dimanche 11 septembre 2011

Brief recit de la navigation faicte es ysles de Canada... par d'austres que moué...





Aquarelle de Hugo Pratt



❧ BRIEF RECIT, &
succincte narration, de la navigation faicte es ysles de Canada, Hochelage & Saguenay & autres, avec particulieres meurs, langaige, et cerimonies des habitans d'icelles : fort delectable à veoir.

Avec privilege
On les vend à Paris au second pillier en la grand salle du Palais, & en la rue neufve Nostredame à l’enseigne de lescu de france, par Ponce Roffet dict Faucheur, & Anthoine le Clerc frères.
1545.
A MON[CUL] LE
Prevost de Paris ou son lieutenant civil.


Supplient treshumblement Ponce Roffet dict le Faulcheur, et Anthoine le Clerc freres et libraires de ceste ville de Paris, qu'il vous plaise leur donner la permission de imprimer et vendre, ung livre, intitulé Briefve et succincte narration de la navigation, faicte es ysles de Canada et autres choses y contenues : Pour lequel imprimer leur convient faire gros fraiz et despens, dont ilz pourroient estre frustrez, ensemble de leurs labeurs s'il estoit permys à tous de l'imprimer. Ce consideré il vous plaise et ordonner que deffences soient faictes à tous libraires et imprimeurs de la ville et prevoste de Paris, de ne imprimer icelluy livre, n’y de en vendre d'autre que de l’impression desdictz supplians, jusques à quatre ans finiz et accompliz, sur peine de confiscation desdictz livres et d’amende arbitraire, Et vous ferez bien.

Il est permys ausdictz suppliens, avec les deffences à tous autres, de ne imprimer le dict voyage pour le temps et espace de trois ans. Faict le dernier jour de Febvrier, Mil cinq cens quarante quatre
Ainsi signé               I. Morin.
AU ROY
Tres[con].

Considerant, O mon tres-redoubté prince, les grandz bien et don de grace qu’il a pleu à Dieu le Createur faire à ses creatures : Et entre les autres de mettre et asseoir le soleil, qui est la vie et congnoissance de toutes icelles, et sans lequel nul ne peult fructifier ni generer en lieu et place la ou il a son mouvement, et declination contraire, et non semblable es autres planettes. Par lesquelz mouvement et declinaison, toutes creatures estans sur la terre en quelque lieu et place qu’elles puissent estre, en ont, ou en peuvent avoir en lan dudict soleil, qui est 365. jours et six heures, Autant de veue oculaire les ungs que les autres, non qu’il soit tant chault et ardant es ungs lieux, que es autres par ses raiz et reverberations, ny la division des jours et nuictz en pareille esgalleté : Mais suffit qu’il ayt de telle sorte et tant temperement que toute la terre est ou peult estre habitee en quelque zone, climat, ou paralelle que ce soit : Et icelles avecques les eaues, arbres, herbes, et toutes autres creatures de quelques genres ou especes qu’elles soient par l’influence d’iceluy soleil, donner fruictz et generations selon leur nature par la vie et nourriture des creatures humaines. Et si aucuns vouloient dire le contraire de ce que dessus, en alleguant ledict des saiges philosophes du temps passé, qui ont escript et faict division de la terre par cinq zones, dont ilz dient et afferment trois inhabitées. Cest assavoir la zone torride, qui est entre les deux tropiques ou solstices, qui passe par le zenic des testes des habitans d’icelle : Et les deux zones artique et entartique pour la grande froideur qui est en icelle, à cause du peu d’eslevation qu’ilz ont dudict soleil et autres raisons : Je confesse qu’ilz ont escript de la maniere, et croy fermement qu’ilz le pensent ainsi, et qu’ilz le treuvent par aucunes raisons naturelles, ou ilz prenoient leur fondement, et d’icelluy se contentoient seulement sans aveuturer n’y mectre leurs personnes es dangiers, esquelz ilz eussent peu ancheoir à cercher l’experience de leur dire. Mais je dictz pour ma replique que le prince d’iceulz philosophes a laissé parmy les escriptures ung mot de grande consequence, qui dict que, Experientia est rerum magistra ; par l’enseignement duquel j’ay osé entreprendre de adresser à la veue de vostre magesté royalle, cestuy propos en maniere de prologue, de ce myen petit labeur : Car suyvant vostre royal commandement. Les simples mariniers de present non ayans eu tant de craincte d’eulz mectre à l’advanture d’iceulx perilz et dangiers qu’ilz ont eu, et ont desir de vous faire treshumble service à l’augmentation de la saincte foy chrestienne, ont congneu le contraire d’icelle opinion des philosophes par vraye experience.



