L'Afrique divisée en ses principaux États. A Paris, chez Delamarche, Geo. (ca. 1800)
L'Afrique est le
continent des mystères : sur les cartes de Strabon et des anciens en
général, nous la voyons, à part une étroite lisière au nord,
marquée comme un océan de sable, comme une région désolée que
les ardeurs du soleil de Libye rendent inhabitable aux mortels. Après
les découvertes du XVe et du XVIe siècle, malgré quelques
renseignements obtenus par les Portugais sur la partie centrale de
cet énorme continent, l'on continua d'ignorer ce qu'était
l'Afrique, tant sous le point de vue de la géographie que sous celui
de l'histoire et des mœurs des peuples qui l'habitent. Pendant un
certain temps nos connaissances semblaient même rétrograder, et nos
idées sur la direction des montagnes et des cours d'eau furent moins
exactes que celles de Ptolémée. On continua à couvrir de déserts
inhabitables et de sables arides presque tout ce haut plateau de
l'Afrique centrale, qui semble, au contraire, d'après les
découvertes modernes, être plus peuplé que plus d'une contrée de
l'Europe. Enfin, de nos jours, de longs et hardis voyages entrepris
dans l'intérieur de l'Afrique par des voyageurs et de courageux
missionnaires ont largement étendu le champ de nos connaissances ;
révélé au monde l'existence[s] de peuplades aux mœurs étranges,
les unes tout à fait abruties, les autres singulièrement
développées en civilisation ; signalé l'existence de fleuves
magnifiques, de lacs immenses et pittoresques, de montagnes
volcaniques, de forêts splendides, et jusqu'à des cimes couvertes
de neiges éternelles, là où nos pères supposaient que le soleil
dévore de ses feux un sable aride et désolé. On comprend combien
il est intéressant de suivre pas à pas les explorateurs dans ces
régions si neuves, si originales, si fortement accentuées, surtout
lorsque ces explorateurs ne vont pas seulement à la conquête de
l'inconnu, mais a la conquête des âmes ; lorsqu'ils portent, avec
la boussole du voyageur et le trousseau du naturaliste, la croix
sainte du missionnaire. L'intérêt s'exalte encore lorsqu'on
réfléchit aux dangers de toute nature qui menacent l'Européen dans
ses hardies tentatives, et à la persistante énergie qu'il doit
déployer au milieu des obstacles sans nombre qui se dressent contre
lui. En effet, si quelques personnes superficielles ont pu s'imaginer
qu'un voyage d'exploration dans l'intérieur de l'Afrique n'est guère
plus difficile que nos excursions à travers l'Europe sillonnée de
chemins de fer, trop d'exemples déplorables nous ont aujourd'hui
mieux renseignés sur ce point. Elle est longue la liste des hommes
énergiques enlevés à la science par la passion de la géographie
africaine, depuis Mungo-Park jusqu'à Richardson, Overweg, Vogel ;
jusqu'à Petit, Dillon, Maïzan, Brun-Rollet, Vayssiére, Knoblecher,
Vinco ; jusqu'à Roscher, Cuny, Barnim ; jusqu'au docteur Peney,
tombé en 1861 sur ces routes fatales, sans compter ceux qui n'ont
rapporté en Europe que des déceptions achetées au prix de leur
santé détruite !
