lundi 12 janvier 2015

Mémoire sur la route de Zayla à Harar (Afrique orientale)...


 Sir Richard Francis Burton (1821-1890)


Son voyage en Arabie achevé, Burton passa le mois de novembre 1853 au Caire, où il commença à rédiger sa monumentale « Relation Personnelle d'un Pèlerinage à Médine et La Mecque »l. Mais le congé d'un an que l'East India Company lui avait généreusement octroyé touchant à son terme, il dut regagner bientôt Bombay. En s'embarquant pour l'Inde, il ne put résister au plaisir de revêtir à nouveau l'ample tunique et le turban du pèlerin (hadji). Sur le navire, il se lia d'amitié avec un membre du Bombay Council, James Lumsden, qui, après l'avoir pris pour un authentique musulman, devait l'introduire dans les hautes sphères de la colonie anglaise - notamment auprès de Mountstuart Elphinstone, gouverneur de Bombay. Car Burton avait un nouveau projet en tête - projet dont la réalisation nécessitait d'importants appuis. Il se proposait en effet d'atteindre une seconde cité sainte, cette fois totalement inviolée : Harar, la capitale religieuse de la Somalie, perdue au cœur des déserts de la corne de l'Afrique2. Citadelle de la foi musulmane dans cette partie du continent noir et nceud important de la traite des esclaves, Harar n'avait été jusque-là visitée par aucun Européen (seule la côte nord de la Somalie avait été explorée en 1848 par un certain lieutenant Cuttendon, à partir d'Aden, possession britannique depuis 1839). La mystérieuse cité - racontaient les indigènes «  çomals » -  était gouvernée par un émir cruel et dépravé ; elle était, à en croire une légende, promise à la décadence au cas où un « infidèle » viendrait à y pénétrer. 




Richard Francis Burton au milieu des années 1850... 


Burton projetait de se travestir en marchand musulman, et, à partir de Zeyla (au sud-est de Djibouti), de rallier Zanzibar par Harar et l'Ogaden. Il devait finalement se borner à un voyage aller-retour à la cité sainte, voyage dont il a laissé une relation, en avant-première et en français, à l'intention des lecteurs de la Société de Géographie de Paris.3
 
Pour son expédition, Burton s'assura le concours de trois lieutenants de l'Armée des Indes, G. Herne, W. Stroyan, et -- un nouveau venu - J.H. Speke, son futur compagnon d'exploration dans la région des Grands Lacs d'Afrique. Les deux premiers furent chargés de reconnaître les alentours de Berbera ; Speke, quant à lui, devait s'aventurer dans une vallée que l'on disait riche en gisements d'or, le Ouadi Nogal, au sud-est de Berbera. Burton, enfin, se réserva le raid sur Harar. Les quatre hommes devaient se rejoindre sur la côte le 15 janvier 1855. Burton (qui reste laconique ou évasif sur certains points dans sa lettre à la Société de Géographie) revêtit son déguisement de négociant arabe le 24 octobre 1854, et s'embarqua à Aden pour Zayla. Il recruta sur place neuf indigènes, dont deux femmes, auxquelles il donna les noms de Sheherazade et Deenarzade (deux personnages des Mille et Une Nuits). Le chef de sa caravane, un Yéménite qu'il surnomma « End of Time » («  La Fin des Temps ») était un véritable gredin, « cupide et sournois », mais sa connaissance des proverbes arabes -- qualité qui, aux yeux de Burton, rachetait tous les vices - était littéralement prodigieuse ; il devait lui servir d'interprète dans ses contacts avec les bédouins Somali. Sous un ciel embrasé, Burton et son insolite cortège s'engagèrent dans le désert infesté de scorpions. La couleur de la peau de l'explorateur anglais ne tarda pas à attirer l'attention des populations nomades. Pris pour un Turc (les Ottomans étaient haïs clans ces contrées), il fut bientôt menacé de mort. « Une tête coupée ne repousse pas comme la rose », l'avertit un Arabe. À Sagharrah, sept membres de la troupe refusèrent d'aller plus loin. Burton jugea alors plus prudent de révéler tout bonnement son identité, et de se faire passer pour l'envoyé du gouvernement d'Aden auprès de l'émir d'Harar -- initiative qui devait probablement lui sauver la vie. On lira comment, après dix jours de marche, Burton entra dans la ville -- l'un des lieux les plus sinistres qu'il lui ait jamais été donné de voir. Les portes de la mystérieuse cité se refermèrent derrière lui, et il fut conduit auprès de l'émir, un jeune homme souffreteux, au teint cireux et « à l'air méchant », à qui il dévoila sa nationalité. Le souverain lui répondit par un sourire. Le soir, Burton se retira dans ses quartiers, « épuisé de fatigue et profondément impressionné par la poésie de sa situation » : « Je me trouvai sous le toit d'un prince fanatique dont le maître mot était la mort, au milieu d'une population qui détestait les étrangers ; et j'étais le seul Européen qui ait franchi le seuil de leur inhospitalité, et, tout à la fois, l'instrument désigné par le destin de leur chute future »4.




Richard Francis Burton au milieu des années 1850... 



Espionné en permanence, incapable de prendre des notes, Burton s'aperçut bientôt qu'il était prisonnier. Il parvint malgré tout à converser avec les érudits du lieu, qu'il stupéfia par sa connaissance des choses de l'Orient. Il admira également la beauté des femmes, dont les yeux étaient fardés de khôl et les mains teintes au henné. Dix jours s'écoulèrent ainsi, mais les portes de la ville restaient désespérément closes. Burton imagina alors un subterfuge : l'émir souffrant, selon toute vraisemblance, de la tuberculose, il lui fit porter un message dans lequel il lui proposait d'aller quérir à Aden des remèdes à son intention. Le souverain, qui avait entendu parler des Anglais et craignait que ces derniers ne saisissent ses caravanes d'esclaves, le laissa partir le 13 janvier 1855. Jamais de sa vie Burton ne ressentit pareil soulagement : « Lorsque nous franchîmes les portes, avec force salamalecs à l'adresse des gardes, toute mon angoisse m'abandonna, comme si un manteau de plomb me tombait des épaules. »

Accueilli avec des cris de joie à Sagharrah par les membres de sa caravane - qui le croyaient mort depuis longtemps - Burton, par pure bravade, regagna la côte seul, en cinq jours, en coupant directement à travers les monts Girki, où la température pouvait atteindre 50° dans la journée. Le 9 février, il était de retour à Aden avec Herne et Stroyan ; Speke les y rejoignit deux semaines plus tard ; sans avoir réussi à trouver le Ouadi Nogal.

First Footsteps in East Africa, la relation que Burton a laissée de ce bref voyage, parut en 1856, avec, en annexe, un glossaire de la langue harari, une étude sur la pratique barbare de l'infibulation (la première qui ait jamais été publiée en anglais), et le récit de Speke de son infructueuse incursion au cceur de la Somalie, copieusement mutilé et réécrit par Burton (la haine que se voueront plus tard les deux hommes trouve peut-être là ses toutes premières origines).