Carte du Dauphin, représentant les découvertes de Jacques Cartier au Canada, 1543


Je allegue ce que devant, parce que je regarde que le soleil qui chascun jour se lieve à l’orient, et se reconce à l’occident, faict le tour et circuit de la terre, donnant lumiere et chaleur à tout le monde en vingt quatre heures, qui est ung jour naturel, sans aucune in terruption de son mouvement et cours naturel. A l’exemple duquel je pense à mon foible entendement, et sans autre raison y alleguer, qu’il plaist à Dieu par sa divine bonté que toutes humaines creatures estans et habitans soubz le globe de la terre, ainsy qu’elles ont veue, et congnoissance d’icelluy soleil ayt et ayent pour la temps advenir congnoissance et creance de nostre saincte foy : Car premierement icelle nostre saincte foy a esté semee et plantee à la terre saincte, qui est en Asye à l’orient de nostre Europe : Et depuis par succession de temps apportee et divulguee jusques à nous, et finalement à l’occident de nostredicte Europe à l’exemple du dict soleil portant sa chaleur et clarté d’orient en occident comme dict est. Et pareillement aussy avons veu icelle nostre saincte foy, par plusieurs fois à l’occasion des meschans heretiques et faulz legislateurs, eclipses en aucuns lieux : et depuis soubdainement reluyre et monster sa clerté plus appertement que auparavant. Et maintenant encores à present voyons comme les meschans lutheriens apostatz et imitateurs de Mahomet, de jour en autre s’efforcent de icelle opprimer, et finablement du tout estaindre, si Dieu et les vrays suppostz d’icelle n’y donnent ordre par mortelle justice, ainsy qu’on veoit faire chascun jour en voz pays et royaulme, par le bon ordre et police que y avez mys. Pareillement aussi veoit on, comme au contraire d’iceulx enfans de Sathan, les paovres chrestiens et vrays pilliers de l’Esglise catholique s’efforcent d’icelle augmenter et ac croistre, ainsi que a faict le catholique Roy d’Espaigne, es terres qui par son commandement ont esté descouvertes en l’occident de ses pais et royaulmes, lesquelles auparavant nous estoient incognues, estranges, et hors de nostre foy : Comme la neufve Espaigne, Lisabelle, terre ferme, et autres ysles ou on a trouvé innumerable peuple, qui a esté baptisé et reduict en nostre tressaincte foy.


Jean Théodore de Bry, Collectiones peregrinationum in Indiam orientalem et Indiam occidentalem, ...1592


Et maintenant en la presente navigation faicte par vostre royal commandement en la descouverture des terres occidentales, estans soubz les climats et paralelle de voz pays et royaulme, non auparavant à vous n’y à nous congneuz, pourrez veoir et scavoir la bonté et fertilité d’icelles, innumerable quantité de peuples y habitans la bonté et pai sibleté d’iceulx, Et pareillement la fecondité du grant fleuve qui descend et arrose le permy d’icelles voz terres, qui est le plus grant sans comparaison que on sache jamais avoir veu. Les quelles choses donnent à ceulx qui les ont veues, certaine esperance de l’augmentation future de nostre dicte saincte foy et de voz seigneuries et nom tres chrestien, ainsi qu’il vous plaira veoir par cestuy present petit livre : Auquel sont amplement contenues toutes choses dignes de memoire, que avons veues, et qui nous sont advenues tant en faisant ladicte navigation, que estans et faisans sejour en vosdictz pays et terres.


Tableau anonyme de 1726, intitulé Le triste Embarquement des filles de joie de Paris...
Évocation sinistre de l'embarquement forçé de prostituées pour l'Amérique au XVIIIe siècle...


LE dimenche jour et feste de la Penthecoste seziesme jour de May, en lan mil cinq cens trente cinq du commandement du cappitaine et bon vouloir de tous, chascun se confessa, et receusmes tous ensemblement nostre createur en lesglise cathédrale de sainct Malo. Apres lequel avoir reçu, feusmes nous presenter au cueur de ladicte eglise, devant reverend pere en Dieu monsieur de sainct Malo, lequel en son estat episcopal nous donna sa benediction.