Major Serpa Pinto -LTM 1881 - Comment j'ai traversé l'Afrique (1877-1878) -
"Les trois chefs ou Sovas, princes du Dombé", dessin de E. Bayard
"Les trois chefs ou Sovas, princes du Dombé", dessin de E. Bayard
L'Européen qui aborde le
continent mystérieux de l'Afrique se trouve tout d'abord aux prises
avec le mahométisme, gardien jaloux de cette malheureuse terre,
qu'il s'efforce d'étouffer dans ses bras. Obligé de se joindre à
quelqu'une de ces lentes caravanes de marchands et de pèlerins qui
sillonnent périodiquement l'Afrique intérieure dans tous les sens,
entretenant la vie religieuse et commerciale chez les tribus les plus
reculées, il aura à lutter à la fois contre la défiance et la
cupidité des marchands arabes, qui craignent de voir la concurrence
européenne s'installer sur leurs marchés, et contre l'exaltation
religieuse des farouches hadjis ou pèlerins de la Mecque, dont la
haine contre le nom chrétien vient de se retremper au sanctuaire de
l'islamisme. Il n'est pas d'avanies, d'humiliations, de trahisons,
qu'il n'ait à redouter de ces deux classes de voyageurs, si par
hasard ils ne tentent pas de l'assassiner. Lorsque, après avoir
échappé à ce danger, il atteint les peuplades nègres où le
mahométisme n'a pas encore chassé l’idolâtrie, il pourrait, là
du moins, espérer un accueil hospitalier, si partout les crimes des
chasseurs d'esclaves n'avaient soulevé ces races primitivement
craintives et bienveillantes, et ne leur avaient appris l'astuce, le
mensonge et le meurtre. Le guide qui accompagne le voyageur le trompe
; le chef de tribu qui reçoit ses présents le rançonne et
l'exploite ; le foyer qui l'accueille le trahit. Il trouve un ennemi
non moins redoutable dans le climat : sa route traverse-t-elle les
déserts, un soleil de feu pendant le jour, réverbéré par des
sables brûlants que soulève le vent mortel du midi, le manque
d'eau, des nuits glaciales, la perspective monotone d'us horizon
désolé qu'aucune verdure n'anime, la fatigue du voyage, et les
secousses insupportables du chameau : tout cela amène inévitablement
cette terrible fièvre africaine, à laquelle l'Européen doit payer
son tribut. Plus malsaine encore est la traversée des basses régions
tropicales pendant la saison des pluies, où l'action puissante du
soleil sur un sol détrempé communique à la vie végétale une
activité exubérante, en même temps qu'elle dégage des immenses
détritus organiques des miasmes perfides qui tuent aussi sûrement
que la flèche empoisonnée du sauvage. La fièvre, le choléra,
l'ophthalmie, la dyssenterie, les horribles accès cataleptiques du
kychyomachyoma : telles sont les perspectives agréables qui flottent
dans l'imagination du voyageur, embellies par la perspective de la
dent des bêtes féroces et de la morsure des reptiles venimeux.
V. Colomieu Voyage dans le sahara algérien [1862] - Le Tour du Monde, 1863 -
Touareg en tenue de combat, dessin de Alfred Courchevel
Touareg en tenue de combat, dessin de Alfred Courchevel
Lorsque, dans les récits
des hardis explorateurs du Nil et de l'Afrique tropicale, on a suivi
le progrès de nos connaissances géographiques, que l'on s'est
convaincu qu'il y a là un champ magnifique ouvert à l'activité
européenne, que l'on sait au prix de quelles souffrances, de quelle
ténacité, de quelles pertes ces résultats nous ont été acquis,
on ne refuse plus son admiration à ceux qui se sont voués à ces
explorations terribles.
Le dernier voyage de Livingstone (1866-1873) -TDM 1875 -"Les derniers miles" dessin de Riou
Sans embrasser ce sujet
dans toute son étendue, nous nous proposons d'esquisser ici
quelques-uns des voyages les plus récents et les plus curieux
effectués dans l'Afrique [du dix-neuvième siècle] (1).
White Baker - LTM 1867 - Voyage à l'Albert N'Yanza (Lac Albert). (1861-1864) -
"La bienvenue à notre retour" - dessin de A. de Neuville
"La bienvenue à notre retour" - dessin de A. de Neuville
L'Afrique inconnue –
Récits et aventures des voyageurs modernes au Soudan oriental –
par P. Gilbert, professeur à l'Université de Louvain, Alfred Mame et fils éditeurs
– 6e édition - 1879 -
par P. Gilbert, professeur à l'Université de Louvain, Alfred Mame et fils éditeurs
– 6e édition - 1879 -
p. [5]-10
Émile Holub, TDM 1883 - Au pays des marutsés (1875-1879) -
"Visite des reines" - Dessin de D. Maillart
(À suivre...)
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