lundi 4 février 2008

Périssent les colonies plutôt qu'un principe !!! (2, la suite)...


Combats de la Crête-à-Pierrot ; 1802


La Révolution française entraîna de graves bouleversements sociaux dans les colonies françaises, dont le plus important dans la région fut la révolte des esclaves qui aboutit à l'abolition de l'esclavage en 1793 à Saint-Domingue, par les commissaires civils Sonthonax et Polverel, (décision avalisée et généralisée à l'ensemble des colonies françaises par la Convention six mois plus tard). Le Noir Toussaint Louverture, nommé Gouverneur par la France, après avoir rétabli la paix et chassé les Espagnols et les Anglais qui menaçaient la colonie, rétablit la prospérité par des mesures audacieuses. Mais il alla trop loin en promulguant une constitution autonomiste. Napoléon Bonaparte, sous l'influence des créoles et des négociants, envoya une expédition de 34 000 hommes sous les ordres de son beau-frère le Général Leclerc pour démettre Louverture et rétablir l'esclavage. Mais, après quelques victoires et l'arrestation et la déportation de Toussaint Louverture (qui mourut au fort de Joux, dans le Doubs, le 7 avril 1803), les troupes françaises commandées par Rochambeau finirent par être battues à la bataille de Vertières par Jean-Jacques Dessalines et le 1er janvier 1804, l'indépendance du pays fut proclamée sous le nom d'Haïti.
En prenant naissance ce jour-là, Haïti devenait le premier pays au monde à rendre effective l'abolition de l'esclavage, au terme d'une double bataille pour la liberté et l'indépendance, remportée par d'anciens esclaves sur les troupes de Napoléon Bonaparte.
Dessalines se fit proclamer gouverneur à vie par ses troupes. Il fit exécuter les blancs restés sur l'île et gouverna en despote. Il périt assassiné le 17 octobre 1806. Le pays se partagea alors entre un royaume au nord, dirigé par Henri Christophe et une république au sud, dirigée par Alexandre Pétion.
*


Général Victor-Emmanuel Leclerc (1772-1802)


A la Guadeloupe, l'esclavage est rétabli en 1802 par Bonaparte. Mais les anciens esclaves qui ont goûté la liberté entendent défendre les armes à la main les acquis de 1794. Les troupes du général Richepance débarquent le 16 mai 1802 à Basse-Terre. Le colonel Louis Delgrès et Ignace occupent le fort Saint-Charles. La position, intenable, est évacuée après de durs combats. Ignace se réfugie avec ses troupes près de Pointe-à-Pitre. Delgrès se retranche sur les hauteurs de Basse-Terre, à l'habitation Danglemont en attendant l'arrivée des renforts emmenés par Ignace. Mais Ignace vient d'être tué au morne Baimbridge avec 675 compagnons, dont ses deux fils. Les survivants ont été amenés à Fouillole pour y être fusillés. Delgrès apprenant la mort d'Ignace et de ses compagnons décide de se faire sauter avec ses hommes...

Dessin de William Blake (1757 - 1827)


Les habitants de Champagney en Franche-Comté et l'esclavage des noirs


Cet article est assez rare en France dans un cahier de doléances (1789). Il fut peut-être suggéré par un notable de Champagney, Priqueler, capitaine de cavalerie et membre de la Société des Amis des Noirs.

"Les habitants et communauté de Champagney ne peuvent penser aux maux que souffrent les nègres dans les colonies sans avoir le coeur pénétré de la plus vive douleur, en se représentant leurs semblables, unis encore à eux par le double lien de la religion, être traités plus durement que ne le sont les bêtes de somme. Ils ne peuvent se persuader qu'on puisse faire usage des productions desdites colonies si l'on faisait réflexion qu'elles ont été arrosées du sang de leurs semblables, ils craignent avec raison que les générations futures, plus éclairées et plus philosophes, n'accusent les Français de ce siècle d'avoir été anthropophages ce qui contraste avec le nom français, et plus encore celui de chrétien. C'est pourquoi leur religion leur dicte de supplier très humblement Sa Majesté concerter les moyens pour de ces esclaves en faire des sujets utiles au royaume et à la patrie."