Harar ; Cliché de Jon Bratt



Dès son retour, comme il le laisse entendre dans sa lettre, Burton mit sur pied une seconde expédition. Il voyait cette fois beaucoup plus loin : il comptait retourner à Harar, puis, après avoir traversé l'Éthiopie, rechercher les sources du Nil - l'un des derniers grands problèmes géographiques non encore résolus en ce troisième quart du XIXe siècle. Il avait entendu parler à Harar d'une route caravanière qui traversait l'Afrique de la Somalie à l'Atlantique. Avec Speke, Stroyan, Herne et quarante-deux hommes, Burton débarqua à Berbera à la mi-avril 1855 et alla camper sur le rivage pour les préparatifs du départ. Les chefs locaux, avec qui Speke avait eu maille à partir quelques mois plus tôt, et qui considéraient la présence anglaise comme une menace sur la traite des esclaves, virent d'un mauvais ceil l'arrivée de l'expédition. Dans la nuit du 19 au 20 avril, cette dernière tourna d la tragédie : à deux heures du matin, plusieurs dizaines d'indigènes armés de lances fondirent sur le campement. Un furieux combat s'engagea alors : les quatre officiers réussirent à tuer plusieurs assaillants, mais, dans la mêlée, Burton reçut en plein visage une javeline qui lui transperça les deux joues et le palais. Fou de douleur, il réussit à fuir vers la plage, où un navire ami était ancré, et à chercher des secours. Herne et Speke, miraculeusement, parvinrent eux aussi à s'enfuir. Le second avait pourtant vu de très près la mort : fait prisonnier, les bras entravés, il avait été lardé de onze coups de lance ; dans un dernier sursaut, il avait défait ses liens, projeté à terre son tortionnaire, et couru vers le bateau. Quant à Stroyan, son corps devait être retrouvé un peu plus tard, affreusement mutilé. Anéanti, Burton regagna Aden, où il guérit lentement de sa blessure. Ainsi avait pris fin son « second voyage à Harar ». Et ce n'est que deux ans plus tard qu'il repartirait, avec Speke, à la recherche des sources du Nil.

Notes

          1.  L'ouvrage, en trois volumes, paraîtra en 1855-56 sous le titre de Personal Narrative of a Pilgrimage to El-Medinah and Meccah.
          2. Voir Fawn Brodie, The Devil Drives, A life of Sir Richard Burton, 1986, pp. 106-125 ; B. Farwell, Burton, 1963, pp. 99-126.
        3. Le récit complet de cette expédition et de la suivante, paraîtra en 1856 sous le titre de First Footsteps in East Africa, XLII-648 p. ; London, Longmans.
          4. First Footsteps…, p. 303.

(Extrait d’après : R. F. Burton, Voyages à la Mecque et chez les Mormons, augmentés d’une lettre de l’auteur sur son voyage à la cité sainte et interdite de Harar ; préface de P. Conrad ; Éd. Pygmalion, 1991, pp. 107-110)



 



MÉMOIRE
SUR LA ROUTE DE ZAYLA À HARAR
(AFRIQUE ORIENTALE).


LETTRE DE RICHARD F. BURTON
À M. LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE PARIS1.



Aden, le 24 février 1855.

Monsieur,

Je prends la liberté de vous adresser ci-joint l'humble témoignage de mon respect pour une Société qui exerce son bienveillant patronage sur nous autres voyageurs2.

Je fus nommé, le 23 août, par la très honorable cour des directeurs de l'empire des Indes, chef d'une mission plutôt exploratrice que scientifique. Un de nos géographes les plus distingués, l’amiral sir Charles Malcolm, qui nous a été malheureusement enlevé, avait depuis longtemps usé de son influence auprès de la Société royale géographique de Londres, pour se procurer quelques informations sur la région inconnue habitée par la nation Çomal (Somali)3. Le premier projet connu pour arriver à ce but date de l’an 1849. Une seule difficulté se présentait à son exécution, mais elle était considérable. C'était le mauvais renom que s'était acquis cette nation.

En 18524, ayant accompli sans encombre le pèlerinage de La Mecque, après avoir visité Médine, je pensais qu'avec la réputation de hadji, je pourrais réussir à traverser le pays des Çomals, peuple quasi musulman. Je soumis en conséquence mon projet à lord Elphinstone, gouverneur actuel de Bombay. C'est à ce nom si cher à l’Inde orientale que je dois l’heureuse réussite de mes efforts.




Arrivée en vue de Berberah à bord du Tuna...



Je m'embarquai à Bombay pour Aden, le 1er juillet 1854, avec un de mes adjoints, le lieutenant Herne. Aden était un point favorable à nos desseins d'étudier la langue et les mœurs du peuple Çomal. Malheureusement ceux de mes compatriotes qui habitent cette colonie jugèrent défavorablement mes projets ; je fus représenté comme un voyageur fanatique résolu à prodiguer sa vie et celle des autres pour ne recueillir que quelques faibles informations philologiques et autres. Les journaux reproduisirent ce jugement, et le public étant le maître, je dus céder à une opinion égarée ; autrement j'eusse couru le risque de voir mes projets chéris brisés par ce petit orage populaire. Je fus consolé en partie par deux aimables Français, dont je tais ici les noms pour ne pas blesser leur modestie et qui m'assurèrent de leur hospitalité si jamais nous arrivions à Zanzibar.

Changeant donc de plan, je détachai le lieutenant Speke5, un autre de mes compagnons, avec ordre de visiter un pays de moins mauvaise réputation, la région inconnue d'Ouadi Nogal. Et pour prouver la valeur d'un hadji, je résolus de visiter Harar (Hurrur), cité célèbre de l’Afrique orientale qui a réussi jusqu'ici à fermer ses portes aux voyageurs européens. MM. Krapf et Isenberg, M. Rochet (d'Héricourt)6, le capitaine Barker, le lieutenant Christopher (sans nommer une foule moins connue), n'ont pu pénétrer dans ce Tombouctou de l’Orient. Par précaution je détachai le lieutenant Herne avec mission de s'établir à Berbera pour nous venir en aide en cas de malheur, et la suite prouva que j'avais sagement agi. Le despote de Harar me donna permission de pénétrer chez lui, en conséquence, dit-on, de la terreur populaire inspirée par mon « frère » de Berbera qu'on supposait posté pour arrêter les caravanes de l’intérieur. 




A Mosque And Its Minaret, Zeila, Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Le 29 octobre, je me rendis, travesti en vrai Asiatique hétérogène, à Zayla, petit port de la région çomale déjà connu par la description de .M. Rochet, et depuis par les malheurs de la belle frégate le Caïman. Je fus accueilli avec empressement par le gouverneur çomal, El Hadj Scharmarké. Il avait reconnu, avec sa finesse orientale, sous le costume de marchand pèlerin, l’officier anglais, et se doutait de quelque projet politique. Sa bienveillance était même exagérée : je fus retenu pendant vingt-huit jours, sous le prétexte d'attendre des mulets que j'avais eu soin de payer quatre mois d'avance ; mais en réalité parce qu'ayant répondu pour ma tête au gouvernement d'Aden, le bon Scharmarké se trouvait dans une position assez critique. Les Çomals de la tribu Eesa venaient, en effet, d'égorger Maçared, un de ses fils ; les Gallas des environs de Harar étaient, disait-on, en révolte, les chemins étaient fermés et la petite vérole, affreuse épidémie qui tire son origine de cette région, sévissait sur la ville de Harar. Vous jugerez, Monsieur, si, lors de ma halte forcée à Zayla, je n'avais pas raison de ressentir les craintes propres à celui qui, ayant vanté sa supériorité aux autres, se voit menacé d'un double malheur.