Et le mercredy ensuivant dix neufiesme jour de May, le vent vint bon et convenable, et appareillasmes avec trois navires, Scavoir la grand Hermine du port, environ cent a six vingtz tonneaulz, ou estoit le cappitaine general, et pour maistre Thomas frosmond, Claude du pond briand, filz du seigneur de Montreueil et eschansson de monseigneur le Daulphin, Charles de la Pommeraye, Jehan poullet et autres gentizlhommes. Le second navire, nommé la petite Hermine du port, environ soixante tonneaulz : Estoit cappitaine soubz le dict cartier Mace jalobert, et maistre Guillaume le mariè. Et au tiers navire nommé l’Emerillon du port de environ quarante tonneaulz, en estoit cappitaine Guillaume le breton, et maistre Jacques maingart. Et navigasmes avec bon temps jusques au 20, jour dudict moys de May, que le temps se tourna en yre et tourmente, qui nous a duré en ventz contraire et serraisons, autant que navires qui passassent jamais la mer, eussent sans amendement : Tellement que le vingt cinqiesme jour de Juing par le dict mauvais temps et serraison, nous entreperdismes tous trois, sans que nous ayons eu nouvelles les ungs des autres jusques à la terre neufve ; la ou nous avions lymité nous trouver tous ensemble. Et depuis nous estre entreperduz, avons esté avec la nef generalle par la mer de tous ventz contraires, jusques au septiesme jour du moys de Juillet, que nous arrivasmes à la dicte terre neufve, et prismes terre à l’isle aux oyseaulx : laquelle est à quatorze lieues de la grand terre, quelle ysle est si tresplaine d’oyseaulx, que tous les navires de France y pourroient facilement charger, sans que on s’apperceust que l’on en eust tiré, et la en prinsmes deux barques pour partie de noz victailles : Icelle ysle est en leslevation du pole en. 49. degrez. 40. mynutes. Et le huictiesme dudict moys, nous appareillasmes de ladicte ysle, et avec bon temps vinsmes au hable du blanc sablon estant à labbaye des chasteaulx le. XV. jour dudict moys, qui est le lieu ou nous debvoyns rendre : Auquel lieu feusmes attendans noz compaignons jusques au vingt sixiesme dudict moys, lequel jour ilz arrriverent tous deux ensemble : Et la nous acoustrasmes et prismes eaues, boys, et aultres choses necessaires, et appareillasmes et feismes voylle pour passer oultre le vingt neufiesme jour dudict moys à l’aube du jour, et feismes porter le long de la coste du Nort Gisant, est, Nordest, et Ornaist, Surnaist jusques environ les huict heures de soir, que meismes les voylles bas, le travers de deux ysles qui s’avancent plus hors que les autres que nous nommasmes les ysles Sainct Guillaume. Et sont environ vingt lieues oultre le hable de Brest : Le tout ladicte coste depuis les chasteaulz jusques icy gist est Nordest et Ornaist Surnaist rengee de plusieurs ysles et terres toute hachee et pierreuse, sans aucune terre ny boys, fors en aucunes vallees.

Planches extraites du Codex Canadiensis ; Louis Nicolas, ap. 1664


Le lendemain penultime jour dudict moys feismes courir à Ornaist pour avoir congnoissance d’autres ysles qui nous demouroient environ douze lieues et demye. Entre lesquelles ysles se faict une couche vers le Nort toute à ysles et grande voye apparoissantes y avoir plusieurs bons hables, et les nommasmes les ysles Saincte Marthe ; hors lesquelles environ une lieue et demye, à la mer y a une basse bien dangereuse ou il y a quatre ou cinq testes qui demeurent le travers desdictes bayes en la rotte d’Est et Onaist desdictes ysles Saincte Marthe, environ sept lieues : Lesquelles ysles nous vinsmes querir ledict jour, environ une heure apres midy ; et depuis ledict jour jusques à l’orloge vyrente feismes courir environ quinze lieues le travers d’ung cap d’ysles basses, que nous nommasmes les ysles Sainct Germain, au Suest duquel environ trois lieues y a une autres basse fort dangereuse. Et pareillement entre le dict cap Sainct Germain et Saincte Marthe, y a ung banc hors des dictes ysles environ deux lieues, sur lequel n’y a que quatre brasses. Et pour le dangier de la dicte coste mismes les voylles bas, et ne feismes porter la dicte nuict.

Le lendemain dernier jour de Juillet, feismes courir le long de la dicte coste qui gist Est et Onaist cart de Suest, qui est toute rengee d’isles et basses et coste fort dangereuse ; laquelle contient depuis le dict cap des ysles Sainct Germain, jusques à la fin des ysles environ dix sept lieues et demye. Et a la fin desdictes ysles, y a une fort belle terre basse plaine de grandz arbres et haultz : et est icelle coste toute rengee de sablons sans y avoir aucune apparoissance de hable, jusques au cap de Thiennot que se rabast, au Nor onaist qui est environ sept lieues des dictes ysles. Lequel cap congnoissons du precedent voyage. Et parce feismes porter toute la nuict à Onaist Noronaist jusques au jour que le vent vint contraire, et feusmes charcher ung havre ou mismes noz navires, qui est ung bon petit havre, oultre ledict cap Thiennot environ sept lieues et demye, et est entre quatre ysles sortentes à la mer, noud le nommasmes le havre Sainct Nicolas, et sur la plus prochaine ysle plantasmes une croix de boys pour merche. Et fault amener la dicte croix au Nordest, puis l’aller querir et la laisser de tribort, et trouverez de perfond six brasses posez dedans le dict hable à quatre brasses, et se fault donner garde de deux basses qui demeurent des deux costez à demye lieue hors. Toute ceste dicte coste est fort dangereuse et plaine de basses : nonobstant qu’il semble y avoir plusieurs bons hables n’y a que basses et plateys. Nous feusmes au dict hable depuis le dict jour jusques au Dimenche. vii. jour d’Aoust : Auquel jour appareillasmes et vinsmes querir la terre deca vers le cap de Rabast, qui est distant du dict hable, environ. xx. lieues Gisans Nort Nordest et Susur Onaist. Et le lendemain le vent vint contraire : Et parce que ne trouvasmes nulz hables à la dicte terre de Su. feismes porter vers le Nort oultre le precedent hable de environ dix lieues, ou nous trouvasmes une moult belle et grande baye, plaine d’ysles et bonnes entrees et passaige de tous les ventz qu’il scavoit faire : Et pour congnoissance d’icelle baye y a une grand ysle comme ung cap de terre, qui s’avance plus hors que les autres ; Et sur la terre environ deux lieues, y a une montaigne faicte comme ung tas de bled, nous nommasmes la dicte baye la baye sainct Laurens.