Cahier de doléances de Champagney cité par Godard et Abensour,
"Cahiers de doléances du Bailliage d'Amont", 1927



Dessin de William Blake (1757 - 1827)



Lettre de Toussaint Louverture, gouverneur de Saint-Domingue, au Directoire, 5 novembre 1797


[...] C'est à la sollicitude du gouvernement français que j'ai confié mes enfants... Je tremblerais d'horreur si je les avais envoyés comme otages entre les mains des colonialistes ; mais même si cela était, faites-leur savoir qu'en les punissant de la fidélité de leur père ils ne feraient qu'ajouter à leur barbarie, sans aucun espoir de me faire jamais manquer à mon devoir... Aveugles qu'ils sont ! Ils ne peuvent s'apercevoir combien cette conduite odieuse de leur part peut devenir le signal de nouveaux désastres et de malheurs irréparables et que, loin de leur faire regagner ce qu'à leurs yeux la liberté de tous leur fait perdre, ils s'exposent à une ruine totale et la colonie à sa destruction inévitable. Pensent-ils que les hommes qui ont été à même de jouir des bienfaits de la liberté, regarderont calmement qu'on les leur ravisse ? Ils ont supporté leurs chaînes tant qu'ils ne connaissaient aucune condition de vie plus heureuse que celle de l'esclavage. Mais aujourd'hui qu'ils l'ont quittée, s'ils avaient un millier de vies, ils les sacrifieraient plutôt que d'être de nouveau soumis à l'esclavage. Mais non, la main qui a rompu nos chaînes ne nous asservira à nouveau. La France ne reniera pas ses principes, elle ne nous enlèvera pas le plus grand de ses bienfaits, elle nous protégera contre tous nos ennemis ; elle ne permettra pas que sa morale sublime soit pervertie, que ses principes qui sont son plus grand honneur soient détruits, que ses plus belles acquisitions soient avilies, et que son décret du 16 pluviôse qui est un honneur pour l'humanité, soit révoqué. Mais si, pour rétablir l'esclavage à Saint-Domingue, on faisait cela, alors je vous le déclare, ce serait tenter l'impossible ; Nous avons su affronter des dangers pour obtenir notre liberté, nous saurons affronter la mort pour la maintenir.
« Voilà, citoyens directeurs, la morale de la population de Saint-Domingue, voilà les principes qu'elle vous transmet par mon intermédiaire.
« Vous connaissez les miens. Il suffit de renouveler, ma main dans la vôtre, le serment que j'ai fait, de cesser de vivre avant que la reconnaissance soit morte dans mon coeur, plutôt que de cesser d'être fidèle à la France et à mon devoir, plutôt que de voir les liberticides profaner et souiller le dieu de la liberté, avant qu'ils ne puissent me ravir l'épée, les armes que la France m'a confiées pour la défense de ses droits et ceux de l'humanité, pour le triomphe de la liberté et de l'égalité. »

François-Dominique Toussaint Louverture, né le 20 mai 1743, mort en captivité le 7 avril 1803 au Fort de Joux, à La Cluse-et-Mijoux (Doubs), est le plus grand dirigeant de la Révolution haïtienne, devenu par la suite gouverneur de Saint-Domingue (le nom d'Haïti à l'époque).
Il est reconnu pour avoir été le premier leader Noir à avoir vaincu les forces d'un empire colonial européen dans son propre pays. Né esclave, s'étant démarqué en armes et ayant mené une lutte victorieuse pour la libération des esclaves haïtiens, il est devenu une figure historique d'importance dans le mouvements d'émancipation des Noirs en Amérique.




Loi relative à la traite des noirs et au régime des colonies.

Du 30 floréal An X (17 mai 1802)

Au nom du peuple français, Bonaparte, premier consul, proclame loi de la république le décret suivant, rendu par le corps législatif le 30 floréal an X, conformément à la proposition faite par le Gouvernement le 27 dudit mois, communiquée au Tribunat le même jour.

