclairée dans ses effets ; au lieu que l'oppression qu'il endure n'a sa source que dans les passions criminelles de ses tyrans.
Et puis, est-il quelque comparaison à faire entre un petit nombre de victimes que le peuple immole à la justice, dans une insurrection, et la foule innombrable de sujets qu'un despote réduit à la misère, ou qu'il sacrifie à sa fureur, à sa cupidité, à sa gloire, à ses caprices ? que sont quelques gouttes de sang que la populace a fait couler, dans la révolution actuelle, pour recouvrer sa liberté, auprès des torrents qu'en ont versés un Tibère, un Néron, un Caligula, un Caracalla, un Commode ; auprès des torrents que la frénésie mystique d'un Charles IX en a fait répandre ; auprès des torrents qu'en a fait répandre la coupable ambition d'un Louis XIV ? Que sont quelques maisons pillés en un seul jour par la populace auprès des concussions que la nation entière a éprouvées pendant quinze siècles, sous les trois races de nos rois ? Que sont quelques individus ruinés, auprès d'un milliard d'hommes dépouillés par les traitants, par les vampires, les dilapidateurs publics ?
Mettons de côté tout préjugé, et voyons.
La philosophie a préparé, commencé, favorisé la révolution actuelle ; cela est incontestable : mais les écrits ne suffisent pas ; il faut des actions ; or à quoi devons-nous la liberté, qu'aux émeutes populaires ?
C'est une émeute populaire formée au Palais-Royal qui a commencé la défection de l'armée, et transformé en citoyens deux cent mille hommes dont l'autorité avait fait des satellites et dont elle voulait faire des assassins.
C'est une émeute populaire formée aux Champs-Élysées qui a éveillé l'insurrection de la nation entière ; c'est elle qui a fait tomber la Bastille, conservé l'Assemblée nationale, fait avorter la conjuration, prévenu le sac de Paris, empêché que le feu ne l'ai réduit en cendres, et que ses habitants n'aient été noyés dans leur sang.
C'est une émeute formée au Marché Neuf à la halle qui a fait arrêter la seconde conjuration, qui a empêché la fuite de la maison royale et prévenu les guerres civiles qui en auraient été les suites trop certaines.
(...) Suivez les travaux de l'Assemblée nationale, et vous trouverez qu'elle n'est entrée en activité qu'à la suite de quelque émeute populaire et que, dans des temps de calme et de sécurité, cette faction odieuse n'a jamais manqué de se relever pour mettre des entraves à la Constitution, ou faire passer des décrets funestes.
Jean-Paul Marat - L'Ami du peuple ; n°s 34 et 35, 10 novembre 1789.
"Tête de supplicié de la Bastille", dessin attribué à David.
3 commentaires:
Quel post, j'en suis pantois... Et de quelle actualité! J'aimerais bien mieux vous entendre à 20 heures reciter la constitution de 1793, plutôt que la police tueuse d'étudiant.
...Merci eönwë, et au plaisir de vous plaire !
Bien venu ce post, surtout l'article 35, je le trouve très intéressant... ...
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