Le douziesme jour du dict moys nous partismes de la dicte baye sainct Laurens et feismes porter à Onaist, et vinsmes querir ung cap de terre devers le Su qui gist environ l’Onaist ung cart de Sur Onaist du dict hable Sainct Laurens environ vingt cinq lieues. Et par les deux sauvaiges que avions prins le premier voyage, nous fut dict que cestoit de la dicte terre devers le Su, et que cestoit une ysle, et que par le Su d’icelle estoit le chemin à aller de Honguedo ou nous les avions prins lan precedent à Canada : Et que à deux journees du dict cap et ysle commenceroit le royaulme de Saguenay à la terre devers le Nort allant vers le dict Canada, le travers du dict cap environ trois lieues y a de profond cent brasses et plus. Et n’est memoire de jamais avoir tant veu de ballaynes que nous vismes celle journee le travers dudict cap.

Le lendemain jour nostredame d’Aoust quinziesme dudict moys, nous passasmes le destroict la nuict de devant, et le lendemain eusmes congnoissance de terres qui nous demouroient vers le Su : qui est une terre à haultes montaignes à merveilles, Donc le cap susdict de la dicte ysle que nous avons nommee l’ysle de l’Assumption, et ung cap desdictes haultes terres gisent Est Nordest et Onaist sur Onaist, et y a entre eulx vingt cinq lieues, Et veoit on les terres du Nord encores plus haultes que celles du Su à plus de trente lieues. Nous rangeasmes lesdictes terres du Su depuis ledict jour jusques au mardy que le vent vint Onaist, et meismes le cap au Nord pour aller querir lesdites haultes terres que voyons, et nous estans là trouvasmes lesdictes terres unyes et basses vers la mer, et les montaignes devers le Nort par sus lesdictes haultes terres gisant icelles terres, Est, et Onaist ung cart de Sur Onaist. Et par les sauvaiges que avions, nous a esté dict que cestoit le commencement du Saguenay et terre habitable. Et que de la ve noit le cuyvre rouge qu’ilz appellent caignetdaze. Il y a entre les terres du Su et celles du Nort, environ trente lieues, et plus de deux cens brasses de perfond et nous ont lesdictz Sauvaiges certiffié estre le chemin et commencement du grant Silenne de Hochelaga et chemin de Canada : lequel alloit tousjours en estroissent jusques à Canada, puis que l’on treuve l’aue doulce qui va si loing que jamais homme n’auroit esté jusques au bout qu’ilz eussent ouy, et que autre passaige n’y avoit que par bateaulx. Et voyant leur dire et qu’ilz affermoient n’y avoir autre passaige, ne voulut ledict cappitaine passer oultre jusques a avoir veu le reste de ladicte terre et coste devers le Nort, qu’il avoit obmis de veoir depuis la Baye sainct Laurens pour aller veoir la terre du Su pour veoir s’il y avoit aucun passaige.



Comment nostre cappitaine feist retourner les navires en arriere, jusques a avoir congnoissance de la Baye sainct Laurens pour veoir s’il y avoit aucun passaige vers le Nort. 

Le mercredy 18. jour d’Aoust, nostre cappitaine feist retourner ses navires en arriere, et mestre le cap à l’autre bort. Et rangeasmes ladicte coste du Nort qui gist Nordest et Sur Ornaist faisant ung demy arc, qui est une terre fort haulte non tant comme celle de Su : Et arrivasmes le jeudy ensuyvant à sept ysles fort haultes : lesquelles nous nommasmes les ysles Rondes, qui sont à environ quarante lieues des terres du Su, et s’avancent hors à la mer trois ou quatre lieues, le travers desquelles y a ung commencement de basses terres plaines de beaux arbres ; lesquelles terres nous rengeasmes le vendredi avec nos barques, le travers desquelles y a plusieurs bancqs de sablon à plus de deux lieues à la mer, fort dangereux, lesquelz descuevrent de basse mer, et au bout d’icelles basses terres qui contiennent environ dix lieues, y a une riviere d’eaue doulce, sortant à la mer, tellement que à plus d’une lieue d’elle est aussi doulce que eaue de fontaine. Nous entrasmes en ladicte riviere avecq noz barques, et ne trouvasmes à l’entree d’icelle que brasse et demye. Il y a dedans ladicte riviere plusieurs poissons, qui ont forme de chevaulx, lesquelz vont à la terre de nuict, et de jour à la mer, ainsi qu’il nous feut dict par nos deux sauvaiges : Et de ces dictz poissons veismes grand nombre dedans la dicte riviere.