Décret.

Art. 1er: Dans les colonies restituées à la France, en exécution du traité d'Amiens, du 6 germinal an X, l'esclavage sera maintenu, conformément aux lois et règlements antérieurs à 1789.

II. Il en sera de même dans les autres colonies françaises au-delà du cap de Bonne-Espérance.

III. La traite des noirs et leur importation dans lesdites colonies auront lieu conformément aux lois et règlements existants avant ladite époque de 1789.

IV. Nonobstant toutes lois antérieures, le régime des colonies est soumis, pendant dix ans, aux règlements qui seront faits par le Gouvernement.


Napoléon Bonaparte en consul


Proclamation de Louis Delgrès, Basse Terre, Guadeloupe, 10 mai 1802


C'est dans les plus beaux jours d'un siècle à jamais célèbre par le triomphe des Lumières et de la Philosophie, qu'une classe d'infortunés qu'on veut anéantir, se voit obligée d'élever la voix vers la postérité, pour lui faire connaître, lorsqu'elle aura disparu, son innocence et ses malheurs.

Victime de quelques individus altérés de sang qui ont osé tromper le gouvernement français, une foule de citoyens toujours fidèles à la Patrie, se voit enveloppée par une proscription méditée par l'auteur de tous ses maux.

Le Général Richepance, dont nous ne connaissons pas l'étendue des pouvoirs, puisqu'il ne s'annonce que comme général d'armée, ne nous a fait connaître son arrivée que par une proclamation, dont les expressions sont si bien mesurées que, alors même qu'il promet protection, il pourrait nous donner la mort sans s'écarter des termes dont il se sert.

A ce style, nous avons reconnu l'influence du contre-amiral Lacrosse, qui nous a juré une haine éternelle.

Oui, nous aimons à croire que le général Richepance, lui aussi, a été trompé par cet homme perfide qui sait employer également les poignards de la calomnie.

Quels sont les coups d'autorité dont on nous menace ? Veut-on diriger contre nous les baïonnettes de ces braves militaires, dont nous aimions à calculer le moment de l'arrivée et qui naguère ne les dirigeaient que contre les ennemis de la République ?

Ah ! plutôt, si nous en croyons les coups d'autorité déjà frappés, au Fort de la Liberté, le système d'une mort lente dans les cachots continue à être suivi.

Eh bien ! nous choisissons de mourir plus promptement.

Osons le dire : les maximes de la tyrannie la plus atroce sont surpassées aujourd'hui.

Nos anciens tyrans permettaient à un maître d'affranchir son esclave, et tout nous annonce que, dans le siècle de la Philosophie, il existe des hommes, malheureusement trop puissants par leur éloignement de l'autorité dont ils émanent, qui ne veulent voir d'hommes noirs, ou tirant leur origine de cette couleur, que dans les fers de l'esclavage.

Et vous, premier Consul de le République, vous guerrier philosophe, de qui nous attendions la justice qui nous était due, pourquoi faut-il que nous ayons à déplorer notre éloignement du foyer d'où partent les conceptions sublimes que vous nous avez si souvent fait admirer ?
Ah ! sans doute un jour vous connaîtrez notre innocence ; mais il ne sera plus temps, et des pervers auront déjà profité des calomnies qu'ils ont prodiguées contre nous pour consommer notre ruine.

Citoyens de la Guadeloupe, vous dont la différence de l'épiderme est un titre suffisant pour ne point craindre les vengeances dont on nous menace (à moins qu'on ne veuille vous faire un crime de n'avoir pas dirigé vos armes contre nous), vous avez entendu les motifs qui ont excité notre indignation.

La résistance à l'oppression est un droit naturel. La Divinité même ne peut être offensée que nous défendions notre cause. Elle est celle de la Justice et de l'Humanité.
Nous ne la souillerons pas par l'ombre même du crime.

Oui, nous sommes résolus de nous tenir sur une juste défensive, mais nous ne deviendrons jamais des agresseurs.

