[...] Vercingetorix, Celtilli filius, Aruernus, summae potentiae adulescens, cuius pater principatum Galliae totius obtinuerat et ob eam causam, quod regnum appetebat, ab ciuitate erat interfectus, conuocatis suis clientibus facile incendit. Cognito eius consilio ad arma concurritur. Prohibetur ab Gobannitione, patruo suo, reliquisque principibus, qui hanc temptandam fortunam non existimabant ; expellitur ex oppido Gergouia ; non desistit tamen atque in agris habet delectum egentium ac perditorum. Hac coacta manu quoscumque adit ex ciuitate ad suam sententiam perducit ; hortatur ut communis libertatis causa arma capiant, magnisque coactis copiis aduersarios suos, a quibus paulo ante erat eiectus, expellit ex ciuitate. Rex ab suis appellatur. Dimittit quoque uersus legationes ; obtestatur ut in fide maneant. Celeriter sibi Senones, Parisios, Pictones, Cadurcos, Turonos, Aulercos, Lemouices, Andos reliquosque omnes qui Oceanum adtingunt adiungit ; omnium consensu ad eum defertur imperium. Qua oblata potestate omnibus his ciuitatibus obsides imperat, certum numerum militum ad se celeriter adduci iubet, armorum quantum quaeque ciuitas domi quodque ante tempus efficiat constituit ; in primis equitatui studet. Summae diligentiae summam imperii seueritatem addit ; magnitudine supplicii dubitantes cogit. Nam maiore commisso delicto igni atque omnibus tormentis necat, leuiore de causa auribus desectis aut singulis effossis oculis domum remittit, ut sint reliquis documento et magnitudine poenae perterreant alios. [...]
[...] un jeune Arverne très puissant, Vercingétorix, fils de Celtillos, qui avait tenu le premier rang dans la Gaule, et que sa cité avait fait mourir parce qu'il visait à la royauté, assemble ses clients et les échauffe sans peine. Dès que l'on connaît son dessein, on court aux armes ; son oncle Gobannitio, et les autres chefs qui ne jugeaient pas à propos de courir une pareille chance, le chassent de la ville de Gergovie. Cependant il ne renonce pas à son projet, et lève dans la campagne un corps de vagabonds et de misérables. Suivi de cette troupe, il amène à ses vues tous ceux de la cité qu'il rencontre ; il les exhorte à prendre les armes pour la liberté commune. Ayant ainsi réuni de grandes forces, il expulse à son tour du pays les adversaires qui, peu de temps auparavant, l'avaient chassé lui-même. On lui donne le titre de roi, et il envoie des députés réclamer partout l'exécution des promesses que l'on a faites. Bientôt il entraîne les Sénons, les Parisii, les Pictons, les Cadurques, les Turons, les Aulerques, les Lémovices, les Andes, et tous les autres peuples qui bordent l'océan : tous s'accordent à lui déférer le commandement. Revêtu de ce pouvoir, il exige des otages de toutes les cités, donne ordre qu'on lui amène promptement un certain nombre de soldats, et règle ce que chaque cité doit fabriquer d'armes, et l'époque où elle les livrera. Surtout il s'occupe de la cavalerie ; à l'activité la plus grande il joint la plus grande sévérité ; il détermine les incertains par l'énormité des châtiments ; un délit grave est puni par le feu et par toute espèce de tortures ; pour les fautes légères il fait couper les oreilles ou crever un œil, et renvoie chez eux les coupables pour servir d'exemple et pour effrayer les autres par la rigueur du supplice. [...]
Statue de Vercingétorix sur le site présumé d'Alésia à Alise-Sainte-Reine en Bourgogne
Les Héduens et Vercingétorix
La nouvelle de la défection des Héduens propagea la guerre. Des députations sont envoyées sur tous les points ; crédit, autorité, argent, tout est mis en usage pour gagner les différents états. Nantis des otages que César avait déposés chez eux, ils menacent de les faire périr pour effrayer ceux qui hésitent. Les Héduens invitent Vercingétorix à venir conférer avec eux sur les moyens de faire la guerre. II se rend à leur prière ; mais ils prétendent qu'on leur défère le commandement en chef ; et comme il leur est disputé, on convoque une assemblée de toute la Gaule à Bibracte. On s'y rend en foule de toutes parts. La question est soumise aux suffrages de la multitude, et tous confirment le choix de Vercingétorix comme généralissime. On ne vit point à cette assemblée les Rèmes, les Lingons, les Trévires : les deux premiers peuples, parce qu'ils restaient fidèles aux Romains ; les Trévires, parce qu'ils étaient trop éloignés et pressés en outre par les Germains, ce qui fut cause qu'ils ne prirent aucune part à la guerre, et gardèrent la neutralité. Les Héduens souffraient vivement de se voir dépouillés du commandement ; ils déplorèrent le changement de leur fortune, et regrettèrent la bienveillance de César envers eux ; mais, comme la guerre était commencée, ils n'osèrent séparer leur cause de celle des autres Gaulois. Ce ne fut qu'à regret qu'Éporédorix et Viridomaros, jeunes gens de la plus haute espérance, obéirent à Vercingétorix.