Somali nomad near Zeila, Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Après mainte discussion, en hadji obstiné, je remportai la victoire la plus complète. Le gouverneur de Zayla se vit forcé de me trouver des munitions de voyage, des mulets et quatre chameaux pour ma petite provision de tabac, de toiles, de coton, de riz et de dattes. Il envoya chercher parmi les Eesa un petit chef ayant mission de me servir d'abban. Dans ce pays l’abban, qui correspond au ghafir du Sinaï, à l’akh du Hedjaz, et au rabia de l’Arabie orientale, se constitue guide, courtier, protecteur et écorcheur des voyageurs. Sans sa permission, on ne saurait traverser un mètre de terrain et, pour prix de ses services, il demande sa nourriture et celle de ses parents, amis et connaissances, de plus des cadeaux de drap et de tabac, sans compter les nombreux articles qui éveillent sa cupidité. Dans les contrées éloignées de la côte, l’abban devient maître de la vie et des biens de son client. Enfin l’abban constitue une mode très africaine pour la perception des impôts.




Nomads Walking Through The Desert Between Berbera And Zeila, Berbera Area
cliché de Éric Lafforgue



De Zayla à Harar, il y a deux routes. La plus directe, qui compte dix fortes étapes dans la direction du sud-ouest, traverse pendant huit journées le pays des Eesa, et en deux jours les montagnes des Gallas de la tribu Nola. Le Hadj Scharmarké ne jugea pas à propos de me faire prendre une voie pleine de dangers. Car ces deux tribus ont hérité de leurs ancêtres l’abominable habitude de la mutilation ; lâches et traîtres, ils reçoivent l’étranger  avec hospitalité, le traversent à l’improviste d'un coup de lance et celui qui tire le premier sang s'empresse de saisir un signe positif de son exploit. Alors il se rend auprès de sa femme qui vante, en poussant des hurlements de joie, la prouesse du maître. Dès lors ce dernier porte comme en décoration, dans sa perruque touffue et beurrée, le « bàl » ou plume d'autruche, symbole de l'héroïsme africain. Le héros ne borne pas ses exploits aux hommes ; il égorge encore les enfants et l'on m'a assuré qu'une femme perdrait la vie si l'on avait espoir de trouver dans ses flancs un embryon mâle. Les bonnes qualités des Eesa sont la générosité et l’habitude de la vérité : chez eux le parjure est assez rare.




Father And His Son In The Middle Of The Village Square With Sheep Wandering Around, Zeila, Somaliland
cliché de Éric Lafforgue



La seconde route qui côtoie la mer dans la direction du sud est plus longue, mais elle est moins dangereuse. C'est celle-là que le bon Scharmarké me fit suivre.




Driving Through The Desert Between Berbera And Zeila, Berbera Area, Somaliland
cliché de Éric Lafforgue



Le 27 novembre 1854, à trois heures après midi, je quittai la ville de Zayla pour traverser les plaines situées entre les montagnes et la mer. Ma caravane comptait une vingtaine de personnes dont la plupart portaient des lances, des boucliers et de longues dagues. Deux Çomals de la police d'Aden, qui avaient reçu ordre de m'accompagner, étaient armés comme moi-même de longues carabines ; j'avais de plus deux pistolets à six coups (invention Colt), arme qui cause le plus grand effroi aux Bédouins.




Zeila mosque, Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Nous traversâmes au petit pas une plaine desséchée dont le sol, imprégné de nitrate, ne produit rien que des plantes salines propres à la nourriture des chameaux. On remarque des « fiumare » où après les pluies violentes de la « mousson » africaine, les eaux des montagnes forment des torrents dangereux. Les dépressions de cette plaine portent, auprès de la mer, trace d'une inondation récente. À quelque distance de la côte, on trouve une végétation suffisant à la nourriture des vastes troupeaux de moutons, de chèvres et de chameaux qui forment la richesse des Bédouins. Quand les pluies automnales ont fertilisé cette plaine, les nomades quittent leurs montagnes pour jouir du soleil et pour le pâturage de leurs bestiaux. Mais en été nul être humain ne saurait résister au simoun et aux terribles ardeurs de cette région qui se change alors en un affreux désert. L'étendue de la plaine peut être de 45 à 48 milles anglais (mes. géographique). J'eus soin de visiter les campements des Bédouins qui me reçurent avec empressement : des tribus hostiles dévastaient le pays, et dans ce cas un pèlerin armé jusqu'aux dents, habile tireur et un peu magicien tel que je leur paraissais, était doublement formidable. Les huttes de Çomals, appelées gurgi, ont une forme arrondie au sommet, leur hauteur est à peine celle d'un homme ; elles sont composées de branches pliées en demi-cercles supportant des nattes tissées par les femmes. Leur disposition circulaire rappelle le kraal des Cafres du Cap. Les petites divisions du centre protègent les nouveaux-nés ; on parque les vaches ou les chameaux au milieu ; les huttes sont disposées à l'entour et le tout est entouré d'une haute et large haie de buisson et d'épines sèches. Telle est la disposition du rer ou village çomal. Il n'y a d'autre clôture qu'un monceau de branches d'acacias. Les habitations sont sans luxe ; une peau de vache sert de lit. Le lait, nourriture ordinaire de ces Bédouins, est caillé dans des outres de chèvre et des petits seaux ; en hiver on trouve dans ces huttes un feu sans cheminée et pendant la nuit, le propriétaire, sa femme et sa famille partagent l'abri et la fumée avec les faibles et frêles agneaux. 




Berbera coast, Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Nous traversâmes cette plaine, voyageant à la mode du pays, c'est-à-dire en paresseux. Les Çomals divisent leurs routes en gedi ou marches de quatre à cinq heures. Une demi-gedi par jour est le maximum de leurs efforts. Chemin faisant le voyageur distribue ses effets et sa provision aux bonnes gens qui, en effrontés mendiants, assiègent sa hune avec des grands cris de wah issi : « donne-moi quelque chose !7 ». Viennent des haltes fréquentes sous prétexte de danger, de maladie, de faiblesse. Quand les provisions leur manquent, les Çomals sont capables d'accomplir deux gedis par jour, marchant assez lestement. De quatre à huit heures du matin, et deux heures dans la soirée. Enfin dans les endroits dangereux ils vous mènent à grands pas depuis l’aurore jusqu'à la nuit. J'ai vu en mainte occasion une caravane faire d'un trait 28 milles. Mais le voyageur ne doit pas s'attendre â voir souvent des exemples d'une pareille célérité. Ces sauvages sont mous, faibles et fainéants. Ainsi tout conspire à former une chaîne d'obstacles qui ne se rompt que par le moyen d'un grand flegme.