Pour vous, restez dans vos foyers ; ne craignez rien de notre part.

Nous vous jurons solennellement de respecter vos femmes, vos enfants, vos propriétés et d'employer tous les moyens, de les faire respecter par tous.

Et toi, Postérité, accorde une larme à nos malheurs et nous mourrons satisfaits !

Le Colonel d'Infanterie, commandant en chef de la force armée de la Basse Terre,
signé : Louis Delgrès.

Louis Delgrès (Saint-Pierre 1766-Matouba 1802)

Un des personnages les plus célèbre de l'histoire de la Guadeloupe. Il était un officier rebelle et un opposant déterminé au rétablissement de l'esclavage en Guadeloupe en 1802. Né à Saint-Pierre, le 2 août 1766, c'était un Mulâtre dont le père aurait été un certain Louis Delgrès, fonctionnaire du roi à Tobago (française en 1783). Il sert dans l'armée des républicains français à la Martinique et accède en 1793 au grade de capitaine, à titre provisoire. Lors de la prise de la Martinique par les Anglais, il est fait prisonnier, envoyé en Grande-Bretagne (30 mars 1794) mais libéré. Il participe à la formation du bataillon des Antilles, en Bretagne, et reçoit le titre de lieutenant. Avec ce bataillon, il est en Guadeloupe, au début de l'année 1795 mais est envoyé par les autorités républicaines à Sainte-Lucie : sa bravoure lors des opérations menées contre les Anglais lui vaut d'être nommé capitaine par le commissaire de la Convention Goyrand. Il est envoyé à Saint-Vincent, où les Noirs se sont révoltés contre les Anglais. Delgrès est fait une nouvelle fois prisonnier, au début de juin 1796, à nouveau déporté en Grande-Bretagne puis libéré, en septembre 1797. Il est alors promu chef de bataillon (commandant). Il revient en Guadeloupe, à la fin de l'année 1799, comme aide de camp d'un des agents (administrateurs) primitivement nommés par le Directoire, Baco. Il sera ensuite aide de camp de Lacrosse. Cependant, lorsque les officiers de couleur, appuyés par la population de la Guadeloupe, se révoltent contre Lacrosse, Delgrès se rallie aux rebelles. En janvier 1802, Delgrès qui a été promu au grade de colonel par Pelage, est placé à la tête de l'arrondissement de Basse-Terre. En mai 1802, il décide de s'opposer par les armes aux troupes du général Richepanse, qu'il soupçonne (non sans raison) de vouloir rétablir l'esclavage. Après de durs combats, il évacue le fort Saint-Charles et se replie sur les hauteurs de Matouba. Peut-être avait-il l'intention de constituer dans cette région un foyer de résistance. Mais, Richepanse ne lui en laisse pas le temps et fait donner l'assaut à l'habitation Danglemont (Matouba) où Delgrès avait établi son quartier général. Delgrès, blessé au genou, décide de se suicider (avec plusieurs centaines d'hommes), en faisant sauter des barils de poudre. Cette mort dramatique, survenue le 28 mai, en a fait une figure hautement symbolique.




Arrêté du 28 messidor, an X (17 juillet 1802)