Portrait de Jules Cesar ; fouilles du Rhône, Arles
Plans de VercingétorixIl exige des otages des autres nations, fixe le jour où ils lui seront livrés, ordonne la prompte réunion de toute la cavalerie, forte de quinze mille hommes ; et annonce "qu'il se contente de l'infanterie qu'il a déjà ; qu'il ne veut pas tenter le sort des armes en bataille rangée ; qu'avec une cavalerie nombreuse il lui sera très facile de couper les vivres aux Romains et de gêner leurs fourrageurs ; que seulement les Gaulois se résignent à détruire leurs récoltes et à incendier leurs demeures, et ne voient dans ces pertes domestiques que le moyen de recouvrer à jamais leur indépendance et leur liberté." Les choses ainsi réglées, il ordonne aux Héduens et aux Ségusiaves, limitrophes de la province, de lever dix mille fantassins ; il y ajoute huit cents cavaliers. Il confie le commandement de ces troupes au frère d'Éporédorix, et lui dit de porter la guerre chez les Allobroges. D'un autre côté, il envoie les Gabales et les plus proches cantons des Arvernes, ravager le territoire des Helviens, ainsi que les Rutènes et les Cadurques celui des Volques Arécomiques. En même temps, et par des messages secrets, il sollicite les Allobroges, espérant que les ressentiments de la dernière guerre n'y étaient pas encore éteints. Il promet aux chefs de l'argent, et à la nation la souveraineté de toute la province.
Bracelets en verre - Mathay Mandeure (Doubs)
César fait venir des cavaliers germains
Pour résister à toutes ces attaques, le lieutenant L. César n'avait à distribuer, comme garnison, sur tout le territoire de la province, que vingt-deux cohortes tirées de cette province même. Les Helviens attaquent spontanément leurs voisins, sont défaits, perdent C. Valérius Domnotaurus, fils de Caburus, chef de leur nation, et sont repoussés dans les murs de leurs villes. Les Allobroges, ayant établi près du Rhône des postes nombreux, mettent beaucoup de zèle et de diligence dans la défense de leur territoire. César, voyant que l'ennemi lui est supérieur en cavalerie, qu'il lui ferme tous les chemins, et qu'il n'y a nul moyen de tirer des secours de l'Italie ni de la province, envoie au-delà du Rhin, en Germanie, vers les peuples qu'il avait soumis les années précédentes, et leur demande des cavaliers et de ces fantassins armés à la légère, accoutumés à se mêler avec la cavalerie dans les combats. À leur arrivée, ne trouvant pas assez bien dressés les chevaux dont ils se servaient, il prit ceux des tribuns, des autres officiers, et même des chevaliers romains et des vétérans, et les distribua aux Germains.
Emmanuel Frémiet - Cavalier gaulois
Défaite de la cavalerie gauloise
Pendant le temps employé à toutes ces choses, les corps ennemis envoyés par les Arvernes et la cavalerie levée dans tous les états de la Gaule, se réunirent. Se voyant à la tête de troupes si nombreuses, et tandis que César se dirigeait vers les Séquanes par l'extrême frontière des Lingons, pour porter plus facilement du secours à la province, Vercingétorix vint, en trois campements, prendre position à environ dix mille pas des Romains ; et ayant convoqué les chefs de la cavalerie, il leur dit : "Que le moment de vaincre est venu ; que les Romains s'enfuient dans leur province et abandonnent la Gaule ; que c'est assez pour la liberté du moment, trop peu pour la paix et le repos de l'avenir ; qu'ils ne manqueront pas de revenir avec de plus grandes forces, et ne mettront point de terme à la guerre. Il faut donc les attaquer dans l'embarras de leur marche ; si les fantassins viennent au secours de leur cavalerie et sont ainsi arrêtés, ils ne pourront achever leur route ; si (ce qui lui paraît plus probable), ils abandonnent leurs bagages pour ne pourvoir qu'à leur sûreté, ils perdront, outre l'honneur, leurs ressources les plus indispensables. Quant à leurs cavaliers, aucun d'eux n'osera seulement s'avancer hors des lignes ; on ne doit pas même en douter. Du reste, pour inspirer encore plus de courage à ses troupes, et plus de crainte à l'ennemi, il rangera toute l'armée en avant du camp." Les cavaliers s'écrient qu'il faut que chacun s'engage par le serment le plus sacré à ne plus entrer dans sa maison, à ne plus revoir ses enfants, sa famille, sa femme, s'il n'a traversé deux fois les rangs de l'ennemi.
On approuve la proposition, et tous prêtent ce serment. Le lendemain, la cavalerie est partagée en trois corps, dont deux se montrent sur nos ailes, tandis que le centre se présente de front à notre avant-garde pour lui fermer le passage. Instruit de ces dispositions, César forme également trois divisions de sa cavalerie, et la fait marcher contre l'ennemi. Le combat s'engage de tous les côtés à la fois ; l'armée fait halte ; les bagages sont placés entre les légions. Si nos cavaliers fléchissent sur un point, ou sont trop vivement pressés, César y fait porter les enseignes et marcher les cohortes, ce qui arrête les ennemis dans leur poursuite et ranime nos soldats par l'espoir d'un prompt secours. Enfin, les Germains, sur le flanc droit, gagnent le haut d'une colline, en chassent les ennemis, les poursuivent jusqu'à une rivière où Vercingétorix s'était placé avec son infanterie, et en tuent un grand nombre. Témoins de cette défaite, les autres Gaulois, craignant d'être enveloppés, prennent la fuite. Ce ne fut plus partout que carnage. Trois Héduens de la plus haute distinction sont pris et amenés à César : Cotos, commandant de la cavalerie, qui dans les derniers comices avait été en concurrence avec Convictolitavis ; Cavarillos, qui, après la défection de Litaviccos, avait reçu le commandement de l'infanterie ; et Éporédorix, que les Héduens, avant l'arrivée de César, avaient eu pour chef dans leur guerre contre les Séquanes.
