lundi 28 janvier 2008

Conte pour le jour...

Saint-Louis du Sénégal - 1925


La saison des amours




C'était la fin de l'hivernage, les arbres bourgeonnaient et les fleurs sauvages exhalaient leur parfum entêtant. Dans les moindres recoins, la brousse bruissait des ardeurs des animaux, heureux de s'ébattre dehors après les grandes pluies.
Dès que Kéma, le singe, s'approchait de sa femme, elle le rabrouait par ces mots :
-Ne me raconte pas d'histoires, je n'ai pas le temps. Avec tous les enfants que tu m'as donnés, je n'ai pas de temps à perdre avec tes boniments.
Le singe battit en retraite, Non loin d'un buisson, il découvrit M'Bolo le lièvre qui contait fleurette à Édodi, la biche. Le singe rentra chez lui pour faire la même chose avec son épouse, mais il se fit expulser hors de l'arbre.
Le lendemain soir, Kéma revint près du buisson et n'en crut pas ses yeux : Cette fois, le lièvre admirait la lune en compagnie de la femme de Nayolo, la hyène, qui riait de plaisir. Le singe voulut proposer la même chose à son épouse, qui le repoussa de nouveau.
Le surlendemain, M'Bolo cueillit des fleurs avant de se rendre près du buisson où l'attendait sa femme. Il lui offrit le bouquet et elle lui sauta au cou en le câlinant.
Le singe, lui aussi, rentra chez lui avec de jolies fleurs de toutes les couleurs, mais sa femme les lui jeta à la figure.
-Tu joues à quoi là ? Va-t'en d'ici, si tu n'as que ça à faire ! Dit-elle en lui tournant le dos.
Kéma, qui ne dormit pas de la nuit, n'attendit pas que le jour se lève pour frapper à la porte du lièvre.
-Oh, M'Bolo, quel est donc ce secret qui fait qu'aucune femelle ne te résiste ? Je t'ai vu faire et j'ai essayé la même chose avec ma femme, mais elle n'a rien voulu savoir, confessa-t-il.
M'Bolo, qui n'était pas encore réveillé, répondit :
-Je me sers de mes grandes oreilles, c'est tout.
-Comment ça ? Je ne comprends pas ce que tu dis, gémit le singe.
-Il faut entendre les femmes, elles disent parfois d'une façon bizarre ce qu'elle attendent de nous.
-Parle clairement.
-Chacune est différente. Tu vois, il y a quelques jours, Édodi, la biche, faisait savoir que jamais, au grand jamais, elle ne poserait son beau regard sur un lièvre. Mais l'histoire que je lui ai racontée était si belle qu'elle m'a quand même regardé.
La femme de Nayolo, la hyène, répétait, avec trop d'insistance pour être honnête, qu'elle ne voudrait jamais qu'un minus comme moi ose lui adresser la parole, surtout à la nuit tombée. J'ai réussi à la faire rire. Quand à ma propre épouse, elle avait décidé une fois pour toutes qu'on n'avait rien à faire dehors ensemble. Mais mes fleurs l'ont comblée !
Le singe retourna chez lui. Il prit le temps de parler à son épouse, lui expliqua qu'il la trouvait plus belle encore à chaque nouvelle saison... Il fit des courses, lui cueillit des fleurs, trouvant des idées pour la faire rire... Elle ne protesta pas lorsqu'il vint tout près...
« Ce M'Bolo est un vrai chaud lapin, il connait le secret des femmes », pensa Kéma.



Ébokéa - Sagesse et malices de M'Bolo, le lièvre d'Afrique





Mama Casset ; Dakar, Sénégal - 1955

5 commentaires:

link886 a dit…

Hummm étrange sentiment à la lecture de conte...je ne sais pas pourquoi... Mais bien écrit !!

Anonyme a dit…

... Vous vous êtes encore une fois couché tard ... Il est bien connu que les chauds lapins ont un don pour attraper leurs "victimes", mais de là à affirmer qu'ils connaissent le secret des femmes ...

Je suis même persuadée du contraire.

Anonyme a dit…

Je me disais aussi qu'il y avait dans l'air comme un avant-goût de printemps...

null a dit…

Oh oui ! Le printemps, le printemps ! ^^

Anonyme a dit…

Je suis bien d'accord avec la Damoiselle en rouge. Les beaux parleurs ne s'y connaissent guère, ils simulent.
Maintenant, peut-être qu'il plait aux femmes de leur faire croire que la naïveté les enveloppe... Mais qui est peut-être dupe celui qui croyait duper ! hihi