Considérant que par l'effet de la révolution et d'une guerre extraordinaire, il s'est introduit dans les noms et les choses de ce pays des abus subversifs de la sûreté et de la prospérité d'une colonie ;
Considérant que les colonies ne sont autre chose que des établissements formés par les Européens, qui y ont amené des noirs comme les seuls individus propres à l'exploitation de ces pays ; qu'entre ces deux classes fondamentales des colons et de leur noirs, se sont formé des races de sang-mêlé toujours distinctes des blancs, qui ont formé les établissement ;
Considérant que ceux-ci seuls sont les indigènes de la nation française et doivent en exercer les prérogatives ;
Considérant que les bienfaits accordés par la mère patrie, en atténuant les principes essentiels de ces établissements, n'ont servi qu'à dénaturer tous les éléments de leur existence, et à amener progressivement cette conspiration générale, qui a éclaté dans cette colonie contre les blancs et les troupes envoyées sous les ordres du général par le gouvernement consulaire, tandis que les autres colonies soumises à un régime domestique et paternel, offrent le tableau de l'aisance de toute les classes d'hommes en contraste avec le vagabondage, la paresse, la misère et tous les maux qui ont accablé cette colonie, et particulièrement les noirs livrés à eux-mêmes ;
De sorte que la justice nationale et l'humanité commandent autant que la politique le retour des vrais principes sur lesquels reposent la sécurité et les succès des établissements formés par les Français en cette colonie, en même temps que le gouvernement proscrira avec ardeur les abus et les excès qui s'étaient manifestés anciennement et qui pourraient se rencontrer encore.
[...] (les considérants sont suivis de 19 articles formant un nouveau code)
Jusqu'à ce qu'il soit autrement ordonné, le titre de citoyen français ne sera porté dans l'étendue de cette colonie et dépendances que par les blancs. Aucun autre individu ne pourra prendre ce titre ni exercer les fonctions qui y sont attachées [...]

Richepance

Antoine Richepance naît à Metz en 1770. Il fait une carrière fulgurante
pendant la Révolution française. Il devient général de division en janvier 1800. C'est donc à un haut dirigeant de l'armée française que Bonaparte confie la mission de rétablir l'esclavage en Guadeloupe. Il part le 1er avril 1802 de France à la tête de 14 navires. Avec les généraux Gobert, Ménar, Damautier et Seriziat déjà sur place, c'est une force armée de plus de 4000 hommes qu'il dirige. Il arrive en Guadeloupe le 6 mai 1802. rétablit l'esclavage le 28 mai 1802 après une guerre de près d'un mois et réprime férocement la population guadeloupéenne. Son bilan est de 10 000 disparus (morts au combat, fusillés, pendus, déportés). Il meurt à Basse-Terre le 3 septembre 1802 et sera enseveli au Fort Saint-Charles qui portera son nom à partir du 30 mars 1803. En 1989, le fort prendra le nom de Fort Delgrès. Responsable de l'élimination de 10% de la population et du rétablissement de l'esclavage en Guadeloupe, il est, avec son chef Napoléon Bonaparte, auteur de crime contre l'humanité.



Proclamation de Déssalines, qui prend les armes contre la France le 17 octobre 1802, après le retablissement de l'esclavage à la Guadeloupe


Gonaïves, 17 octobre 1802,

La Guadeloupe saccagée et détruite, ses ruines encore fumantes du sang des enfants, des femmes et des vieillards passés au fil de l'épée, Pélage lui-même victime de leur astuce après avoir lâchement trahi son pays et ses frères ; le brave et immortel Delgrès emporté dans les airs avec les débris de son fort plutôt que d'accepter les fers. Guerrier magnanime ! Ton noble trépas loin de détourner notre courage ne fait qu'inciter en nous la soif de te venger et de te suivre.

Jean-Jacques Dessalines (né le 20 septembre 1758 à Grande-Rivière-du-Nord – 17 octobre 1806) était un dirigeant de la révolte servile d'Haïti et le premier Empereur d'Haïti (1804–1806 sous le nom régnal de Jacques Ier).
Il était noir et fut d'abord esclave à Saint-Domingue. Dans les troubles de l'île, il devint lieutenant de Toussaint Louverture, organisa en octobre 1802 la mutinerie de l'armée saint-dominguoise contre l'ordre Napoléonien et combattit le général mulâtre André Rigaud et le général français Charles Leclerc.
Après la déportation de Toussaint, il se soumit à la France. S'étant insurgé peu après, il se retira au nord de l'Ile; il réussit à repousser Donatien-Marie-Joseph de Rochambeau dans le sanglant combat de la Crête-à-Pierrot, de Petite-Riviere de l'Artibonite. Il réussit en automne 1803 à vaincre les Français à la bataille de Vertières, et le 1er janvier 1804 Dessalines proclame l'indépendance d'Haïti. Il se fait d'abord gouverneur général à vie, puis empereur (pour ne pas être devancé par son rival, Bonaparte) sous le nom de Jacques Ier (1804).
Il fait massacrer les Français toujours présents en Haïti et poursuit une politique de « caporalisme agraire » (comme le désigne Michel-Rolph Trouillot) destinée à maintenir les profits de l'industrie sucrière par la force, sans esclavage proprement dit.
Son gouvernement ayant bientôt dégénéré en une tyrannie insupportable, il est assassiné le 17 octobre 1806 à Pont-Rouge, au nord de Port-au-Prince, par ses collaborateurs, Alexandre Pétion, Jean-Pierre Boyer, Yayou et André Rigaud. En ce moment Henry Christophe se trouvait dans le nord car il ne pouvait pas se présenter a Port-aux-Prince, sinon il serait lui aussi assassiné.
L'hymne national d'Haïti, La Dessalinienne, est nommé en son honneur, ainsi que le sont la ville et l'arrondissement de Dessalines.