Statère arverne en or à la légende Vercingétorix
Vercingétorix à Alésia. César le suit
Voyant toute sa cavalerie en fuite, Vercingétorix fit rentrer les troupes qu'il avait rangées en avant du camp, et prit aussitôt le chemin d'Alésia, qui est une ville des Mandubiens, après avoir fait, en toute hâte, sortir du camp les bagages, qui le suivirent. César laissa ses équipages sur un coteau voisin, les commit à la garde de deux légions, poursuivit l'ennemi tant que le jour dura, lui tua environ trois mille hommes de l'arrière-garde, et campa le lendemain devant Alésia. Ayant reconnu la situation de la ville, et voyant les ennemis consternés de la défaite de leur cavalerie, qu'ils regardaient comme la principale force de leur armée, il exhorta les siens au travail et fit commencer les lignes de circonvallation.
Casque gaulois détail du paquet de Gauloises, Jacno modèle 1936
Le site d'Alésia. Positions des deux armées
Cette place était située au sommet d'une montagne, dans une position si élevée qu'elle semblait ne pouvoir être prise que par un siège en règle. Au pied de cette montagne coulaient deux rivières de deux côtés différents. Devant la ville s'étendait une plaine d'environ trois mille pas de longueur ; sur tous les autres points, des collines l'entouraient, peu distantes entre elles et d'une égale hauteur. Sous les murailles, le côté qui regardait le soleil levant était garni, dans toute son étendue, de troupes gauloises ayant devant elles un fossé et une muraille sèche de six pieds de haut. La ligne de circonvallation formée par les Romains occupait un circuit de onze mille pas. Notre camp était assis dans une position avantageuse, et l'on y éleva vingt-trois forts, dans lesquels des postes étaient placés pendant le jour pour prévenir toute attaque subite ; on y tenait aussi toute la nuit des sentinelles et de fortes garnisons.
Portrait de César sur l'un des denier de L. Flaminius Chilo (43 av. JC)
Défaite de la cavalerie gauloise
Pendant les travaux, il y eut un combat de cavalerie dans cette plaine entrecoupée de collines et qui s'étendait dans un espace de trois mille pas, comme nous l'avons dit plus haut. L'acharnement fut égal de part et d'autre. Les nôtres commençant à souffrir, César envoya les Germains pour les soutenir, et plaça les légions en avant du camp, en cas que l'infanterie ennemie fit subitement quelque tentative. Cet appui des légions releva le courage de nos cavaliers ; les Gaulois mis en fuite s'embarrassent par leur nombre et s'entassent aux portes trop étroites qui leur restent. Alors les Germains les poursuivent vivement jusqu'à leurs retranchements ; on en fait un grand carnage. Plusieurs abandonnant leurs chevaux, essaient de traverser le fossé et de franchir le mur. César fait faire un mouvement en avant aux légions qu'il avait placée à la tête du camp. Ce mouvement porte l'effroi parmi les Gaulois même qui étaient derrière les retranchements ; croyant qu'on arrive sur eux, ils crient aux armes ; quelques-uns se précipitent tout effrayés dans la ville. Vercingétorix fait fermer les portes, de peur que le camp ne soit tout à fait abandonné. Ce ne fut qu'après avoir tué beaucoup de monde et pris un grand nombre de chevaux, que les Germains se retirèrent.
Vue aérienne du mont Auxois, site de la bataille d'Alésia
Vercingétorix renvoie ses cavaliers et demande du secours
Vercingétorix, avant que les Romains eussent achevé leur circonvallation, prit la résolution de renvoyer de nuit toute sa cavalerie. Avant le départ de ces cavaliers, il leur recommande "d'aller chacun dans leur pays, et d'enrôler tous ceux qui sont en âge de porter les armes ; il leur rappelle ce qu'il a fait pour eux, les conjure de veiller à sa sûreté et de ne pas l'abandonner, lui qui a bien mérité de la liberté commune, à la merci d'ennemis cruels ; leur négligence entraînerait, avec sa perte, celle de quatre-vingt mille hommes d'élite ; il n'a de compte fait, de vivres que pour trente jours au plus ; mais il pourra, en les ménageant, tenir un peu plus longtemps." Après ces recommandations, il fait partir en silence sa cavalerie ; à la seconde veille, par l'intervalle que nos lignes laissaient encore. II se fait apporter tout le blé de la ville, et établit la peine de mort contre ceux qui n'obéiront pas ; quant au bétail dont les Mandubiens avaient rassemblé une grande provision, il le distribue par tête ; le grain est mesuré avec épargne et donné en petite quantité ; il fait rentrer dans la ville toutes les troupes qui campaient sous ses murs. C'est par ces moyens qu'il se prépare à attendre les secours de la Gaule et à soutenir la guerre.