Refugee camp in Lughaye, Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Le 3 décembre nous arrivâmes à la frontière méridionale des Eesa, et nous passâmes quelques journées assez confortables au pied de la montagne qui forme le premier gradin de l'Abyssinie alpine. Cette chaîne suit la mer depuis Tajouzzat jusqu'à Jerd Hafoun (Guardafui) : sa formation géologique présente successivement du calcaire, du grès et des terrains cristallins dans les régions élevées. Ici nous trouvâmes un climat plus frais, et un pays fertilisé par les pluies hivernales. Le 7 décembre nous enfilâmes le lit aride d'un torrent, seul zigzag connu par ces nations primitives, et nos chameaux grimpèrent avec difficulté un sentier pénible parsemé de granites, de grès et de pierraille disposés en gradins ou par grosses masses détachées. Les granites de cette montagne étaient tellement bruts que le quartz, le mica et le feldspath se trouvaient séparés l'un de l'autre. On remarquait des lignes de torrents et de cataractes qui se dessinaient sur les flancs arides et noirâtres des montagnes. Ce pays se change en désert avant la saison des pluies ; fertilisé par la « mousson » (juin-septembre), il nourrit à peine une faible population de vaches nomades. On y trouve des gazelles, des autruches, des couaggas8 et plusieurs autres espèces de bêtes fauves ; le daim nain, appelé par les Abyssins, Beni israil, et par les Çomals, Sagaro ; enfin des petits lièvres et des gros rats. Les lions font l'horreur des timides habitants : pendant mon voyage je ne vis qu'un seul de ces animaux qui s'esquiva d'un coup de carabine porté au clair de la lune. Une espèce de perdrix ou plutôt de poule sauvage et connue sous le nom de kabk (aux amateurs de la poésie persane), se trouve sous tous les buissons. Ce qui m'étonnait, c'était la timidité du gibier dans un pays où les armes à feu sont inconnues et dont les natifs affamés détestent la volaille.




Portrait Of A Senior Man Wearing A White Beard, Lughaya, Somaliland ;
cliché de Éric Lafforgue



Sur ces montagnes nous trouvâmes un terrain aride présentant une succession de petites collines couvertes d'acacias, de plaines desséchées où les cailloux servaient de gazon et de vallons portant les marques de fiumare violentes. La fraîcheur de l'air indiquait une altitude considérable et le pays s'élevait à l'occident. Ici habitent les Çomals Gudabursi, petite tribu d'environ 10 000 boucliers qui, grâce à ses montagnes et à ses chevaux, se maintient pied ferme, contre les 100 000 Eesas. Ils sont d'ailleurs renommés pour leur caractère hospitalier et la vie des voyageurs est chez eux en sûreté. Je ne saurais toutefois répondre de ses biens, car les Gudabursi sont d'une avidité remarquable ; le mensonge, la fausseté et la mesquinerie dénotent leur ignoble origine. Ces sauvages sont des Çomals, dit-on, de famille bâtarde.




Berbera old town beauty Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Du 3 au 23 décembre, nous traversâmes ces montagnes, marchant un jour sur cinq de halte. Le 9, je visitai une ancienne ville que les Bédouins appelaient Darbiyah Kolah (le fort de Kolah : ce nom est celui de sa reine) ; il est probablement d'origine galla. On y remarque des ruines de mosquées et de tombeaux musulmans. La seule tradition que j'aie pu recueillir à ce sujet, c'est que la ville a toujours été en guerre avec Aububah, sa voisine, et que les deux cités se sont mutuellement détruites. Les ruines sont composées de pierres, les unes non équarries ; les autres taillées ; l'argile y sert, comme c'est l'ordinaire dans ce pays, de mortier. Mais la race qui faisait là son domicile était bien supérieure aux nomades propriétaires actuels du sol, qui regardent les restes des awwalin (les anciens) avec un œil craintif et stupide. Les Oulemas de Harar n'ont pu éclaircir mon ignorance sur ce sujet qui n'est pas sans intérêt. Le 11 décembre, je visitai Aububah dont les ruines se réduisent à un petit dôme d'architecture grossière où gît un schaykh musulman. Les Bédouins donnaient le nom d'Aububah à la ville, au vallon, au saint. Cependant le savant Schaych Tami, dont je fis la connaissance à Harar, m'assura que ce personnage était de la famille d'Abu Zerbay (Abou Zerbin) qui, en l'an 1429, enseigna aux Arabes les luges africains du café et du cat. J'eus soin de faire mon pèlerinage près des restes d'un saint si amateur du confortable. Il repose auprès de la porte méridionale de Zayla.




Waiting for qat Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Le 14 décembre, étant campé sur les bords de la grande vallée Harawwah, où, disait-on, les éléphants broutent comme des brebis, je forçai à coups de poing le nommé Beuhh, mon abban gudabursi, à seller sa rossinante. Je montai avec ma carabine et suivi de Mohammed-Mahmoud, mon fidèle Çomal, je parcourus la vallée de part et d'autre. C'est une dépression qui porte les eaux des montagnes au pays des Danakil non loin de Tajourrah. Dans cette forêt (remplie d'acacias et du cactus que recherche l'éléphant), les mouches, peste du pays çomal, et le soleil, nous faisaient endurer des tourments que l'espérance seule de la réussite rendait supportables. Espérance, hélas chimérique ! - vaines visions de la porte d'ivoire ! Après cinq ou six heures de course, nous retournâmes joyeux comme retournent toujours les chasseurs désappointés, en faisant manger des abominations (la phrase est orientale) à Beuhh, à ses confrères et généralement à sa tribu.




Woman Passing By A Street In Baligubadle Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Le 23 décembre, nous traversâmes le ban Marar, ou prairie de Marar, campagne herbeuse qui sépare le premier gradin du second. Sa longueur est plus considérable, m'assura-t-on, que sa largeur et celle-ci n'est pas moins de 28 milles. La surface de cette plaine ondulée était couverte d'une végétation desséchée ; au milieu, nous traversâmes une ouady (fiumara) où s'arrêtèrent les Çomals pour manger la gomme des acacias. Nous convoyâmes une petite caravane composée de quatre chameaux, douze vaches et une cinquantaine d'ânes accompagnés, comme toujours, dans ces pays peu galants, d'un nombre égal de femmes lourdement chargées. Elle allait aux montagnes des Girhi pour troquer le beurre et les cuirs du pays bas contre 1e hurud ou Holcus sorghum des cultivateurs9. Cette plaine est un rendez-vous de voleurs et de brigands ; les Gudabursis, les Eesa, les Habr Avals et les Berteris s'y disputent les dépouilles du malheureux voyageur. Nous partîmes à six heures du matin et nous arrivâmes sous les montagnes de Harar à huit heures du soir, sans qu'aucun de nous eût couru de danger.




Coming back from the well in Degehabur, Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Le bon Schermarké m'avait muni d'une lettre adressée au gérad Adan (le prince Adan, corruption çomale de Adam), chef de la tribu girhi. Malheureusement notre guide gudabursi était beau-frère du gérad : par conséquent, ils avaient eu des disputes de femme, de famille et de tribu. En pareilles circonstances, l’habitude du pays est peu commode pour l’étranger : les deux parties ne s'accordent qu'à lui refuser passage. Après maints doutes, discussions et délais, le gérad nous envoya son fils aîné, Scherwa, et une de ses six princesses, la bonne viveuse Dahabo, sœur de Beuhh. Le 26 décembre nous entrâmes dans les montagnes des Girhi, où s'offrit soudain à nous une scène tout à fait nouvelle.