PROCLAMATION À LA NATION
Le Général en chef au Peuple d'Haïti

Citoyens,
Ce n'est pas assez d'avoir expulsé de votre pays les barbares qui l'ont ensanglanté depuis deux siècles ; ce n'est pas assez d'avoir mis un frein aux factions toujours renaissantes qui se jouaient tour à tour du fantôme de liberté que la France exposait à vos yeux : il faut, par un dernier acte d'autorité nationale, assurer à jamais l'empire de la liberté dans le pays qui nous a vu naître ; il faut ravir au gouvernement inhumain qui tient depuis longtemps nos esprits dans la torpeur la plus humiliante, tout espoir de nous réasservir, il faut enfin vivre indépendants ou mourir.
Indépendance ou la mort ... que ces mots sacrés nous rallient, et qu'ils soient le signal des combats et de notre réunion.
Citoyens, mes compatriotes, j'ai rassemblé dans ce jour solennel ces militaires courageux qui, à la veille de recueillir les derniers soupirs de la liberté, ont prodigué leur sang pour la sauver ; ces généraux qui ont guidé vos efforts contre la tyrannie n'ont point encore assez fait pour votre bonheur ... le nom français lugubre encore nos contrées.
Tout y retrace le souvenir des cruautés de ce peuple barbare : nos lois, nos mœurs, nos villes, tout encore porte l'empreinte française ; que dis-je ? il existe des Français dans notre île, et vous vous croyez libres et indépendants de cette République qui a combattu toutes les nations, il est vrai, mais qui n'a jamais vaincu celles qui ont voulu être libres.
Eh quoi ! victimes pendant quatorze ans de notre crédulité et de notre indulgence, vaincus non par des armées françaises, mais par la piteuse éloquence des proclamations de leurs agents : quand nous lasserons-nous de respirer le même air qu'eux ? Qu'avons-nous de commun avec ce peuple bourreau ? Sa cruauté comparée à notre patiente modération, sa couleur à la nôtre, l'étendue des mers qui nous séparent, notre climat vengeur, nous disent assez qu'ils ne sont pas nos frères, qu'ils ne le deviendront jamais, et que s'ils trouvent un asile parmi nous, ils seront encore les machinateurs de nos troubles et de nos divisions.
Citoyens indigènes, hommes, femmes, filles et enfants, portez vos regards sur toutes les parties de cette île : cherchez-y, vous, vos épouses ; vous, vos maris ; vous, vos frères ; vous, vos sœurs, que dis-je ? Cherchez-y vos enfants, vos enfants à la mamelle ; que sont-ils devenus ? ... je frémis de le dire ... la proie de ces vautours.
Au lieu de ces victimes intéressantes, votre œil consterné n'aperçoit que leurs assassins ; que les tigres dégouttant encore de leur sang, et dont l'affreuse présence vous reproche votre insensibilité et votre coupable lenteur à les venger. Qu'attendez-vous pour apaiser leurs mânes ? Songez que vous avez voulu que vos restes reposassent auprès de ceux de vos pères, quand vous avez chassé la tyrannie ; descendrez-vous dans leurs tombes sans les avoir vengés ? Non ! leurs ossements repousseraient les vôtres.
Et vous, hommes précieux, généraux intrépides, qui, insensibles à vos propres malheurs, avez ressuscité la liberté, en lui prodiguant tout votre sang, sachez que vous n'avez rien fait, si vous ne donnez aux nations un exemple terrible, mais juste, de la vengeance que doit exercer un peuple fier d'avoir recouvré sa liberté et jaloux de la maintenir ; effrayons tous ceux qui oseraient tenter de nous la ravir encore ; commençons par les Français ... Qu'ils frémissent en abordant nos côtes, sinon par le souvenir des cruautés qu'ils y ont exercées, au moins par la résolution terrible que nous allons prendre de dévouer à la mort quiconque né
français souillerait de son pied sacrilège le territoire de la liberté.