Plan du siège d'Alésia
Travaux de César autour d'Alésia
Instruit de ces dispositions par les transfuges et les prisonniers, César arrêta son plan de fortification comme il suit. Il fit creuser un fossé large de vingt pieds, dont les côtés étaient à pic et la profondeur égale à la largeur. Tout le reste des retranchements fut établi à quatre cents pieds en arrière de ce fossé ; il voulait par là (car on avait été obligé d'embrasser un si grand espace, que nos soldats n'auraient pu aisément en garnir tous les points) prévenir les attaques subites ou les irruptions nocturnes, et garantir durant le jour nos travailleurs des traits de l'ennemi. Dans cet espace, César tira deux fossés de quinze pieds de large et d'autant de profondeur ; celui qui était intérieur et creusé dans un terrain bas et inculte, fut rempli d'eau tirée de la rivière. Derrière ces fossés, il éleva une terrasse et un rempart de douze pieds ; il y ajouta un parapet et des créneaux, et fit élever de grosses pièces de bois fourchues à la jonction du parapet et du rempart, pour en rendre l'abord plus difficile aux ennemis. Tout l'ouvrage fut flanqué de tours, placées à quatre-vingts pieds l'une de l'autre.
Vercingétorix sur une statère d'or
Il fallait dans le même temps aller chercher du bois et des vivres, et employer aux grands travaux des retranchements les troupes, diminuées de celles qu'on employait au loin. Souvent encore les Gaulois essayaient de troubler nos travailleurs, et faisaient par plusieurs portes les sorties les plus vigoureuses.César jugea donc nécessaire d'ajouter quelque chose à ces retranchements, afin qu'un moindre nombre de soldats pût les défendre. À cet effet, on coupa des troncs d'arbres et de fortes branches, on les dépouilla de leur écorce et on les aiguisa par le sommet ; puis on ouvrit une tranchée de cinq pieds de profondeur, où l'on enfonça ces pieux qui, liés par le pied de manière à ne pouvoir être arrachés, ne montraient que leur partie supérieure. Il y en avait cinq rangs, joints entre eux et entrelacés ; quiconque s'y était engagé s'embarrassait dans leurs pointes aiguës - nos soldats les appelaient des ceps -. Au devant, étaient disposés obliquement en quinconce des puits de trois pieds de profondeur, lesquels se rétrécissaient peu à peu jusqu'au bas. On y fit entrer des pieux ronds de la grosseur de la cuisse, durcis au feu et aiguisés à l'extrémité, qui ne sortaient de terre que de quatre doigts ; et pour affermir et consolider l'ouvrage, on foula fortement la terre avec les pieds : le reste était recouvert de ronces et de broussailles, afin de cacher le piège. On avait formé huit rangs de cette espèce, à trois pieds de distance l'un de l'autre : on les nommait des lis à cause de leur ressemblance avec cette fleur. En avant du tout étaient des chausses-trappes d'un pied de long et armées de pointes de fer, qu'on avait fichées en terre ; on en avait mis partout, à de faibles distances les unes des autres ; on les appelait des aiguillons.
Ce travail fini, César fit tirer dans le terrain le plus uni que pût offrir la nature des lieux, et dans un circuit de quatorze mille pas, une contrevallation du même genre, mais du côté opposé, contre l'ennemi du dehors. Il voulait qu'en cas d'attaque, pendant son absence, les retranchements ne pussent être investis par une multitude nombreuse. Enfin, pour prévenir les dangers auxquels les troupes pourraient être exposées en sortant du camp, il ordonna que chacun se pourvût de fourrage et de vivres pour trente jours.
Canthare d'argent trouvé lors de fouilles à Alésia
L'armée gauloise de secours
Pendant que ces choses se passaient devant Alésia, les principaux de la Gaule, réunis en assemblée, avaient résolu, non d'appeler aux armes tous ceux qui étaient en état de les porter, comme le voulait Vercingétorix, mais d'exiger de chaque peuple un certain nombre d'hommes ; ils craignaient, dans la confusion d'une si grande multitude, de ne pouvoir ni la discipliner, ni se reconnaître, ni se nourrir. Il fut réglé que les divers états fourniraient, savoir les Héduens, avec leurs clients les Ségusiaves, les Ambivarétes, les Aulerques Brannovices, les Blannovii, trente-cinq mille hommes ; les Arvernes avec les peuples de leur ressort, tels que les Eleutètes, les Cadurques, les Gabales, et les Vellavii, un pareil nombre ; les Sénons, les Séquanes, les Bituriges, les Santons, les Rutènes, les Carnutes, chacun douze mille ; les Bellovaques, dix mille ; les Lémoviques, autant ; les Pictons, les Turons, les Parisii, les Helvètes, huit mille chacun ; les Ambiens, les Médiomatrices, les Petrocorii, les Nerviens, les Morins, les Nitiobroges, chacun cinq mille ; les Aulerques Cénomans, autant ; les Atrébates, quatre mille ; les Véliocasses, les Lexovii, les Aulerques Eburovices, chacun trois mille, les Rauraques avec les Boïens, mille ; vingt mille à l'ensemble des peuples situés le long de l'Océan, et que les Gaulois ont l'habitude d'appeler Armoricains, au nombre desquels sont les Curiosolites, les Redons, les Ambibarii, les Calètes, les Osismes, les Lémovices, les Vnelles. Les Bellovaques seuls refusèrent leur contingent, alléguant qu'ils voulaient faire la guerre aux Romains en leur nom et à leur gré, sans recevoir d'ordres de personne. Cependant, sur les instances de Commios, leur allié, ils envoyèrent deux mille hommes.