Le lendemain 21. jour dudict moys au matin à l’aube du jour feismes voylle et feismes porter le long de la dicte coste, tant que nous eusmes congnoissance de la reste de la dicte coste du Nort, que n’avions veu, et de l’ysle de l’Assumption, que nous avions esté querir au partir de la dicte terre : et lors que nous feusmes certains que ladicte coste estoit rengee, et qu’il n’y avoit nul passaige, retournasmes à nos navires qui estoient esdictz sept ysles où il y a bonne radde à dix huict et vingt brasses de sablon : auquel lieu avons esté sans povoir sortir n’y faire voylle pour la cause des bruynnes et ventz contraires qui faisoient jusques au. xxiiii. jour dudict moys que sommes arrivez à ung hable de la coste du Su, qui est à environ quatre vingt lieues des dictz sept ysles, qui est le travers de trois ysles plattes, qui sont par le parmy du fleuve. Et environ le my chemin des dictes ysles et ledict hable devers le Nort, y a une fort grande riviere, qui est entre les haultes et basses terres, qui faict plusieurs bancqs à la mer à plus de trois lieues, qui est ung pais fort dangereux et sont de deux brasses et moins, et à la creste de iceulz bancqs trouverez xxv. et xxx. brasses bort à bort, toute icelle coste du Nort, gist, Nort, Nordest, et Su sur Onaist.

Le hable devantdict ou posasmes qui est à la terre du Su, est hable de marie et de peu de valleur, nous les nommasmes les Ysleaux sainct Jehan, parce que nous y entrasmes le jour de la decollation dudict sainct. Et au paravant que arriver audict hable, y a une ysle à Best d’icelluy environ cinq lieues, ou il n’y à point de passaige entre terre et elle que par basteaux : le dict hable des ysleaux sainct Jehan asseche toutes les marees, et y maryne l’eaue de deux brasses : Le meilleur lieu à mettre navires est vers le Su d’ung petit yslot qui est au parmy du dict hable bort au dict yslot.

Nous appareillasmes du dict hable le premier jour de septembre pour aller vers Canada, et environ quinze lieues du dict hable à l’Onaist, Sur, Onaist y a trois ysles au parmy du fleuve, le travers desquelles y a une riviere fort perfonde et courante, qui est la riviere et chemin du royaulme et terre de Saguenay, ainsi que nous a esté dict par noz deux sauvages du pais de Canada. Et est icelle riviere entre haultes montaignes de pierre nue, sans y avoir que peu de terre, et nonobstant y croist grand quantité d’arbres et de plusieurs sortes qui croissent sur la dicte pierre nue comme sur bonne terre, de sorte qui y avons veu arbre suffisant à master navire de trente tonneaulx, aussi vert qu’il soit possible de veoir lequel estoit sur ung rocq sans y avoir aucu ne saveur de terre, à l’entrée d’icelle riviere trouvasmes quatre barques des sauvages, les quelz venoient vers nous en grand peur et craincte, de sorte qu’il en recueillit une, et lautre approcha pres qu’ilz peurent entendre l’un de noz sauvages, qui se nomma et feist sa congnoissance, et les feist venir seurement.


Dessin de André Juillard pour la série Plume aux Vents

Le lendemain deuxiesme jour du dict septembre, resortismes hors de la dicte riviere pour faire le chemin vers Canada, et trouvasmes la mares fort courante et dangereuse, parce que devers le Su de la dicte riviere y a deux ysles, A l’entour desquelles, à plus de trois lieues n’y a que deux brasses semees de gros perrons, comme tonneaulz et pippes, et les marees de ce puantes par entre lesdictes ysles, de sorte que cuydasmes y perdre nostre gallyon, sinon le secours de noz barques et à la creste des dictz plateys, y a de perfond trente brasses et plus. Passe ladicte riviere du Saguenay et les dictes ysles, environ cinq lieues vers le Sur Onaist, y a une autre ysle vers le Nort, de laquelle y a de fort haultes terres le travers desquelles cuydasmes poser l’ancre pour estaller l’obbe, et ny peusmes trouver le fonds à six vingtz brasses a ung traict d’arc de terre, de sorte que feusmes con trainctz retourner vers la dicte ysle, ou passames à trente cinq brasses, et beau fondz.

Le lendemain matin feismes voylle, et appareillasmes pour passer oultre, et eusmes congnoissance d’une sorte de poissons, desquelz il n’est memoire d’homme avoir veu n’y ouy : Les dictz poissons sont aussi gros comme marsouyns sans avoir aucun estre, et sont assez faictz par le corps et teste de la facon d’ung levrier, aussi blancs que neige, sans avoir aucune tache : et en y a fort grand nombre dedans la dicte riviere qui vivent entre la mer et l’eaue doulce : Les gens du pais les nomment Adhothuys : et nous ont dict qu’ilz sont fors bons à menger, et nous ont affermè n’y en avoir en tout le dict fleuve que en cest endroict.