Nous avons osé être libres, osons l'être par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Imitons l'enfant qui grandit : son propre poids brise la lisière qui lui devient inutile et l'entrave dans sa marche. Quel peuple a combattu pour nous ? quel peuple voudrait recueillir les fruits de nos travaux ? Et quelle déshonorante absurdité que de vaincre pour être esclaves. Esclaves ! ... laissons aux Français cette épithète qualificative : ils ont vaincu pour cesser d'être libres.
Marchons sur d'autres traces ; imitons ces peuples qui, portant leurs sollicitudes jusques sur l'avenir, et appréhendant de laisser à la postérité l'exemple de la lâcheté, ont préféré être exterminés que rayés du nombre des peuples libres.
Gardons-nous, cependant, que l'esprit de prosélytisme ne détruise notre ouvrage ; laissons en paix respirer nos voisins ; qu'ils vivent paisiblement sous l'égide des lois qu'ils se sont faites, et n'allons pas, boutefeux révolutionnaires, nous érigeant en législateurs des Antilles, faire consister notre gloire à troubler le repos des îles qui nous avoisinent ; elles n'ont point, comme celle que nous habitons, été arrosées du sang innocent de leurs habitants ; elles n'ont point de vengeance à exercer contre l'autorité qui les protège.
Heureuses de n'avoir jamais connu les idéaux qui nous ont détruits, elles ne peuvent que faire des vœux pour notre prospérité.
Paix à nos voisins ; mais anathème au nom français, haine éternelle à la France : voilà notre cri.
Indigènes d'Haïti ! mon heureuse destinée me réservait à être un jour la sentinelle qui dût veiller à la garde de l'idole à laquelle vous sacrifiez ; j'ai veillé, combattu quelquefois seul, et si j'ai été assez heureux pour remettre en vos mains le dépôt sacré que vous m'avez confié, songez que c'est à vous maintenant à le conserver. En combattant pour votre liberté, j'ai travaillé à mon propre bonheur. Avant de la consolider par des lois qui assurent votre libre individualité, vos chefs, que j'assemble ici, et moi-même, nous vous devons la dernière preuve de notre dévouement.
Généraux, et vous chefs, réunis ici près de moi pour le bonheur de notre pays, le jour est arrivé, ce jour qui doit éterniser notre gloire, notre indépendance.
S'il pouvait exister parmi nous un cœur tiède, qu'il s'éloigne et tremble de prononcer le serment qui doit nous unir. Jurons à l'univers entier, à la postérité, à nous-mêmes, de renoncer à jamais à la France et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination ; de combattre jusqu'au dernier soupir pour l'Indépendance de notre pays.
Et toi, peuple trop longtemps infortuné, témoin du serment que nous prononçons, souviens-toi que c'est sur ta constance et ton courage que j'ai compté quand je me suis lancé dans la carrière de la liberté pour y combattre le despotisme et la tyrannie contre lesquels tu luttais depuis 14 ans. Rappelle-toi que j'ai tout sacrifié pour voler à ta défense : parents, enfants, fortune, et que maintenant je ne suis riche que de ta liberté ; que mon nom est devenu en horreur à tous les peuples qui veulent l'esclavage, et que les despotes et les tyrans ne le prononcent qu'en maudissant le jour qui m'a vu naître ; et si jamais tu refusais ou recevais en murmurant les lois que le génie qui veille à tes destins me dictera pour ton bonheur, tu mériterais le sort des peuples ingrats. Mais loin de moi cette affreuse idée ; tu seras le soutien de la liberté que tu chéris et l'appui du chef qui te commande. Prête donc entre mes mains le serment de vivre libre et indépendant, et de préférer la mort à tout ce qui tendrait à te remettre sous le joug. Jure enfin de poursuivre à jamais les traîtres et les ennemis de ton indépendance.
Fait au quartier général des Gonaïves, le premier janvier mil-huit cent-quatre, l'an ler de l'Indépendance.