Evariste-Vital Luminais (1822-1896) - Les éclaireurs gaulois
C'était ce même Commios dont César, ainsi que nous l'avons dit plus haut, s'était servi comme d'un agent fidèle et utile dans la guerre de Bretagne, quelques années auparavant ; et en reconnaissance de ses services, César avait affranchi sa nation de tout tribut, lui avait rendu ses droits et ses lois et assujetti les Morins. Mais tel fut l'empressement universel des Gaulois pour recouvrer leur liberté et reconquérir leur ancienne gloire militaire, que ni les bienfaits ni les souvenirs de l'amitié ne purent les toucher, et que nul sacrifice ne coûta à leur zèle, puisqu'ils rassemblèrent huit mille cavaliers et environ deux cent quarante mille fantassins. Ces troupes furent passées en revue et le dénombrement en fut fait sur le territoire des Héduens ; on leur choisit des chefs, et le commandement général fut confié à l'Atrébate Commios, aux Héduens Viridomaros et Eporédorix, et à l'Arverne Vercassivellaunos, cousin de Vercingétorix. On leur donna un conseil, formé de membres pris dans chaque cité, pour diriger la guerre. Tous partent vers Alésia, pleins d'ardeur et de confiance ; aucun ne croyait qu'il fût possible de soutenir seulement l'aspect d'une si grande multitude, surtout dans un double combat où les Romains seraient à la fois pressés par les sorties des assiégés, et enveloppés en dehors par tant de cavalerie et d'infanterie.
« Combat de Romains et de Gaulois », huile sur toile d'Evariste-Vital Luminais (1822 -1896)
Discours de Critognatos
Cependant les Gaulois assiégés dans Alésia, voyant que le jour où ils attendaient du secours était expiré, et que tout leur blé était consommé, ignorant d'ailleurs ce qui se passait citez les Héduens, s'étaient assemblés en conseil et délibéraient sur le parti qu'ils avaient à prendre. Parmi les diverses opinions, dont les unes voulaient qu'on se rendît et les autres qu'on tentât une sortie vigoureuse tandis qu'il leur restait encore assez de forces, l'on ne peut, ce me semble, passer sous silence le discours de Critognatos, à cause de sa singulière et horrible cruauté. C'était un Arverne d'une naissance élevée et qui jouissait d'une haute considération. "Je ne parlerai pas, dit-il, de l'avis de ceux qui appellent du nom de capitulation le plus honteux esclavage ; et je pense qu'on ne doit, ni les compter au nombre des citoyens, ni les admettre dans cette assemblée. Je ne m'adresse qu'à ceux qui proposent une sortie, et dont l'opinion, comme vous le reconnaissez tous, témoigne qu'ils se souviennent encore de notre antique valeur. Mais il y a plutôt de la faiblesse que du courage à ne pouvoir supporter quelques jours de disette. Les hommes qui s'offrent à la mort sans hésitation sont plus faciles à trouver que ceux qui savent endurer la douleur. Et moi aussi je me rangerais à cet avis (tant l'honneur a sur moi d'empire), si je n'y voyais de péril que pour notre vie ; mais, dans le parti que nous avons à prendre, considérons toute la Gaule que nous avons appelée à notre secours. Lorsque quatre-vingt mille hommes auront péri dans cette tentative, quel courage pensez-vous que conservent nos parents et nos proches, s'ils ne peuvent, pour ainsi dire, combattre que sur nos cadavres ? Gardez-vous donc de priver de votre soutien ceux qui n'ont pas craint de s'exposer pour votre salut, et, par précipitation, par imprudence, par pusillanimité, n'allez pas livrer toute la Gaule à l'avilissement d'un perpétuel esclavage. Parce que vos auxiliaires ne sont pas arrivés au jour fixé, douteriez-vous de leur foi et de leur constance ? Eh quoi ! quand les Romains travaillent tous les jours à des retranchements nouveaux, pensez-vous que ce soit seulement pour se tenir en haleine ? Si tout chemin vous est fermé par où vous pourriez avoir de leurs nouvelles, les Romains eux-mêmes ne vous assurent-ils pas de leur arrivée prochaine par ces travaux de jour et de nuit qui montrent assez la crainte qu'ils en ont ? Quel est donc mon avis ? De faire ce que firent nos ancêtres dans leurs guerres, bien moins funestes, contre les Cimbres et les Teutons. Forcés, comme nous, de se renfermer dans leurs villes, en proie à la disette, ils soutinrent leur vie en se nourrissant de la chair de ceux que leur âge rendait inutiles à la guerre ; et ils ne se rendirent point. Si nous n'avions pas reçu cet exemple, je dirais que, pour la cause de la liberté, il serait glorieux de le donner à nos descendants. Quelle guerre en effet peut-on comparer à celle-ci ? Les Cimbres, après avoir ravagé la Gaule, et lui avoir fait de grands maux, sortirent enfin de notre territoire, et gagnèrent d'autres contrées ; ils nous laissèrent nos droits, nos lois, nos champs, notre liberté ! Mais que demandent les Romains ? Que veulent-ils ? L'envie les amène contre tous ceux dont la renommée leur a fait connaître la gloire et la puissance dans la guerre ; ils veulent s'établir sur leur territoire, dans leurs villes, et leur imposer le joug d'une éternelle servitude. Car ils n'ont jamais fait la guerre dans d'autres vues. Que si vous ignorez comment ils se conduisent chez les nations éloignées, voyez cette partie de la Gaule qui vous touche ; réduite en province, privée de ses droits et de ses lois, soumise aux haches romaines, elle gémit sous le poids d'un esclavage qui ne doit pas finir.