Pehriska-Ruhpa of the Dog Band of the Hidatsa tribe of Native Americans


Le sixiesme jour dudict moys avec bon vent feismes courir à mont le dict fleuve environ quinze lieues, et vinsmes poser à une ysle qui est bort à la terre du Nort, qui faict une petite baye et couche de terre : à laquelle y a ung nombre inestimable de grandes tortues, qui sont es environs d’icelle ysle, Pareillement par iceulz du pais, se faist es environs de la dicte ysle grand pescherie de Adhothuys. Il y a aussi grant courant es environs de ladicte ysle comme devant Bordeaux de flo, et ebbe. Icelle ysle contient environ trois lieues de long et deux de large : et est une moult bonne terre et grasse, plaine de beaulx et grandz arbres de plusieurs sortes : et entre autres y a plusieurs couldres franches que trouvasmes fort chargees de noisilles aussi grosses et de meilleur saveur que les nostres, mais ung peu plus dures. Et parce la nommasmes l’ysle es Couldres.

Le septiesme jour dudict moys jour nostredame, apres avoir ouy la messe, nous partismes de ladicte ysle pour aller à mont ledict fleuve, et vinsmes à quatorze ysles qui estoient distantes de ladicte ysle es couldres de sept à huict lieues, qui est le commencement de la terre et province de Canada : desquelles en y a une grande qui a environ dix lieues de long et cinq de large, en laquelle y a gens demourrans qui font grand pescherie de tous les poissons qui sont dedans le dict fleuve selon leur saison. Nous estans posez et a l’encre entre icelle grande ysle, et la terre du Nort, alasmes à terre et portasmes les deux sauvaiges que avions prins le precedent voyage : Et trouvasmes plusieurs gens du pays, lesquelz commencerent à fuyr, et ne vouloient aprocher jusques ad ce que nosdictz deux hommes commencerent à parler, et leur dire qu’ilz estoient Taignoagny et dom Agaya. Et lors qu’ilz eurent congnoissance d’eulx commencerent a demener joye dansans et faisans plusieurs cerimonies ; et vindrent parler des principaulz à noz basteaux, lesquelz nous apportoient force anguilles, et aultres poissons, avec deux ou trois charges de gros mil, qui est le pain de quoy ilz vivent en la dicte terre, et plusieurs gros melons. Et icelle journée vindrent à noz navires plusieurs barques du pays chargées de gens tant hommes que femmes pour veoir et faire chaire à nos dictz deux hommes, les quelz feurent tous bien receuz par nostre cappitaine, qui les festoya de ce qu’il peust, et pour faire sa congnoissance leur donna aucuns petis presens de peu de valleur, de quoy se contenterent fort.




Le lendemain le seigneur de Canada nommé Donnacona en nom, et l’appellent pour seigneur Agouhanna, vint avecques douze barques accompaigné de plusieurs gens davant noz navires. Puis enfeist retirer arriere dix, et vint seulement avec deux à bort desdictz navires, accompaigné de seize hommes, et commenca ledict Agouhanna le travers du plus petit de noz trois navires a faire une predication et preschement à leur mode, en demenant son corps et membres d’une merveilleuse sorte, qui este une cerimonié de joye et asseurance, Et lors qu’il fut arrivé à la nef generalle ou estoient les dictz Taignoagny et son compaignon, parla le dict seigneur à eulx, et eulx à luy, et luy commencerent a compter ce qu’ilz avoient veu en France, et le bon traictement qu’il leur avoit esté faict, dequoy fut fort joyeulx, et pria nostre cappitaine luy bailler ses bras pour les baiser et accoller, qui est leur mode de faire chere en ladicte terre. Lors nostre cappitaine entra en la dicte barque du dict Agouhanna, et commanda apporter pain et vin pour faire boire et menger ledict seigneur et sa bande, ce qui fut faict, dequoy furent fort contens. Et pour lors ne fut aultre present faict audict seigneur attendant lieu et temps. Apres lesquelles choses ainsi faictes, se departirent les ungs des aultres, et prindrent congé, et se retira le dict Agouhanna en ses barques pour se retirer et aller en son lieu. Et feist le dict cappitaine apprester ses barques pour passer oultre, et aller avant le dict fleuve avec le flo, pour cercher hable et lieu de sauveté pour mettre les navires, et feusmes oultre le dict fleuve environ dix lieues coustoyant la dicte ysle. Et au bort d’icelles trouvasmes ung asseurg d’eaulx fort beau et plaisant. Au quel lieu y a une petitie riviere et hable de barre marinant de deux à trois brasses, que trouvasmes lieu à nous propice pour mettre nosdictes navires à sauveté. Nous nommasmes le dict lieu saincte Croix, par ce que le dict jour y arrivasmes. Aupres d’iceluy lieu y a ung peuple, dont est seigneur le dict Donnacona, et y est sa demeurance qui se nomme Stadacone, qui est aussi bonne terre qu’il soit possible de veoir et bien fructiferente, pleine de fort beaulx arbres de la nature et sorte de France. Comme chesnes, ormes, fresnes, noyers, yfz, cedres, vignes, aubespines, qui portent le fruict aussi gros que prunes de damas, et aultres arbres : soubz les quelz croist de aussi beau chanvre que celuy de France, qui vient sans semence ny labour. Apres avoir visite ledict lieu, et trouvé estre convenable, se retira ledict cappitaine, et les aultres dedans les barques pour retourner es navires. Et ainsi que sortismes hors de la dicte riviere trouvasmes au devant de nous l’ung des seigneurs dudict peuple de Stadacone accompaigné de plusieurs gens tant hommes, femmes que enfans : lequel seigneur commenca a faire ung preschement à la facon et mode du pays, qui est de joye et asseurance, et les femmes dansoient et chantoient sans cesse estans en l’eaue jusques es genoulx. Nostre cappitaine voyant leur bonne amour et bon vouloir, feist approcher la barque ou il estoit, et leur donna des cousteaulx, et petites patenostres de voirre, de quoy menerent une merveilleuse joye, de sorte que nous estans departis d’avec eulx distant d’une lieue ou environ, les oyons chanter, danser, et mener joye de nostre benne.


