lundi 5 mai 2008

Soyez réalistes, demandez l'impossible !!!


Vidéo 1/4 - (9'28")



Paris mai

Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris

Le casque des pavés ne bouge plus d'un cil
La Seine de nouveau ruisselle d'eau bénite
Le vent a dispersé les cendres de Bendit
Et chacun est rentré chez son automobile
J'ai retrouvé mon pas sur le glabre bitume
Mon pas d'oiseau-forçat, enchaîné à sa plume
Et piochant l'évasion d'un rossignol titan
Capable d'assurer le Sacre du Printemps
Ces temps-ci je l'avoue j'ai la gorge un peu âcre
Le Sacre du Printemps sonne comme un massacre
Mais chaque jour qui vient embellira mon cri
Il se peut que je couve un Igor Stravinsky

Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris

Et je te prends Paris dans mes bras pleins de zèle
Sur ma poitrine je presse tes pierreries
Je dépose l'aurore sur tes Tuileries
Comme roses sur le lit d'une demoiselle
Je survole à midi tes six millions de types
Ta vie à ras le bol me file au ras des tripes
J'avale tes quartiers aux couleurs de pigeon,
Intelligence blanche et grise religion
Je repère en passant Hugo dans la Sorbonne
Et l'odeur d'eau-de-vie de la vieille bombonne
Aux lisières du soir, mi-manne, mi-mendiant
Je plonge vers un pont où penche un étudiant

Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris

Le jeune homme harassé déchirait ses cheveux
Le jeune homme hérissé arrachait sa chemise :
"Camarade, ma peau est-elle encore de mise
Et dedans mon cœur seul ne fait-il pas vieux jeu ?
Avec ma belle amie quand nous dansons ensemble
Est-ce nous qui dansons ou la terre qui tremble ?
Je ne veux plus cracher dans la gueule à papa
Je voudrais savoir si l'homme a raison ou pas
Si je dois endosser cette guérite étroite
Avec sa manche gauche, avec sa manche droite,
Ses pâles oraisons, ses hymnes cramoisis,
Sa passion du futur, sa chronique amnésie"

Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris

C'est ainsi que parlait sans un mot ce jeune homme
Entre le fleuve ancien et le fleuve nouveau
Où les hommes noyés nagent dans leurs autos.
C'est ainsi, sans un mot, que parlait ce jeune homme
Et moi l'oiseau-forçat, casseur d'amère croûte
Vers mon ciel du dedans j'ai replongé ma route,
Le long tunnel grondant sur le dos de ses murs
Aspiré tout au bout par un goulot d'azur
Là-bas brillent la paix, la rencontre des pôles
Et l'épée du printemps qui sacre notre épaule
Gazouillez les pinsons à soulever le jour
Et nous autres grinçons, pont-levis de l'amour

Mai mai mai Paris mai
Mai mai mai Paris

Claude Nougaro



L'extraordinaire sang-froid

« Paris a connu une de ses nuits les plus lamentables.
C'est Monsieur Grimaud préfet de police de cette ville qui le dit.
Comment ne pas le croire ?
Un peu plus loin il précise : « Il a fallut un extraordinaire sang-froid aux membres du service d'ordre et à ses chefs pour que nous n'ayons pas eu des conséquences dramatiques et sanglantes ».
Comment ne pas le croire ?
Sans cet extraordinaire sang-froid, le sang aurait coulé et on aurait vu, comme le dit plus loin le préfet « des choses comme on n'en a encore jamais vues à Paris ».
Comment ne pas le croire ?
On aurait vu alors des CRS SS arracher des blessés des mains des secouristes et ces blessés jetés dans des cars de police et à nouveau blessés et injuriés.
On aurait vu dans des appartements des grenades éclater des gens jetés en bas du haut des escaliers des cafés envahis par des brutes acharnées, des clients asphyxiés par des gaz de combat inoffensifs défensifs et toxiques.
On aurait constaté des cas de cécité. Fort heureusement partielle auraient dit les communiqués.
On aurait vu une main arrachée et des garçons et des filles abîmés et peut-être à jamais.
Sans cet extraordinaire sang-froid, on aurait vu le sang couler, le sang rouge et chaud, le sang vivant le sang nouveau versé sur la chaussée.
La chaussée déchaussée et les pavés danser.

Jacques Prévert
Publié dans le n°1 du journal "l'enragé", 2ème trimestre 1968







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(Censier)



L'ABOUTISSEMENT DE TOUTE PENSÉE C'EST LE PAVÉ
(Sorbonne)



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(Censier)



J'EMMERDE LA SOCIÉTÉ, MAIS ELLE ME LE REND BIEN
(Condorcet)



COURS CAMARADE, LE VIEUX MONDE EST DERRIERE TOI
(Odéon, Sorbonne)


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Revoilou le joli mois de mai, les zoziaux chantent dans les arbres et ça pourrait bientôt sentir le gaz lacrymo dans les rues... (15 mai et 22 mai)
Mais ne rêvons pas, l'histoire ne repasse pas les plats.
Il vous faudra inventer autre chose ! et y'a du boulot !
En attendant, jolie iconographie, merci qui ? merci l'Ogre.