vendredi 23 novembre 2007

...Eh bah, c'est pas gagné...


" Abusus non tollit usum" ...


N° 1, du 3 frimaire an 216


Sur une barricade

Sur une barricade, au milieu des pavés
Souillés d’un sang coupable et d’un sang pur lavés,
Un enfant de douze ans est pris avec des hommes.
- Es-tu de ceux-là, toi ? - L’enfant dit : Nous en sommes.
- C’est bon, dit l’officier, on va te fusiller,


- Attends ton tour. - L’enfant voit des éclairs briller,
Et tous ses compagnons tomber sous la muraille.
Il dit à l’officier : - Permettez-vous que j’aille
Rapporter cette montre à ma mère chez nous ?
- Tu veux t’enfuir ? - Je vais revenir. - Ces voyous
Ont peur ! où loges-tu ? Là, près de la fontaine.
Et je vais revenir, monsieur le capitaine.
- Va-t’en, drôle ! - L’enfant s’en va. - Piège grossier !
Et les soldats riaient avec leur officier.
Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle ;
Mais le rire cessa, car soudain l’enfant pâle,
Brusquement reparu, fier comme Viala,
Vint s’adosser au mur et leur dit : - Me voilà.

Victor Hugo (juin 1871)


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" Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux "


"Pour acquérir le bien qu’il souhaite, l’homme hardi ne redoute aucun danger, l’homme avisé n’est rebuté par aucune peine. Seuls les lâches et les engourdis ne savent ni endurer le mal ni recouvrer le bien qu’ils se bornent à convoiter. L’énergie d’y prétendre leur est ravie par leur propre lâcheté ; il ne leur reste que le désir naturel de le posséder. Ce désir, cette volonté commune aux sages et aux imprudents, aux courageux et aux couards, leur fait souhaiter toutes les choses dont la possession les rendrait heureux et content. Il en est une seule que les hommes, je ne sais pourquoi, n’ont pas la force de désirer : c’est la liberté, bien si grand et si doux ! Dès qu’elle est perdue, tous les maux s’ensuivent, et sans elle tous les autres biens, corrompus par la servitude, perdent entièrement leur goût et leur saveur. La liberté, les hommes la dédaignent uniquement, semble-t-il, parce que s’ils la désiraient, ils l’auraient ; comme s’ils refusaient de faire cette précieuse acquisition parce qu’elle est trop aisée.
Pauvres gens misérables, peuples insensés, nations opiniâtres à votre mal et aveugles à votre bien ! Vous vous laissez enlever sous vos yeux le plus beau et le plus clair de votre revenu, vous laissez piller vos champs, voler et dépouiller vos maisons des vieux meubles de vos ancêtres ! Vous vivez de telle sorte que rien n’est plus à vous. Il semble que vous regarderiez désormais comme un grand bonheur qu’on vous laissât seulement la moitié de vos biens, de vos familles, de vos vies. Et tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez fait ce qu’il est, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-même à la mort. Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps, et rien de plus que n’a le dernier des habitants du nombre infini de nos villes. Ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire. D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne vous les emprunte ? Les pieds dont il foule vos cités ne sont-ils pas aussi les vôtres ? A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? Comment oserait-il vous assaillir, s’il n’était d’intelligence avec vous ? Quel mal pourrait-il vous faire, si vous n’étiez les receleurs du larron qui vous pille, les complices du meurtrier qui vous tue et les traîtres de vous-mêmes ? Vous semez vos champs pour qu’il les dévaste, vous meublez et remplissez vos maisons pour fournir ses pilleries, vous élevez vos filles afin qu’il puisse assouvir sa luxure, vous nourrissez vos enfants pour qu’il en fasse des soldats dans le meilleur des cas, pour qu’il les mène à la guerre, à la boucherie, qu’il les rende ministres de ses convoitises et exécuteurs de ses vengeances. Vous vous usez à la peine afin qu’il puisse se mignarder dans ses délices et se vautrer dans ses sales plaisirs. Vous vous affaiblissez afin qu’il soit plus fort, et qu’il vous tienne plus rudement la bride plus courte. Et de tant d’indignités que les bêtes elles-mêmes ne supporteraient pas si elles les sentaient, vous pourriez vous délivrer si vous essayiez, même pas de vous délivrer, seulement de le vouloir.
Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre."

Étienne de La Boétie,
Discours de la servitude volontaire ; (publication complète en 1576)



"Heavy in White, The Spaghetti Eatersby". Lynn Bianchi









8 commentaires:

M. Ogre a dit…

...Bah, c'est vraiment pas gagné...
Cherche cours de mise en page pour blog...

null a dit…

Ça viendra avec le temps... Ou avec Val...

Ça passe bien !
Bienvenue au club, v'là une belle entrée en matière !

Anonyme a dit…

Il se pourrait fort bien que je devienne lectrice assidue ... Pour ce qui est de votre expérience de blog, je suis certaine que vous trouverez une solution ...

link886 a dit…

Enfin nous y voila....
et je dois dire que cela s'annonce sous les meilleurs auspices...amis de la Révolution bonjour !!!

Anonyme a dit…

Ah bah M. Ogre a un blog... Ça s'annonce très bien, vivement la suite!
PS: Faut-il comprendre à ce premier post qu' en ouvrant ce blog tu te vois comme le garçon qui va se faire fusiller ou le peuple imbecil qui s'emprisonne tout seul?

Anonyme a dit…

Merci à M. Ogre pour ce beau texte de La Boétie, que je ne connaissais pas et que je m'en vais de ce pas copier sur un forum pour l'édification de certains.
Les peuples qui ne connaissent pas leur histoire (et leur littérature) sont condamnés à commettre toujours les mêmes erreurs !

M. Ogre a dit…

Grand mercy messeigneurs !!!

PS. La Mouetterieuse, ça sent l'air du large, la mer... Mes origines...

Anonyme a dit…

Hello,

Tidieu, M. Ogre a ENFIN son blog! Lecteur assidu, bien que parfois perplexe, de vos commentaires chez notre chère Miss Eronrouge je ne peux que me réjouir de vous voir sauter - enfin - le pas. Bienvenue dans la blogoboule, cher M. Ogre, et au plaisir de vous lire.

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