Signé : J.J. DESSALINES



ACTE DE L'INDÉPENDANCE
Armée indigène


Aujourd'hui, ler janvier 1804, le Général en Chef de l'armée indigène, accompagné des généraux de l'armée, convoqués à l'effet de prendre les mesures qui doivent tendre au bonheur du pays ;
Après avoir fait connaître aux généraux assemblés ses véritables intentions, d'assurer à jamais aux indigènes d'Haïti, un gouvernement stable, objet de sa plus vive sollicitude ; ce qu'il a fait par un discours qui tend à faire connaître aux puissances étrangères, la résolution de rendre le pays indépendant, et de jouir d'une liberté consacrée par le sang du peuple de cette île ; et après avoir recueilli les avis, a demandé que chacun des généraux assemblés prononçât le serment de renoncer à jamais à la France, de mourir plutôt que de vivre sous sa domination, et de combattre jusqu'au dernier soupir pour l'Indépendance.
Les généraux, pénétrés de ces principes sacrés, après avoir donné d'une voix unanime leur adhésion au projet bien manifesté d'indépendance, ont tous juré à la postérité, à l'Univers, de renoncer à jamais à la France, et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination.

Fait aux Gonaïves, ce ler janvier 1804 et le l er de l'Indépendance d'Haïti.

Signé : Dessalines, général en chef ; Christophe, Pétion, Clervaux, Geffrard, Vernet, Gabart, généraux de division ; P. Romain, E. Gérin, F. Capoix, Daut, J.L. François, Férou, Cangé, L. Bazelais, Magloire Ambroise, J.J. Herne, Toussaint Brave, Yayou, généraux de brigade ; Bonnet, F. Papalier, Morelly, Chevalier, Marion, adjudants-généraux ; Magny, Roux, chefs de brigade ; Charéron, B. Loret, Qenez, Makajoux, Dupui, Carbonne, Diaquoi aîné, Raphaël, Mallet, Derenoncourt, officiers de l'armée ; et Boisrond Tonnerre, secrétaire.
°
M.G. Benoist ; Portrait d'une Négresse, 1800



PROCLAMATION DES GÉNÉRAUX
Au nom du Peuple d'Haïti

Nous généraux et chefs des armées de l'île d'Hayti, pénétrés de reconnaissance des bienfaits que nous avons éprouvés du général en chef Jean-Jacques Dessalines, le protecteur de la liberté dont jouit le peuple ; au nom de la liberté, au nom de l'Indépendance, au nom du peuple qu'il a rendu heureux, nous le proclamons Gouverneur général à vie de l'île d'Hayti ; nous jurons d'obéir aveuglément aux lois émanées de son autorité, la seule que nous reconnaîtrons ; nous lui donnons le droit de faire la paix, la guerre, de nommer son successeur.

Fait au quartier général des Gonaïves, le 1er janvier 1804, 1er jour de l'Indépendance.

Signé : Gabart, P. Romain, J.J. Herne, Capoix, Christophe, Geffrard, E. Gérin, Vernet, Pétion, Clervaux, J.L François, Cangé, Férou, Yayou, Toussaint Brave, Magloire Ambroise, L. Bazelais.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

...Quoi ??? Z'auriez préféré du Rimbaud ???...............