François-Émile Ehrmann (1833-1910) - Vercingétorix lance un appel aux Gaulois pour la défence d'Alésia, 1869
Expulsion des non-combattants
Les avis ayant été recueillis, il fut arrêté que ceux qui, à raison de leur santé ou de leur âge, ne pouvaient rendre de service à la guerre, sortiraient de la place, et qu'on tenterait tout avant d'en venir au parti proposé par Critognatos. On décida toutefois que, si l'on y était contraint et si les secours se faisaient trop attendre, on le suivrait plutôt que de se rendre ou de subir la loi des Romains. Les Mandubiens, qui les avaient reçus dans leur ville, sont forcés d'en sortir avec leurs enfants et leurs femmes. Ils s'approchent des retranchements des Romains, et, fondant en larmes, ils demandent, ils implorent l'esclavage et du pain. Mais César plaça des gardes sur le rempart, et défendit qu'on les reçût.
Statue équestre de Vercingétorix, par Bartholdi (1834-1904), place de Jaude à Clermont-Ferrand
Arrivée de l'armée de secours
Cependant Commios et les autres chefs, investis du commandement suprême, arrivent avec toutes leurs troupes devant Alésia, et prennent position sur l'une des collines qui entourent la plaine, à la distance de mille pas au plus de nos retranchements. Ayant le lendemain fait sortir la cavalerie de leur camp, ils couvrent toute cette plaine que nous avons dit avoir trois mille pas d'étendue, et tiennent, non loin de là, leurs troupes de pied cachées sur des hauteurs. On voyait d'Alésia tout ce qui se passait dans la campagne. À la vue de ce secours, on s'empresse, on se félicite mutuellement, et tous les esprits sont dans la joie. On fait sortir toutes les troupes, qui se rangent en avant de la place ; on comble le premier fossé ; on le couvre de claies et de terre, et on se prépare à la sortie et à tous les événements.
Denier (48 av. J.-C.)- AVERS : LII. Tête diadémée de Clémente à droite. REVERS : CAESAR. Trophée accolé d'un apex et d'un bouclier.
Victoire de la cavalerie romaine
César, ayant rangé l'armée tout entière sur l'une et l'autre de ses lignes, afin qu'au besoin chacun connût le poste qu'il devait occuper, fit sortir de son camp la cavalerie, à laquelle il ordonna d'engager l'affaire. Du sommet des hauteurs que les camps occupaient, on avait vue sur le champ de bataille, et tous les soldats, attentifs au combat, en attendaient l'issue. Les Gaulois avaient mêlé à leur cavalerie un petit nombre d'archers et de fantassins armés à la légère, tant pour la soutenir si elle pliait, que pour arrêter le choc de la nôtre. Plusieurs de nos cavaliers, surpris par ces fantassins, furent blessés et forcés de quitter la mêlée. Les Gaulois, croyant que les leurs avaient le dessus, et que les nôtres étaient accablés par le nombre, se mirent, assiégés et auxiliaires, à pousser de toutes parts des cris et des hurlements pour encourager ceux de leur nation. Comme l'action se passait sous les yeux des deux partis, nul trait de courage ou de lâcheté ne pouvait échapper aux regards, et l'on était de part et d'autre excité à se bien conduire, par le désir de la gloire et la crainte de la honte. On avait combattu depuis midi jusqu'au coucher du soleil, et la victoire était encore incertaine, lorsque les Germains, réunis sur un seul point, en escadrons serrés, se précipitèrent sur l'ennemi et le repoussèrent. Les archers, abandonnés dans cette déroute, furent enveloppés et taillés en pièces, et les fuyards poursuivis de tous côtés jusqu'à leur camp, sans qu'on leur donnât le temps de se rallier. Alors ceux qui étaient sortis d'Alésia, consternés et désespérant presque de la victoire, rentrèrent dans la place.
Denier de 46-45 av. JC représentant un trophé d'armes, une captive et un captif, légende : CAESAR (César)
Attaque infructueuse des lignes romaines
Après un jour employé par les Gaulois à faire une grande quantité de claies, d'échelles et de harpons, ils sortent silencieusement de leur camp au milieu de la nuit et s'approchent de ceux de nos retranchements qui regardaient la plaine. Tout à coup poussant des cris, signal qui devait avertir de leur approche ceux que nous tenions assiégés, ils jettent leurs claies, attaquent les gardes de nos remparts à coups de frondes, de flèches et de pierres, et font toutes les dispositions pour un assaut. Dans le même temps, Vercingétorix, entendant les cris du dehors, donne le signal avec la trompette et fait sortir les siens de la place. Nos soldats prennent sur le rempart les postes qui avaient été, les jours précédents, assignés à chacun d'eux, et épouvantent les ennemis par la quantité de frondes, de dards, de boulets de plomb, de pierres, qu'ils avaient amassés dans les retranchements, et dont ils les accablent. Comme la nuit empêchait de se voir, il y eut de part et d'autre beaucoup de blessés ; les machines faisaient pleuvoir les traits. Cependant les lieutenants M. Antonius et C. Trébonius, à qui était échue la défense des quartiers attaqués, tirèrent des forts plus éloignés quelques troupes pour secourir les légionnaires sur les points où ils les savaient pressés par l'ennemi.
Gaulois mourrant
Tant que les Gaulois combattirent éloignés des retranchements, ils nous incommodèrent beaucoup par la grande quantité de leurs traits ; mais lorsqu'ils se furent avancés davantage, il arriva ou qu'ils se jetèrent sur les aiguillons qu'ils ne voyaient pas, ou qu'ils se percèrent eux-mêmes en tombant dans les fossés garnis de pieux, ou enfin qu'ils périrent sous les traits lancés du rempart et des tours. Après avoir perdu beaucoup de monde, sans être parvenus à entamer les retranchements, voyant le jour approcher, et craignant d'être pris en flanc et enveloppés par les sorties qui se faisaient des camps situés sur les hauteurs, ils se replièrent sur les leurs. Les assiégés, qui mettaient en usage les moyens préparés par Vercingétorix pour combler le premier fossé, après beaucoup de temps employé à ce travail, s'aperçurent de la retraite de leurs compatriotes avant d'avoir pu approcher de nos retranchements. Abandonnant leur entreprise, ils rentrèrent dans la ville.
Détail du "Gaulois mourrant"
La lutte défensive
Repoussés deux fois avec de grandes pertes, les Gaulois tiennent conseil sur ce qui leur reste à faire. Ils ont recours à des gens qui connaissent le pays et se font instruire par eux du site de nos forts supérieurs et de la manière dont ils sont fortifiés. Il y avait au nord une colline qu'on n'avait pu comprendre dans l'enceinte de nos retranchements, à cause de son trop grand circuit ; ce qui nous avait obligés d'établir notre camp sur un terrain à mi-côte et dans une position nécessairement peu favorable. Là commandaient les lieutenants C. Antistius Réginus et C. Caninius Rébilus avec deux légions. Ayant fait reconnaître les lieux par leurs éclaireurs, les chefs ennemis forment un corps de soixante mille hommes, choisis dans toute l'armée gauloise et surtout parmi les nations qui avaient la plus haute réputation de courage. Ils arrêtent secrètement entre eux quand et comment ils doivent agir ; ils fixent l'attaque à l'heure de midi, et mettent à la tête de ces troupes l'Arverne Vercasivellaunos, parent de Vercingétorix, et l'un des quatre généraux gaulois. II sort de son camp à la première veille ; et ayant achevé sa route un peu avant le point du jour, il se cache derrière la montagne, et fait reposer ses soldats des fatigues de la nuit. Vers midi, il marche vers cette partie da camp romain dont nous avons parlé plus haut. Dans le même temps la cavalerie ennemie s'approche des retranchements de la plaine, et le reste des troupes : gauloises commence à se déployer en bataille à la tête du camp.
Du haut de la citadelle d'Alésia, Vercingétorix les aperçoit, et sort de la place, emportant du camp ses longues perches, ses galeries couvertes, ses faux et ce qu'il avait préparé, pour la sortie. Le combat s'engage à la fois de toutes parts avec acharnement ; partout on fait les plus grands efforts. Un endroit paraît-il faible, on s'empresse d'y courir. La trop grande étendue de leurs fortifications empêche les Romains d'en garder tous les points et de les défendre partout. Les cris qui s'élevaient derrière nos soldats leur imprimaient d'autant plus de terreur, qu'ils songeaient que leur sûreté dépendait du courage d'autrui ; car souvent le danger le plus éloigné est celui qui fait le plus d'impression sur les esprits.
Oppidum du mont Auxois en hiver, site de la bataille d'Alésia
César, qui avait choisi un poste d'où il pouvait observer toute l'action, fait porter des secours partout où il en est besoin. De part et d'autre on sent que ce jour est celui où il faut faire les derniers efforts. Les Gaulois désespèrent entièrement de leur salut, s'ils ne forcent nos retranchements ; les Romains ne voient la fin de leurs fatigues que dans la victoire. La plus vive action a lieu surtout aux forts supérieurs où nous avons vu que Vercasivellaunos avait été envoyé. L'étroite sommité qui dominait la pente était d'une grande importance. Les uns nous lancent des traits, les autres, ayant formé la tortue, arrivent au pied du rempart : des troupes fraîches prennent la place de celles qui sont fatiguées. La terre que les Gaulois jettent dans les retranchements les aide à les franchir, et comble les pièges que les Romains avaient cachés ; déjà les armes et les forces commencent à nous manquer.