Berbera, Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Le pays est montagneux et la végétation alpine. Une espèce de pin que les Arabes nomment Sinaubar, les Çomals Dayyib, donne un sombre aspect aux flancs et aux sommets des rochers dépouillés de terre par des pluies furieuses. La présence de cet arbre dénote une altitude de 5 000 pieds au-dessus du niveau de la mer, comme l’a constaté le lieutenant Herne sur les cimes du mont Gulap, non loin de Berbera. Nous contemplâmes avec joie, dans ces fertiles vallées, des ruisseaux d'eau pure, le plus charmant spectacle qu'offre l’Orient au voyageur altéré. Pour la première fois depuis que j'avais quitté l’Inde, je vis des traces d'agriculture. C'était le temps de la moisson, et les paysans (nous avons quitté les Bédouins) chantaient gaiement pendant leur doux travail. Ils nous entourèrent, nous témoignant une curiosité encore plus vive que celle qu'avaient montrée les nomades, et je dus massacrer quelques malheureux vautours ou percnoptères pour me délivrer des importuns.




Sheikh Hussein hills, Somaliland ; cliché de Éric Lafforgue



Nous demeurâmes six jours sous la protection du gérad Adan. La cause de ce nouveau délai a tout à fait le coloris local. Mes deux Çomals virent avec effroi mon intention arrêtée d'entrer dans la funeste ville de Harar. On me conjura d'adresser une parole au sultan ; on m'ennuya avec des contes de diables et de dragons ; on ourdit même contre moi de petites conspirations. Tantôt les chameaux ne pouvaient marcher ; tantôt on ne voulait pas aller chercher des ânes pour le transport de nos effets. Pauvres gens ! Ils ne pouvaient triompher de l’opiniâtreté d'un hadji. Le 2 janvier 1855, je me décidai à partir seul sur mon mulet, muni d'une lettre du gouvernement d'Aden, avec l’intention de me présenter au sultan. Alors les Çomals eurent honte de me laisser partir comme un gueux. Les deux policemen, le cœur brisé, m'accompagnèrent donc, et un troisième, qui cachait avec peine sa joie, resta auprès du gérad Adan pour garder mes effets et pour remettre au lieutenant Herne, au cas où je serais retenu prisonnier, une lettre d'avis. Je résolus de me présenter comme un émissaire anglais pour deux raisons : 1° les Çomals respectent peu l'homme qui en temps de danger nie sa patrie ou sa tribu ; 2° à mesure que j'approchais d'Harar, la population me croyait davantage Turc, - nation ignoble, plus détestée dans ces régions que le Feringhi. - Le 3 janvier, j'entrai à Harar où je fus reçu passablement par le sultan, d'ailleurs assez méchant homme. Sans entrer dans le détail de mille petits événements qui se succédèrent pendant mon séjour de dix journées, - Allah ! Qu’elles étaient longues ! - je dirai seulement qu'on me congédia avec deux mulets et une lettre adressée au gouvernement d'Aden*. L'ancienne métropole de l'empire hadiyah est située à peu près à 175 milles de Zayla, et à 219 milles de Berbera : la direction est respectivement 220 et 257 degrés. Cette évaluation donne une latitude de 9° 20' N. et une longitude de 42° 17' E.




Teenage Girl With A Black Hijab Covering Her Hair And Quasil On Her Face, Berbera, Somaliland
cliché de Éric Lafforgue



* Ci-dessous est la liste des stations. Je dois prévenir toutefois que les seuls instruments que mon caractère de hadji me permit d'avoir, étaient une montre, une petite boussole et un thermomètre.

                                                                       Direction                    Distance en milles anglais

1. De Zayla à Gudingaras. S.-E. ……….      165°                                        19
2. De Gudingaras à Kuranseli …………       145°                                       8
3. De Kuranseli à Adad ……………….       225°                                        25
4. De Adad à Damal ………………….        205°                                        11
5. De Damal à Ilarmo ………………..         190°                                        11
6. De Ilarmo à Tujaf …………………         202°                                        10
7. De Tujaf à Halimalah ……………..         192°                                        7
                                                                       ------                                        -----
Ici il y a un sycomore célèbre réputé moitié chemin.                                     91 mill.

8. De Halimalah à Aububah …………         245°                                        21
9. De Aububah à Koralay ……………         165°                                        25
10. De Koralay à Harar ………………         260°                                       65
                                                                                                                      -----
Total ………………………………………………………………….       202

La direction de Harar qui me fut donnée par les natifs de Zayla, est S.-O. 222°.

De Zayla à Harar le mukattib (courrier) arrive à pied en 5 jours, dit-on. Les caravanes les plus lestes prennent 11 jours, les plus lentes de 11 à 12.

Thermomètre (Fahrenheit)     à Zayla … 210° (eau bouillante)
            ---                    ---        à Halimalah … 204°
            ---                    ---        à Koralay … 201°
            ---                    ---        à Harar … 200°

(de Greenwich) : elle répand assez bien aux estimations de nos géographes.

Lat. 9° 22' N.  Le lieut. Cruttenden (marine Indes).
Long. 42° 35' E.

Lat. 9° 25' N. Le missionnaire Krapf.
Long. 42° 07' E.

Lat. 9° 24' N.  Le capitaine Harvis (armée Indes).
Long. 42° 22' E.




Multi Colored Window Inside "Rimbaud House", Harar, Ethiopia ; cliché de Éric Lafforgue



Mon thermomètre indiquait une hauteur d'environ 5 500 pieds anglais au-dessus du niveau de la mer. Cette ville est sur la pente d'une colline, dont la déclivité est de l'ouest à l'est. À l'orient on remarque des jardins de bananiers, de citronniers, de caféiers, de cât et de vars (bastard saffran) ; il y a aussi des limoniers, du raisin sans fruit, des dattiers qui ne portent pas de dattes et de la canne à sucre. Le terrain de l'occident est disposé en terrasses pour l'irrigation des jardins ; au nord il existe une petite colline qui constitue le « Père la Chaise » de cette ville sainte, et au sud les habitations sont bâties dans une dépression considérable.




Harar blue walls ; cliché de Éric Lafforgue



Le climat m'a paru délicieux, ni chaud ni froid. Trois fois en onze jours nous eûmes de la pluie ; l'air était frais et le soleil supportable. L'eau gelait dans les montagnes voisines ; dans la ville la température était plus modérée. Les habitants parlaient de six mois de « mousson » : on s'explique ainsi la fertilité prodigieuse du sol.




Harar ; illustration de First Footsteps in East Africa



Harar fut bâtie, il y a trois cent seize ans, par l'émir Nur, prince dévot qui occupe un grand vilain tombeau placé sous un petit dôme. Dans les jours de Mohammed-Gragne, cet Attila musulman qui menaçait de brûler et de ravager l'empire chrétien de l'Abyssinie, c'était un amas de misérables bourgades. L'émir fit construire une muraille avec des tourelles qui subsiste encore. L'histoire moderne de cette ville n'a rien d'intéressant ; elle se borne au jihad (croisades) contre les Gallas païens et aux querelles intestines d'une grande famille de petits despotes.