Tribu Iroquoise, 1914


Comme nostre cappitaine retourna es navires et alla veoir l’ysle, la grandeur et nature d’icelle, et comme il feist mener les dictz navires à la rivyere saincte Croix.
 
Apres que nous feusmes arrivez avec noz barques ausdictz navires et retournez de la rivyere saincte Croix, le cappitaine Hinanda apprester lesdictes barques pour aller à terre à la dicte ysle veoir les arbres qui sembloient fort beaulx a veoir, et la nature de la terre d’icelle ysle. Ce que fut faict, et nous estans à ladicte ysle la trouvasmes plaine de fors beaulx arbres de la sorte des nostres. Et pareillement y trouvasmes force vignes, ce que n’avyons veu par cy devant à toute la terre, et par ce la nommasmes l’ysle de Bacchus. Icelle ysle tient de longueur environ douze lieues, et est fort belle terre a veoir, mais est plaine de boys sans y avoir aucun labouraige, fors qu’il y a aucunes petites maisons ou ilz font pescherie, comme par cy devant est faicte mention.

Le lendemain partismes avec nosdictz navires pour les mener audict lieu de saincte Croix, et y arrivasmes le .14. dudict moys. Et vindrent au devant de nous lesdictz Donnacona Taignoagny et Dom agaya avec vingt cinq barques chargez de gens qui venoient dudict lieu dont estions partis, et alloient audict Stadacone ou est leur demourance, et vindrent tous a noz navires faisans plusieurs signes de joye, fors noz deux hommes que avions apportez, Scavoir Thaignoagny et Dom agaya, lesquelz estoient tous changez de propos, et de couraiges, et ne vouloient entrer dedens nos dictz navires, nonobstant qu’ilz en feussent plusieurs fois priez : dequoy eusmes aucune deffiance d’eulx. Le cappitaine leur demanda s’ilz vouloient aller comme ilz luy avoient promis avec lui à Hochelaga, et ilz respondirent que oy : et qu’ilz estoient deliberez y aller : lors chascun se retira.


La terra de Hochelaga ; in Giovanni Battista Ramusio, Delle navigationi et viaggi, 1565
(unique représentation de Jacques Cartier...)