Dès qu'il en a connaissance, César envoie sur ce point Labiénus avec six cohortes ; il lui ordonne, s'il ne peut tenir, de retirer les cohortes et de faire une sortie, mais seulement à la dernière extrémité. II va lui-même exhorter les autres à ne pas céder à la fatigue ; il leur expose que le fruit de tous les combats précédents dépend de ce jour, de cette heure. Les assiégés, désespérant de forcer les retranchements de la plaine, à cause de leur étendue, tentent d'escalader les hauteurs, et y dirigent tous leurs moyens d'attaque ; ils chassent par une grêle de traits ceux qui combattaient du haut des tours ; ils comblent les fossés de terre et de fascines, et se fraient un chemin ; ils coupent avec des faux le rempart et le parapet.
César y envoie d'abord le jeune Brutus avec six cohortes, ensuite le lieutenant C. Fabius avec sept autres ; enfin, l'action devenant plus vive, il s'y porte lui-même avec un renfort de troupes fraîches. Le combat rétabli et les ennemis repoussés, il se dirige vers le point où il avait envoyé Labiénus, tire quatre cohortes du fort le plus voisin, ordonne à une partie de la cavalerie de le suivre, et à l'autre de faire le tour des lignes à l'extérieur et de prendre les ennemis à dos. Labiénus, voyant que ni les remparts ni les fossés ne peuvent arrêter leur impétuosité, rassemble trente-neuf cohortes sorties des forts voisins et que le hasard lui présente, et dépêche à César des courriers qui l'informent de son dessein.
Le gaulois captif - Fouilles du Rhône, Arles
Victoire de César
César hâte sa marche pour assister à l'action. À son arrivée, on le reconnaît à la couleur du vêtement qu'il avait coutume de porter dans les batailles ; les ennemis, qui de la hauteur le voient sur la pente avec les escadrons et les cohortes dont il s'était fait suivre, engagent le combat. Un cri s'élève de part et d'autre, et est répété sur le rempart et dans tous les retranchements. Nos soldats, laissant de côté le javelot, tirent le glaive. Tout à coup, sur les derrières de l'ennemi, paraît notre cavalerie ; d'autres cohortes approchent ; les Gaulois prennent la fuite ; notre cavalerie barre le passage aux fuyards, et en fait un grand carnage. Sédullus, chef et prince des Lémovices, est tué, et l'Arverne Vercasivellaunos pris vivant dans la déroute. Soixante-quatorze enseignes militaires sont rapportées à César ; d'un si grand nombre d'hommes, bien peu rentrent au camp sans blessure. Les assiégés, apercevant du haut de leurs murs la fuite des leurs et le carnage qu'on en fait, désespèrent de leur salut, et retirent leurs troupes de l'attaque de nos retranchements. La nouvelle en arrive au camp des Gaulois, qui l'évacuent à l'instant. Si les soldats n'eussent été harassés par d'aussi nombreux engagements et par les travaux de tout le jour, l'armée ennemie eût pu être détruite tout entière. Au milieu de la nuit, la cavalerie, envoyée à la poursuite, atteint l'arrière-garde ; une grande partie est prise ou tuée ; le reste, échappé par la fuite, se réfugia dans les cités.
Henri Paul Motte (1846-1922) - Reddition de Vercingétorix, 1887
Reddition de Vercingétorix
Le lendemain Vercingétorix convoque l'assemblée, et dit : "Qu'il n'a pas entrepris cette guerre pour ses intérêts personnels, mais pour la défense de la liberté commune ; que, puisqu'il fallait céder à la fortune, il s'offrait à ses compatriotes, leur laissant le choix d'apaiser les Romains par sa mort ou de le livrer vivant." On envoie à ce sujet des députés à César. Il ordonne qu'on lui apporte les armes, qu'on lui amène les chefs. Assis sur son tribunal, à la tête de son camp, il fait paraître devant lui les généraux ennemis. Vercingétorix est mis en son pouvoir ; les armes sont jetées à ses pieds. À l'exception des Héduens et des Arvernes, dont il voulait se servir pour tâcher de regagner ces peuples, le reste des prisonniers fut distribué par tête à chaque soldat, à titre de butin.
Vercingétorix jette ses armes aux pieds de César, de Lionel Royer (1852-1926), 1899
Soumission des Héduens et des Arvernes. Quartiers d'hiver
Ces affaires terminées, il part pour le pays des Héduens, et reçoit leur soumission. Là, des députés envoyés par les Arvernes viennent lui promettre de faire ce qu'il ordonnera. César exige un grand nombre d'otages. Il met ses légions en quartiers d'hiver, et rend environ vingt mille captifs aux Héduens et aux Arvernes. Il fait partir T. Labiénus avec deux légions et la cavalerie pour le pays des Séquanes ; il lui adjoint M. Sempronius Rutilius. Il place C. Fabius et L. Minucius Basilus avec deux légions chez les Rèmes, pour les garantir contre toute attaque des Bellovaques, leurs voisins. Il envoie T. Antistius Réginus chez les Ambivarètes, T. Sextius chez les Bituriges, C. Caninius Rébilus chez les Rutènes, chacun avec une légion. II établit Q. Tullius Cicéron et P. Sulpicius dans les postes de Cabillon (Châlons) et de Matiscon (Mâcon), au pays des Héduens, sur la Saône, pour assurer les vivres. Lui-même résolut de passer l'hiver à Bibracte. Ces événements ayant été annoncés à Rome par les lettres de César, on ordonna vingt jours de prières publiques.
César, Guerre des Gaules, Livre VII
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