Harar girl ; cliché de Éric Lafforgue



La ville ne contient rien de remarquable. Elle a cinq portes d'une grandeur vraiment orientale ; à savoir :

1. À l'est, Argob Bari.
2. Au nord, Asum Bari.
3. À l'ouest, Asmadein Bari.
4 Au sud, Badro Bari.
5. Au sud-est, Sukutal Bani10.




El Hammal Mohammed Mahmud ; illustration de First Footsteps in East Africa



La jami, ou mosquée-cathédrale, est un édifice peu artificiel qui ressemble à une grange européenne. Il a deux minarets d'architecture grossière et de forme remarquable. On m'a assuré que c'est un produit de l’art turc. La ville est d'un aspect sombre et morne ; cette apparence est due à l’absence du mortier, laquelle donne aux villes de l’Orient un reflet fatigant. Les maisons sont construites en granite et en calcaire disposés par masses grossières rangées sans ordre et, unies par le moyen de couches de bois et d'argile. Les toits sont plats et peu d'habitations ont un second étage. On entre par une porte faite de grosses tiges de Holcus, dans une basse-cour au fond de laquelle se trouve la maison. Les femmes, ainsi que cela a toujours lieu dans les pays musulmans, sont séparées des hommes. Pour rues on ne trouve que des allées, des culs-de-sac et de rudes escaliers fort pénibles à escalader. La ville ne contient pas un seul jardin ; on y voit quelques arbres (le Ficus religiosa ?) et bon nombre de cimetières.




Street kid in Harar ; cliché de Éric Lafforgue



Harar renferme une population d'environ 10 000 âmes ; y compris 2 500 Çomals et sans compter une large population flottante de Gallas et de Bédouins. Les femmes sont extraordinairement nombreuses, fait qui est dû à l’esclavage. Je ne juge pas très favorablement des mœurs et du personnel des habitants de cette ville. Ils sont tellement adonnés à la boisson que les Oulémas mêmes ne sauraient résister aux charmes du tej ((hydromel), et du farshu (bière connue en Orient sous le nom de bouzat11. L'émir a dû établir pour la correction des mœurs, un guet de nuit qui surveille les ruelles en appliquant une bastonnade préparative de la prison aux voleurs et aux amoureux. Les hommes ont, dit-on, mauvais cœur; je certifie qu'ils n'ont pas moins bonne mine : ils souffrent de l'ophtalmie, des scrofules et d'autres maladies plus civilisées et plus terribles. La toilette est très simple, une tobe (toga abyssinienne) et des sandales grossières, quelquefois une calotte blanche sur la tête rase et un futat ou drap autour des reins. Le port des armes étant défendu dans la ville, on sort avec un bâton de cinq pieds de long. Les femmes sont assez gentilles : leur bouche est, presque européenne et la ligne des traits est quasi caucasienne.




Harar girl in her house ; cliché de Éric Lafforgue



Elles s'habillent avec une chemise de coton teinte en bleu foncé avec deux triangles écarlates sur la poitrine et le dos. Cette simple toilette est relevée extérieurement par une écharpe de coton fabriquée à Harar. Les femmes marchent pieds nus et, quand elles sortent elles ne se voilent pas la figure. Leur tête est couverte de mousseline bleue, et leurs cheveux sont attachés de façon à former deux gros pelotons sous les oreilles. Leur parure se compose de bracelets, cercles en corne de buffle fabriqués dans l'Inde, de colliers de corail, d'épingles dorées qu'on met dans les cheveux, d'un ruban de satin noir qu'on passe autour de la tête, et de bagues de fabrique « birminghamaise ». Ces dames ont la voix excessivement rauque, - contraste défavorable avec la nation çomale dont la moitié féminine possède un organe doux et flûté qu'on retrouve quelquefois parmi les négresses. Puellarum suta sunt pudenda more Gallarum et Somalarum ; nova nupta solvitur cultello12. - Précaution extraordinaire et très efficace, indigène de l'Afrique qui, comme on l’a dit, aei pherei ti khainon13. Les femmes de Harar aiment éperdument le tabac, employé comme chique, et inter pocula14, elles rivalisent avec les hommes. Je n'ai eu aucune difficulté à entamer de longues conversations avec ces aimables citoyennes : n'ayant jamais vu de visage européen, elles me trouvèrent beau (circonstance exceptionnelle) et ici les propositions se font avec l'aimable abandon de la mode putipharienne.15




Harar ; cliché de Roel



Harar est riche en saints, en érudits et en fanatiques. Les Shaychs, Abadil el Bekri, et Ao Rahmah y ayant laissé leur précieuse dépouille, ont rendu la ville fameuse dans l’hagiographie musulmane. Les Oulémas les plus célèbres sont le kabir Khalil et le kabir Yunis. Je fréquentai la sagesse de Harar, dont l’érudition me parut bornée aux sciences purement religieuses. Les livres sont assez abondants. Je remarquai des kamous et des manuscrits élégamment et correctement écrits. Les habitants de Harar se sont acquis une célébrité pour la reliure des livres et un Persan, dont je fis la connaissance à Harar, m'assura que même à Schiraz il n'avait rien vu de semblable. Au reste, il n'y a point de collège, point de wakf (fondation), point d'encouragement pour les étudiants. Les Bédouins du voisinage sont infestés par des widad (caiottins) qui savent lire le Coran, sans pourtant le comprendre, écrire un peu et réciter une multitude de prières. Grâce à ces connaissances, ils espèrent pouvoir vivre gratis et en « dulce otium16 », - but universel de l’ecclésiastique dans les pays chauds où l'homme est paresseux.




Selling at the market in the old town of harar ; cliché Anthony Pappone



Les habitants de Harar parlent une langue tout à fait différente de celle des Gallas, des Çomals et des Amhares. J'ai composé de cette langue un essai de grammaire et un vocabulaire d'à peu près 1500 mots. Cet aperçu pourra peut-être satisfaire, en attendant mieux, les philologues. Comme c'est l'ordinaire dans ces pays, la langue me paraît un dialecte sémitique greffé sur un idiome indigène. La consonne dominante est le khá, son rauque et guttural. Les hommes qui ont reçu quelque éducation parlent la langue arabe ; on comprend aussi à Harar l’amharique, le galla, la langue des Çomals et celle des Danakils.




Costumes de Harar ; illustration de First Footsteps in East Africa



Quatre tribus de Gallas s'étendent jusqu'aux portes de la ville :

1. Les Nola, à l'est et au nord-est.
2. Les Alo, à l'occident.
3. Les Babuli, au sud.
4. Les Jársá, à l'est et au sud-est.




Harari women out of the gate of the old city of Harar ; cliché Anthony Pappone



Il est impossible de voir cette nation sans s'apercevoir que c'est une race mêlée de sang sémitique et indigène, descendant des Çomals qui, occupant la côte, ont reçu de l'Arabie la grande pépinière de la race caucasienne, des subsides fréquents de sang pur. Les Gallas ne sont nullement fanatiques : les chrétiens, les musulmans et les païens qui adorent le wak (Dieu) vivent lisiblement sous le même toit.