Le lendemain .15. ledict cappitaine feust à terre avec plusieurs pour faire planter ballises et merches pour plus seurement mettre les navires à sauveté. Auquel lieu se rendirent au-devant de nous plusieurs gens du pays et entre aultre le dict Donnacona noz deux hommes et leur bande, lesquelz se tindrent apart soubz une poincte de terre qui est sur le bort d’ung fleuve, sans ce que aucun d’eulx vint environ nous, comme les aultres qui n’estoient de leur bande faisoient. Apres que le cappitaine fut adverty qu’ilz y estoient, commanda à partie de ses gens aller avecques luy, et furent vers eulx soubz ladicte pointe, et trouverent les dictz Donnacona, Taignoagny, Dom agaya et plusieurs aultres : et apres se estre entre saluez, se avanca ledict Taignoagny de parler, et dit à nostre cappitaine que ledict seigneur Donnacona estoit marry, dont ledict cappitaine et ses gens portoient tant de bastons de guerre, par ce que de leur part n’en portoient nulz. A quoy leur respondist ledict cappitaine que pour leur marrisson ne laisseront a les porter, et que c’estoit la coustume de France, et qu’il le scavoit bien, mais pour toutes leurs parolles ne laisserent le dict cappitaine et Donnacona a faire grand chere ensemble. Lors aperceusmes que ce que disoit le Taignoagny ne venoit que de luy et son compaignon. Et avant de partir dudict lieu, lesdictz Donnacona et cappitaine feirent une asseurance de sorte merveilleuse, car tout le peuple dudict seigneur Donnacona gecterent et feirent trois cris à plaine voix, que cestoit chose horrible a ouyr, et a tant prindrent congié les ungs des aultres, et nous retirasmes à bort pour celuy jour, et le lendemain .16. dudict moys nous meismes les deux plus grandz navires dedens ledict hable et riviere, ou il y a de plaine mer trois brasses et de bas d’eaue demy brasse, et fut laisse le gallyon dedens la radde pour mener au dict Hochelaga. Et tout incontinent que lesdictes navires furent audict hable et asseur, se trouverent devant les dictes navires Donnacona, Taignoagny, Domagaya, et plus de cinq cens persones hommes, femmes, que petis enfans, et entra ledict seigneur avec dix ou douze des plus grandz personnaiges du pays, lesquelz furent par ledict cappitaine et autres festoyes, et leur fut donné aucuns petis presens, et fut par Taignoagny dict à nostre cappitaine, que ledict seigneur estoit marry dont il alloit à Hochelaga, et que ledict seigneur ne vouloit que luy que parloit y allast par ce que la riviere ne valloit riens, et leur fust respondu par ledict cappitaine que pour tout ce ne laisseroit y aller s’il luy estoit possible ; par ce qu’il avoit commandement du roy son maistre de aller le plus avant qu’il pourroit : mais si le dict Taignoagny y voulant aller comme il avoit promis, qu’on luy feroit present, dequoy il seroit content et grand chere, et qu’ilz ne feroient que aller et venir seulement audict Hochelaga, puis retourner. A quoy respondist le dit Taignoagny, qu’il n’y yroit point. Lors se retirerent a leurs maisons. Et le lendemain .17. dudict moys, le dict Donnacona et les aultres revindrent comme devant, et apporterent force anguilles et aultres poissons, dequoy se faict grand pescherie audict fleuve, comme sera cy apres dict. Lors qu’ilz furent arrivez devant lesdictes navires, commencerent a chanter et danser comme avoient de coustume. Et apres qu’ilz eurent ce faict, feict ledict Donnacona mettre tous ses gens d’ung costé, et feist ung cerne sur le sable, et y feist mettre nostre cappitaine et ses gens : et lors commenca une harengue, tenant une fille d’environ l’age de dix à douze ans en l’une de ses mains, puis la vint presenter à nostre cappitaine, et tout incontinent tous les gens dudict seigneur se prindrent a faire trois criz et hurlemens en signe de joye et alliance. Puis de rechef presenta deux petis garsons de moindre aage l’un apres l’aultre, desquelz feirent telz criz et cerimonies que devant. Duquel present ainsi faict par le dict seigneur fut par nostre cappitaine remercié. Lors Taignoagny dist au cappitaine que la fille estoit la propre fille de la seur dudict seigneur, et l’ung des garsons frere de luy qui parloit, Et qu’on les luy donnoit sur l’intention qu’il n’allast point à Hochelaga. A quoy luy respondist nostre cappitaine, que si on les luy avoit donnez sur ceste intention, que on les reprint, et que pour riens ne laisseroit y aller par ce qu’il avoit commandement de ce faire. Sur les quelles parolles Dom agaya compaignon dudict Taignoagny, dict audict cappitaine que ledict seigneur luy avoit donné les dictz enfans par bonne amour, et en signe d’asseurance, et qu’il estoit content aller avec luy audict Hochelaga, de quoy eurent grosses parolles lesdictz Taignoagny et Dom agaya. Lors aperceusmes que ledict Taignoagny ne valloit riens, et qu’il ne songeoit que trahison et malice tant par ce que aultres mauvais tours que luy avions veu faire. Et sur ce ledict cappitaine feist mettre lesdictz enfans dedans les navires, et feist apporter deux espées, ung grand bassin d’arain plain, et ung ouvré pour laver mains, et en feist present audict Donnacona, lequel fort s’en contenta et remercia nostre cappitaine, Et commanda ledict Donnacona a tous ses gens chanter et danser, et pria ledict Donnacona nostre cappitaine faire tirer une piece d’ar tillerie, par ce que lesdictz Taignoagny et Dom agaya lui en avoient faict feste, et aussi que jamais n’en avoient veu, ny ouy. A quoy le cappitaine respondist qu’il le vouloit bien, et commanda que on tirast une douzaine de barges avec leurs boulletz le travers du boys qui estoit jouxte lesdictes navires et gens. Dequoy furent tous si estonnez qu’ilz pensoient que le ciel feust cheu sur eulx, et se prindrent a hucher et hurler si tres fort, que sembloit que enfer y feust vuide, et davant qu’ilz se retirassent, le dict Taignoagny feist dire par interposés personnes, que les compaignons du gallyon, lequel estoit demouré à la radde, avoient tué deux de leurs gens de coups d’artillerie : dont tous se retirerent à grand haste, ainsi que si les eussions voulu tuer. Ce que ne se trouva verité : car durant ledict jour ne fut dudict gallyon tiré artillerie.

Jacques Cartier (1491-1557) ; Brief recit de la navigation faicte es ysles de Canada, 1545


Jan Vereist ; Portrait du chef Iroquois Sa Ga Yeath Qua Pieth Tow (baptisé Brant), 1710

(À suivre...)

Aucun commentaire: