mercredi 27 février 2008

Le supplice de Damiens...



Damiens avait été condamné, le 26 mars 1757, à « faire amende honorable devant la principale porte de l’Église de Paris », où il devait être « mené et conduit dans un tombereau, nu, en chemise, tenant une torche de cire ardente du poids de deux livres ; et là, à genoux, dire et déclarer que méchamment et proditoirement, il a commis le très méchant, très abominable et très détestable parricide, et blessé le Roi d’un coup de couteau dans le côté droit, ce dont il se repend et demande pardon à Dieu, au Roi et à la Justice ;
Ce fait, mené et conduit dans ledit tombereau à la Place de Grève ; et sur un échafaud qui y sera dressé, tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras de jambes, sa main droite, tenant en icelle le couteau dont il a commis ledit parricide, brûlée de feu de souffre ; et, sur les endroits où il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix-résine fondue, de la cire et du soufre fondus ensemble ;
Et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux, et ses membres et corps consumés au feu, réduits en cendre, et ses cendres jetées au vent ».






« Enfin on l'écartela, raconte la gazette d'Amsterdam. Cette dernière opération fut très longue, parce que les chevaux dont on se servait n'étaient pas accoutumés à tirer ; en sorte qu'au lieu de quatre, il en fallut mettre six ; et cela ne suffisant pas encore, on fut obligé pour démembrer les cuisses du malheureux, de lui couper les nerfs et de lui hacher les jointures...

« On assure que quoiqu'il eût toujours été grand jureur, il ne lui échappa aucun blasphème ; seulement les excessives douleurs qui lui faisaient pousser d'horribles cris, et souvent il répéta : Mon Dieu, ayez pitié de moi ; Jésus, secourez-moi. Les spectateurs furent très édifiés de la sollicitude du curé de Saint-Paul qui malgré son grand âge ne perdait aucun moment pour consoler le patient. »

Et l'exempt Bouton : « On a allumé le soufre, mais le feu était si médiocre que la peau du dessus de la main seulement n'en a été que fort peu endommagée. Ensuite un exécuteur, les manches troussées jusqu'au dessus des coudes, a pris des tenailles d'acier faites exprès, d'environ un pied et demi de long, l'a tenaillé d'abord au gras de la jambe droite, puis à la cuisse, de là aux deux parties du gras du bras droit ; ensuite aux mamelles. Cet exécuteur quoique fort et robuste a eu beaucoup de peine à arracher les pièces de chair qu'il prenait dans ses tenailles deux ou trois fois du même côté en tordant, et ce qu'il emportait formait à chaque partie une plaie de la grandeur d'un écu de six livres.

« Après ces tenaillements, Damiens qui criait beaucoup sans cependant jurer, levait la tête et se regardait ; le même tenailleur a pris avec une cuillère de fer dans la marmite de cette drogue toute bouillante qu'il a jetée en profusion sur chaque plaie. Ensuite, on a attaché avec des cordages menus les cordages destinés à atteler aux chevaux, puis les chevaux attelés dessus à chaque membre le long des cuisses, jambes et bras.







« Le sieur Le Breton, greffier, s'est approché plusieurs fois du patient, pour lui demander s'il avait quelque chose à dire. A dit que non ; il criait comme on dépeint les damnés, rien n'est à le dire, à chaque tourment : « Pardon, mon Dieu ! Pardon Seigneur. » Malgré toutes ces souffrances ci-dessus, il levait de temps en temps la tête et se regardait hardiment. Les cordages si forts serrés par les hommes qui tiraient les bouts lui faisaient souffrir des maux inexprimables. Le sieur Le Breton s'est encore approché de lui et lui a demandé s'il ne voulait rien dire ; a dit non. Les confesseurs se sont approchés à plusieurs et lui ont parlé longtemps ; il baisait de bon gré le crucifix qu'ils lui présentaient ; il allongeait les lèvres et disait toujours : « Pardon, Seigneur. »

« Les chevaux ont donné un coup de collier, tirant chacun un membre en droiture, chaque cheval tenu par un exécuteur. Un quart d'heure après, même cérémonie, et enfin après plusieurs reprises on a été obligé de faire tirer les chevaux, savoir : ceux du bras droit à la tête, ceux des cuisses en retournant du côté des bras, ce qui lui a rompu les bras aux jointures. Ces tiraillements ont étés répétés plusieurs fois sans réussite. Il levait la tête et se regardait. On a été obligé de remettre deux chevaux, devant ceux attelés aux cuisses, ce qui faisait six chevaux. Point de réussite.

« Enfin l'exécuteur Samson a été dire au sieur Le Breton qu'il n'y avait pas de moyen ni espérance d'en venir à bout, et lui dit de demander à Messieurs s'ils voulaient qu'il le fît couper en morceaux. Le sieur Le Breton, descendu de la ville a donné ordre de faire de nouveaux efforts, ce qui a été fait ; mais les chevaux se sont rebutés et un de ceux attelés aux cuisses est tombé sur le pavé. Les confesseurs revenus lui ont parlé encore. Il leur disait (je l'ai entendu) : « Baisez-moi, Messieurs. » Le sieur curé de Saint-Paul n'ayant osé, le sieur de Marsilly a passé sous la corde du bras gauche et l'a été baiser sur le front. Les exécuteurs s'unirent entre eux et Damiens leur disait de ne pas jurer, de faire leur métier, qu'il ne leur en voulait pas ; les priait de prier Dieu pour lui, et recommandait au curé de Saint-Paul de prier pour lui à la première messe.

« Après deux ou trois tentatives, l'exécuteur Samson et celui qui l'avait tenaillé ont tiré chacun un couteau de leur poche et ont coupés les cuisses au défaut du tronc du corps, les quatre chevaux étant à plein collier ont emportés les deux cuisses après eux, savoir : celle du côté droit la première, l'autre ensuite ; ensuite en a été fait autant aux bras et à l'endroit des épaules et aisselles et aux quatre parties ; il a fallu couper les chairs jusque presque aux os, les chevaux tirant à plein collier ont emporté le bras droit le premier et l'autre après.

« Ces quatre parties retirées, les confesseurs sont descendus pour lui parler ; mais son exécuteur leur a dit qu'il était mort, quoique la vérité était que je voyais l'homme s'agiter, et la mâchoire inférieure aller et venir comme s'il parlait. L'un des exécuteurs a même dit peu après que lorsqu'ils avaient relevé le tronc du corps pour le jeter sur le bûcher, il était encore vivant. Les quatre membres détachés des cordages des chevaux ont été jetés sur un bûcher préparé dans l'enceinte en ligne droite de l'échafaud, puis le tronc et le tout ont été ensuite couvert de bûches et de fagots, et le feu mis dans la paille mêlée à ce bois.

« ... En exécution de l'arrêt, le tout a été réduit en cendres. Le dernier morceau trouvé dans les braises n'a été fini d'être consumé qu'à dix heures et demie et plus du soir. Les pièces de chair et le tronc ont étés environ quatre heures à brûler. Les officiers au nombre desquels j'étais, ainsi que mon fils, avec des archers par forme de détachements sommes restés sur la place jusqu'à près de onze heures.

« On veut tirer des conséquences sur ce qu'un chien s'était couché le lendemain sur le pré où était le foyer, en avait été chassé à plusieurs reprises, y revenant toujours. Mais il n'est pas difficile de comprendre que cet animal trouvait cette place plus chaude qu'ailleurs. »


D'après Michel Foucault ; Surveiller et punir, 1975





5 commentaires:

Anonyme a dit…

...

Je vais vomir, je reviens après ...

Anonyme a dit…

Je ne l'ai pas lu, me doutant bien que ce serait atroce ! (après le p'tit déj, les détails sanglants de l'inventivité humaine, me font toujours gerber !)

Anonyme a dit…

Ben moa j'arrive, toute pimpante, en me disant : il est vrai que cela fait longtemps que je n'ai point été visiter l'Ogre, et, dans mon inestimable naïveté, je lis ! Et... les mots me manquent !...

J'ose espérer que vous ne faites pas subir ce sort à vos déjeuners ! Parce que, qu'on se le dise : fallait être sincèrement frappé de la cafetière pour apprécier ce genre de spectacle ! Rien qu'à la lecture, on a envie de vomir, alors à la représentation... beurk.

Anonyme a dit…

...Qu'est-ce qui faut pas raconter pour obtenir des commentaires...

Anonyme a dit…

C'est mon prof d'hidtoire contemporaine de Droit qui m'a dit de lire cette hsitoire pour faire voir a quelle point la justice a l'époque était démesurée...Dites vous bien que certaines actions de ce genre ont été réalisées alors qu'au final il n'y étaient pour rien ! Quand a Damiens, le petit détail non dit sur ce site e qu'il a essayé une tentative! Donc c encore plus faible qu'une tentative! Que se serait il passé si il avait reussit....

Bonne journée a tous