Girl in the narrow alleys of Old City of Harar ; cliché Anthony Pappone



Les Gallas n'ont point à Harar la réputation que nous leur faisons. Ils pourraient aisément anéantir la ville, mais l'émir paye à titre de solde, et en réalité comme tribut, 600 à 700 tobes par année aux chefs des Bédouins. Le Galla a le droit de porter sa lance dans les rues ; quand il passe par la cour du palais, il ne trotte pas avec le bras droit nu, ainsi que doivent faire les sujets de Son Altesse, et il boit son tej dans la maison des princes. En revanche il est volé par les citoyens qui payent très bon marché pour son café, son tabac, son wars et son beau coton. L'émir punirait avec rigueur celui qui oserait enseigner aux Bédouins l’artifice pernicieux des poids et des mesures.





Harar ; auteur non identifié



Le gouvernement se réduit à l'émir. Ce petit prince, qui s'intitule El Sultan ibre El Sultan ibn El Sultan, est, dit-on, d'origine galla, ce qui ne l’empêche pas de s'arroger le titre d'El Bekri (descendant du calife Aboubekr)17. C'est un jeune homme de vingt-trois à vingt-quatre ans, frêle, petit, jaune, imberbe, au front plissé, aux yeux saillants, ayant l’air méchant et l’aspect d'un petit rajah indien. Sa santé est faible, ce qui est peut-être l’effet d'une potion que lui a administrée l’une de ses quatre femmes. Il a deux enfants de jeune âge. Orphelin et despote depuis trois ans, il redoute une cinquantaine de gros et forts cousins qui peuvent lui disputer le trône. Déjà il a emprisonné trois d'entre eux, et comme à Harar le détenu vit enchaîné dans un cachot noir, sans autre nourriture que la provision envoyée par la famille, la prison et la mort sont ici à peu près synonymes. L'émir affecte toute l'étiquette d'un grand monarque. Quand on lui est présenté, on est saisi par ses gardes du corps et traîné au pied du trône, où il faut embrasser sa longue main sèche et jaunâtre en dessus comme en dessous. On ne regarde pas en face S.A. sans courir le risque de la discipline. S'il crache, un chambellan lui présente le pan de sa robe. Dans les rues, des valets chassent sur le passage du prince, à grands coups de fouet, les individus qui ne s'esquivent pas au cri de : Let ! let ! (sauve-toi !) ; et dans la mosquée, deux ou trois soldats, armés de fusils à mèche, veillent sur lui pendant qu'il fait sa prière. Son wazir, le gérad Mohammed et sa mère, la Gisti Fát'meh, malgré l'autorité du pouvoir maternel en Orient, n'osent lui donner le moindre conseil. La princesse a même, m'assure-t-on, reçu parfois des reproches accompagnés de menaces.




Ahmed Bin Akibakr, Amir of Harar ; illustration de First Footsteps in East Africa



La loi criminelle est rigoureusement administrée à Harar. L'héritier de celui qui périt victime d'un meurtre, coupe, avec un grand couteau, la gorge du meurtrier. Le vol est puni par la mutilation de la main. Pour les petits crimes, la peine est la fustigation : deux bourreaux appliquent de grands coups de kurbach sur la poitrine et les reins du criminel. Quand une femme est ainsi punie, on commence par verser de l'eau sur sa personne, espèce de baptême que la délicatesse exige. Le cachot, l'amende et surtout la confiscation totale sont le châtiment des offenses politiques. L'émir est célèbre pour la promptitude de ses décisions. Ordinairement il permet à ses sujets d'avoir recours à la sheriat (loi des oulémas). Le cadhyl8, Abd-el-Rahman, est un homme assez propre ; mais en règle générale, in urbe et orbi, les ministres de la religion ne sont pas très exemplaires pour l’administration de la justice. Thémis est une exigeante, jalouse des petits soins prodigués à une concurrence quelconque. Ainsi, à Harar, si l'on court le risque d'être volé par l’émir, on est encore sûr d'être écorché par le cadhy.




Harari women in the old city of Harar ; cliché Anthony Pappone



L'unique monnaie de Harar est une petite pièce dont la face porte l’inscription : - Monnayage de Harar. - Aux revers on lit la date A.H. (1248). On appelle cette pièce une mahallak (mot harari qui signifie argent) : 22 bananes valent une mahallak ; 22 mahallaks, une ashrasi, valeur théorique de commerce, et 3 ashrasis, le réal ou talari. L'émir punit sans pitié ceux qui possèdent ou qui font circuler d'autres espèces.




Timkat festival, Harar ; cliché de Beth



Harar est une ville essentiellement commerciale. La perception des droits est simple. Toute marchandise paye pour octroi une tobe de seize coudes par âne ; l'âne par conséquence passe les portes de la ville supporté par quatre ou cinq portefaix. L'impôt des cultivateurs est 10 pour 100, tarif général du pays. On ne manque que d'argent : la marchandise est rare, et celui qui possède un capital de 1 000 francs passe pour millionnaire. On ne paye pas les employés au comptant : ils reçoivent le don d'un jardin de caféiers, ou un réal (Marie-Thérèse) de grain, quantité suffisante pour la nourriture annuelle d'une seule personne. Trois caravanes portent à Berbera les riches produits du pays des Gallas : celles de janvier et de février sont peu nombreuses ; celle de mars est composée de 2 000 hommes et 3 000 chameaux. Une masse d'esclaves tirés de Gurague, d'Efat, et des différentes tribus gallas est troquée avec les Arabes de Mascate contre des dattes et du riz. L'ivoire constitue un monopole royal : l'émir achète avec de faibles cadeaux les dépouilles de l'éléphant et les envoie à Berbera accompagnées d'un wakil. Je ne vous offre pas une description du café, qui est déjà renommé en Europe. On sait qu'ici comme dans le Yémen, pays où la nature a prodigué ce produit, les habitants se servent rarement du fruit. Le Yéménite emploie la kischr ou follicule, et le Harari prépare une boisson nauséabonde avec les feuilles broyées après avoir été rôties dans un pot de métal. Le premier café, comme le tabac, croît à Jarjar, pays des Gallas, à sept jours à l'ouest de Harar. L'émir en défend une exportation trop considérable, craignant d'en diminuer la valeur; aussi retient-il les hardsch, ou cultivateurs, pour empêcher l'art de tomber en désuétude. On achète pour un réal à peu près soixante-dix livres de tabac. Le wars est employé par les Arabes de Sur et de Mascate, qui s'en servent comme cosmétique et pour la teinture des robes. Les tobes de Harar sont célèbres dans l'Afrique orientale : tissées à la main, elles portent l'empreinte de cet instrument divin, et dépassent de loin en beauté et en solidité les plus beaux produits de nos ateliers mécaniques. Aussi sont-elles chères : on paye 10 et même 15 réaux pour un article de première qualité. Le bétail est peu nombreux. On mange ordinairement la viande de bœuf poudrée de piment et sans sel : Les moutons et les chèvres sont rares. L'émir a une douzaine de mauvais petits chevaux, bons seulement pour grimper les plus exécrables chemins. Les ânes sont plus forts et plus vaillants que ceux du pays çomal. Les mulets sont excellents : je marchai cinq jours et presque deux nuits monté sur le même animal qui n'arriva que peu fatigué à Berbera. On les vend depuis 2 jusqu'à 40 réaux. Pour un réal on achète cent vingt petits poulets. En un mot les comestibles sont abondants et à bon marché. Ajoutez à ces produits la gomme, le beurre, les peaux de bétail, le grain et les esclaves, et vous aurez une liste complète de l'exportation de Harar. Elle serait considérable, si l’incertitude des chemins et le danger de la vie n'augmentaient le louage des animaux et ne diminuaient le nombre des marchands voyageurs.




Back lines harar ; cliché de Yujapi



Je manquerais, Monsieur, à mon devoir de narrateur fidèle en laissant passer cette occasion d'avertir mes confrères les voyageurs que cette ville n'offre aucun objet de curiosité ou de jouissance. La destinée m'a tiré du danger sauf et sain. Vous qui ne recherchez pas le trépas, évitez de visiter Harar pendant la vie de l’émir, Ahmed-bin-Abubekr.




African wal martharar ; cliché de Yujapi



Je ne vous donne aucune description de mon retour à Berbera, où j'arrivai le 13 janvier. Ce port célèbre et emporium de l'Afrique orientale, vous est déjà connu. De Berbera, où mes adjoints, les lieutenants Herne et Stroyan m'attendaient non sans inquiétude, je m'embarquai pour Aden.




Harar Market ; cliché de Yujapi



Il faut, pour pénétrer dans le pays des Çomals, faire une forte dépense de toiles, tabac et munitions de bouche : le tout pour être pillé par messieurs les sauvages. La libéralité du gouvernement des Indes me prodigue tout. Je suis à présent à dépenser 15 000 francs pour une provision qui doit nous durer six mois. J'ai trois adjoints : nous avons une petite troupe de domestiques armés, et nous sommes munis de tous les instruments d'observation dont on peut se servir dans un pays de sauvages soupçonneux et craintifs. Le mois d'avril nous verra, j'espère, encore une fois réunis et préparés à entamer une seconde entreprise19. Mon intention est d'aborder à Berbera, de visiter les montagnes de Gulap, situées à deux fortes journées dans la direction du sud, et d'y commencer une guerre acharnée contre les éléphants, seule manière de s'acquérir une belle réputation, quand on refuse de mutiler son prochain. Avant la « mousson » nous nous dirigerons vers Ogadayne pour observer ce fleuve célèbre, le webbe Shebayli (Hamis' River). Après quoi - Allah kerim ! comme disent les vrais croyants, - Dieu est généreux !




The hyena man - Harar ; auteur non identifié



Comme Moïse sur le mont Pisgah, nous, voyageurs, contemplons de loin la terre sainte de la science. Daignez, Monsieur, nous accorder les instructions de la Société géographique de France ; nous ne manquerons pas, selon nos moyens, de consulter ses moindres désirs. Jusqu'à la fin d'avril prochain, une lettre (adressée au Lieutenant Burton, Bombay Army Commanding Somali expedition, care of the Political Resident. Aden. Arabia) me sera remise par mes amis.

Je confie ces remarques à la politesse française qui pardonnera les erreurs d'omission et de grammaire dans la langue la plus exacte de l'Europe.

Veuillez, etc.
Rich. F. Burton




Hyenas Feeding Show, Harar ; cliché de Éric Lafforgue




NOTES

1 Extraite du Bulletin de la Société de Géographie de Paris (Juin 1855, pp. 337-362), cette lettre a été écrite directement en français par R. Burton.
2 Nous avons tenu à conserver à cette lettre son style d'un caractère original bien qu'incorrect ; ces incorrections étant fort excusables chez un étranger, nous nous sommes bornés à faire quelques corrections indispensables (Note d’Alfred MAURY, Société de Géographie, 1855).
3 Après avoir pris pied à Aden en 1839, les Anglais tentèrent très vite d'étendre leur influence à la Corne de l'Afrique, quasi inexplorée. La « Somalie britannique » ne verrait cependant le jour qu'en 1884.
4 Burton a un trou de mémoire : lire 1853.
5  Burton avait recruté pour son expédition trois de ses anciens compagnons de l'armée des Indes, les lts. Herne et Stroyan, et le surgeon Stocks – ce dernier étant décédé entre-temps, Burton le remplaça par un jeune volontaire qu'il ne connaissait pas, John Hanning Speke (1827-1864), lieutenant du  Régiment du Bengale - son futur compagnon d'expédition en Afrique.
6 Ainsi les Arabes désignent satiriquement le pays des Çomals par le nom de Bilard wah issi, - Pays de donne-moi quelque chose (note de R. Burton)
7 Krapf et Isenberg : missionnaires allemands au service de la Société anglaise des missions, ils avaient exploré l’Abyssinie entre 1839 et 1843 ; Burton avait rencontré Krapf au Caire en 1853 et l’avait interrogé sur le problème des sources du Nil. – Rochet d’Héricourt : voyageur français, auteur de Voyage sur la côte orientale de la mer Rouge, dans le pays d’Adel et le Royaume de Choa (Paris, Arthus Bertrand, 1841) et de Second voyage sur les deux rives de la mer Rouge dans le pays des Adels et le royaume de Choa.  (Paris, Arthus Bertrand, 1846)
8 Ce grain est très commun dans le Scinde et l'Arabie : ici on l'appelle taam, là le jowan ; hurud est le mot çomal (note de R. Burton).
9 Bari dans la langue de Harar signifie une porte. C'est le bar des Amhares, comme dans « anco-bar », etc. (note de R. Burton).
10 L'histoire de ce mot est assez extraordinaire ; il est connu depuis l'Égypte jusqu'à la Tartarie. Aussi a-t-il donné un verbe aux Allemands : büzen, s'imbiber ; et en anglais, to booze, signifie boire au biberon (note de R. Burton)
11 Ou « demi-zèbre », espèce disparue au 19e siècle.
12 Les parties honteuses de (ces) jeunes filles sont cousues à la manière des Gallas et des Somalies ; la jeune mariée est désentravée à l'aide d'un petit couteau.
13 Apporte toujours quelque chose de nouveau.
14 Dans leurs libations (littéralement, au milieu des coupes).
15 Allusion à la femme de Putiphar (intendant et chef des eunuques du pharaon) qui, pour tenter de séduire Joseph, le saisit par son manteau et l’attira à elle. Pour lui échapper, Joseph abandonna son manteau et prit la fuite (Burton ne précise pas s'il fit de même).
16 « Doux repos ».
17 Premier des califes arabes, beau-père et successeur de Mahomet.
18 Magistrat, aux fonctions à la fois civiles et religieuses.
19 Burton organisera effectivement une seconde expédition, à destination, non pas de l'Ogaden, mais, au-delà d’Harar, de l'Éthiopie et des sources du Nil. Elle se soldera par la tragédie de Berbera du 20 avril 1855.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

merveilleux blog
merveilleuses photos

M. Ogre a dit…

Délicieux,délicieuses, à la rigueur...
Néanmoins, mille merci !!!