vendredi 15 mai 2009

Amours squelettiques ...







Je mourrai d'un cancer de la colonne vertébrale
Ça sera par un soir horrible
Clair, chaud, parfumé, sensuel
Je mourrai d'un pourrissement
De certaines cellules peu connues
Je mourrai d'une jambe arrachée
Par un rat géant jailli d'un trou géant
Je mourrai de cent coupures
Le ciel sera tombé sur moi
Ça se brise comme une vitre lourde
Je mourrai d'un éclat de voix
Crevant mes oreilles
Je mourrai de blessures sourdes
Infligées à deux heures du matin
Par des tueurs indécis et chauves
Je mourrai sans m'apercevoir
Que je meurs, je mourrai
Enseveli sous les ruines sèches
De mille mètres de coton écroulé
Je mourrai noyé dans l'huile de vidange
Foulé aux pieds par des bêtes indifférentes
Et, juste après, par des bêtes différentes
Je mourrai nu, ou vêtu de toile rouge
Ou cousu dans un sac avec des lames de rasoir
Je mourrai peut-être sans m'en faire
Du vernis à ongles aux doigts de pied
Et des larmes plein les mains
Et des larmes plein les mains
Je mourrai quand on décollera
Mes paupières sous un soleil enragé
Quand on me dira lentement
Des méchancetés à l'oreille
Je mourrai de voir torturer des enfants
Et des hommes étonnés et blêmes
Je mourrai rongé vivant
Par des vers, je mourrai les
Mains attachées sous une cascade
Je mourrai brûlé dans un incendie triste
Je mourrai un peu, beaucoup,
Sans passion, mais avec intérêt
Et puis quand tout sera fini
Je mourrai.

Boris Vian

3 commentaires:

  1. JE CRAINS PAS çA TELLMENT

    Je crains pas ça tellment la mort de mes entrailles
    et la mort de mon nez et celle de mes os
    Je crains pas ça tellment moi cette moustiquaille
    qu'on baptisa Raymond d'un père dit Queneau

    Je crains pas ça tellment où va la bouquinaille
    les quais les cabinets la poussière et l'ennui
    Je crains pas ça tellment moi qui tant écrivaille
    et distille la mort en quelques poésies

    Je crains pas ça tellment La nuit se coule douce
    entre les bords teigneux des paupières des morts
    Elle est douce la nuit caresse d'une rousse
    le miel des méridiens des pôles sud et nord

    Je crains pas cette nuit Je crains pas le sommeil
    absolu ; ça doit être aussi lourd que le plomb
    aussi sec que la lave aussi noir que le ciel
    aussi sourd qu'un mendiant bêlant au coin d'un pont

    Je crains bien le malheur le deuil et la souffrance
    et l'angoisse et la guigne et l'excès de l'absence
    Je crains l'abîme obèse où gît la maladie
    et le temps et l'espace et les torts de l'esprit

    Mais je crains pas tellment ce lugubre imbécile
    qui viendra me cueillir au bout de son curdent
    lorsque vaincu j'aurai d'un oeil vague et placide
    cédé tout mon courage aux rongeurs du présent

    Un jour je chanterai Ulysse ou bien Achille
    Enée ou bien Didon Quichotte ou bien Pança
    Un jour je chanterai le bonheur des tranquilles
    les plaisirs de la pêche ou la paix des villas

    Aujourd'hui bien lassé par l'heure qui s'enroule
    tournant comme un bourrin tout autour du cadran
    permettez mille excuz à ce crâne - une boule -
    de susurrer plaintif la chanson du néant

    Raymond QUENEAU (L'Instant fatal)

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  2. ... À mort là, j'suis épaté !!!
    Bravo et mille bises ...

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  3. ...Ah, et puis pour ç majuscule, c'est : alt 128 : Ç ... Merchi ...

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