Ce vendredi 15 janvier 2010, à 8h40 sur i-télé, Éric Woeth, ministre du budget, refusait de s'engager à verser le moindre cent à la République d'Haïti ... avant que ne soit organisé une "conférence internationale" d'ici à "plusieurs semaines" ...
Jean-Claude Bajeux, directeur du Centre Œcuménique des Droits Humains, à Port-au-Prince. Janvier 2010
Ti-Jean Sandor
Je suis Ti-Jean Sandor
Je suis le prince Sandor
Je suis un coq-pied-fin
Je suis Ti-Jean-pied-sec
Je perche mon cœur
Au sommet d'un palmier
Je sers des deux mains
Je marche à reculons
Bras croisés dans le dos
Je fais éclater devant moi
Des charges de poudre
Je laisse derrière moi
Un long sillage de chaînes
Je change mon cadet de West-Point
En un beau chien de race
Que je mords à l'oreille
Je suis un grand mangeur
De chiens blancs je suis
Un taureau à cent graines
Je change mon étudiant de Yale
En chaudière à trois pattes
Je suis bakoulou-baka
[...]
La haine ne quitte jamais mes os
Ni mon sang ni ma peau
Même quand la nuit je dors
Son astre noir ouvre en moi
Des yeux qui sont des griffes
Si on me laisse aller au bout
Dans ma nuit de fiel je lierai
Mes muscles à ceux du cyclone
Et des tremblements de terre
Pour engloutir ce Sud amer
Et l'autre Sud qu'on a ouvert
Au flanc de mon Afrique
O Haine ma grande santé
Je plonge mes tempes brûlantes
Dans le bleu glacé de tes ondes
Je plonge mon peuple tout nu
Dans ce fier courant lustral
Je plonge nos tigres nos lances
Nos plaies nos cris nos soifs
Nos plumes nos couteaux nos larmes
Dans cette trombe d'eau bénite
Et nous voici à jamais baptisés
Tous forçats noirs du monde
Nous voici enfin mûrs
Pour donner à nos complots
De grandes ailes blanches
Comme les orgies de la haine
Au cœur blanc du Sud !
René Depestre, Arc-en-ciel pour l'Occident chrétien, 1967
Josiah Wedgwood (1730-1795) est entre autres l'auteur du médaillon abolitionn iste représenta nt un esclave enchaîné :
Am I Not A Man and A Brother ? La phrase fut traduite par la Société des amis des Noirs (La Fayette, Condorcet, Clavière, Brissot... ) par « Ne suis-je pas ton frère ? ». Josiah Wedgwood était lui-même un fervent abolitionn iste.
Am I Not A Man and A Brother ? La phrase fut traduite par la Société des amis des Noirs (La Fayette, Condorcet, Clavière, Brissot...
À la veille de la Révolution française, la colonie française de Saint-Domingue, future Haïti, est d’une prospérité sans égale. Elle est le premier producteur mondial de sucre – avec plus de la moitié de la production – comme de café. Son commerce extérieur représente plus du tiers de celui de la France métropolitaine. Un Français sur huit en vit directement ou indirectement. Cette opulence est bâtie sur un système économique critiqué et une organisation sociale inhumaine. À la veille de la Révolution française, la population esclave y représente 500 000 personnes contre 30 000 Blancs, souvent eux-même de basse extraction ... Seule une petite élite constituée de riches planteurs, ou grands blancs issus de la noblesse ou de la bourgeoisie du grand négoce, dirige la foule des petits fonctionnaires, employés et ouvriers, appelés petits blancs et une multitude d'esclaves qui, à la veille de la Révolution sont plus de 30 000, chaque année, à débarquer sur l'île. L'espérance moyenne de vie de ces derniers, considérés comme "biens meubles" depuis le Code Noir, n'excède pas dix ans ...
Soulevés depuis le mois d'août 1791, les habitants de la partie française de l'île de Saint-Domingue (ancienne Hispaniola et future Haïti ...), dont une majorité d'esclaves, se battront, au prix de milliers de morts, notamment sous le commandement de Toussaint-Louverture (1746-1803), jusqu'à obtenir l'abolition de l'esclavage en 1793 et proclameront l'indépendance de l'île, le 1er janvier 1804, malgré une tentative de reprise en main et de rétablissement de l'esclavage par décision de N. Buonaparte, en 1802 et 1803, et la déportation puis la mort de Toussaint-Louverture en 1803 ...
"Bataille de la crête à Pierrot", 1802
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS, BONAPARTE, premier Consul, PROCLAME loi de la République le décret suivant, rendu par le Corps législatif le 30 floréal an X [1802], conformément à la proposition faite par le Gouvernement le 27 dudit mois, communiquée au Tribunat le même jour.
DÉCRET.
ART. I.er Dans les colonies restituées à la France en exécution du traité d'Amiens, du 6 germinal an X, l'esclavage sera maintenu conformément aux lois et réglemens antérieurs à 1789.
II. Il en sera de même dans les autres colonies françaises au-delà du Cap de Bonne-Espérance.
III. La traite des noirs et leur importation dans lesdites colonies, auront lieu, conformément aux lois et réglemens existans avant ladite époque de 1789.
IV. Nonobstant toutes lois antérieures, le régime des colonies est soumis, pendant dix ans, aux réglemens qui seront faits par le Gouvernement.
Collationné à l'original, par nous président et secrétaires du Corps législatif. A Paris, le 30 Floréal, an X de la République française. Signé RABAUT le jeune, président ; THIRY, BERGIER, TUPINIER, RIGAL, secrétaires.
SOIT la présente loi revêtue du sceau de l'État, insérée au Bulletin des lois, inscrite dans les registres des autorités judiciaires et administratives, et le ministre de la justice chargé d'en surveiller la publication. A Paris, le 10 Prairial, an X de la République.
Signé : BONAPARTE, premier Consul. Contre-signé, le secrétaire d'état, HUGUES B. MARET. Et scellé du sceau de l'État.
Vu, le ministre de la justice, signé ABRIAL.
January Suchodolsk i (1797-1875) ; La bataille de Saint-Domingue
Haiti, après des guerres sanglantes qui ont vu mourir plusieurs milliers de ses enfants, a proclamé le 1er Janvier 1804 son indépendance. Ces guerres ont ravagé les plantations, détruit les infrastructures, éliminé l’intelligentsia et les leaders pouvant œuvrer à la construction de la nation haïtienne de l’après “époque coloniale”. Cependant, Haïti, et ce, malgré la France, devient la première République Noire de l'histoire ...
1er janvier 1804
PROCLAMATION À LA NATION
Le Général en chef au Peuple d'Haïti
Citoyens,
Ce n'est pas assez d'avoir expulsé de votre pays les barbares qui l'ont ensanglanté depuis deux siècles ; ce n'est pas assez d'avoir mis un frein aux factions toujours renaissantes qui se jouaient tour à tour du fantôme de liberté que la France exposait à vos yeux : il faut, par un dernier acte d'autorité nationale, assurer à jamais l'empire de la liberté dans le pays qui nous a vu naître ; il faut ravir au gouvernement inhumain qui tient depuis longtemps nos esprits dans la torpeur la plus humiliante, tout espoir de nous réasservir, il faut enfin vivre indépendants ou mourir.
Indépendance ou la mort ... que ces mots sacrés nous rallient, et qu'ils soient le signal des combats et de notre réunion.
Citoyens, mes compatriotes, j'ai rassemblé dans ce jour solennel ces militaires courageux qui, à la veille de recueillir les derniers soupirs de la liberté, ont prodigué leur sang pour la sauver ; ces généraux qui ont guidé vos efforts contre la tyrannie n'ont point encore assez fait pour votre bonheur ... le nom français lugubre encore nos contrées.
Tout y retrace le souvenir des cruautés de ce peuple barbare : nos lois, nos mœurs, nos villes, tout encore porte l'empreinte française ; que dis-je ? il existe des Français dans notre île, et vous vous croyez libres et indépendants de cette République qui a combattu toutes les nations, il est vrai, mais qui n'a jamais vaincu celles qui ont voulu être libres.
Eh quoi ! victimes pendant quatorze ans de notre crédulité et de notre indulgence, vaincus non par des armées françaises, mais par la piteuse éloquence des proclamations de leurs agents : quand nous lasserons-nous de respirer le même air qu'eux ? Qu'avons-nous de commun avec ce peuple bourreau ? Sa cruauté comparée à notre patiente modération, sa couleur à la nôtre, l'étendue des mers qui nous séparent, notre climat vengeur, nous disent assez qu'ils ne sont pas nos frères, qu'ils ne le deviendront jamais, et que s'ils trouvent un asile parmi nous, ils seront encore les machinateurs de nos troubles et de nos divisions.
Citoyens indigènes, hommes, femmes, filles et enfants, portez vos regards sur toutes les parties de cette île : cherchez-y, vous, vos épouses ; vous, vos maris ; vous, vos frères ; vous, vos sœurs, que dis-je ? Cherchez-y vos enfants, vos enfants à la mamelle ; que sont-ils devenus ? ... je frémis de le dire ... la proie de ces vautours.
Au lieu de ces victimes intéressantes, votre œil consterné n'aperçoit que leurs assassins ; que les tigres dégouttant encore de leur sang, et dont l'affreuse présence vous reproche votre insensibilité et votre coupable lenteur à les venger. Qu'attendez-vous pour apaiser leurs mânes ? Songez que vous avez voulu que vos restes reposassent auprès de ceux de vos pères, quand vous avez chassé la tyrannie ; descendrez-vous dans leurs tombes sans les avoir vengés ? Non ! leurs ossements repousseraient les vôtres.
Et vous, hommes précieux, généraux intrépides, qui, insensibles à vos propres malheurs, avez ressuscité la liberté, en lui prodiguant tout votre sang, sachez que vous n'avez rien fait, si vous ne donnez aux nations un exemple terrible, mais juste, de la vengeance que doit exercer un peuple fier d'avoir recouvré sa liberté et jaloux de la maintenir ; effrayons tous ceux qui oseraient tenter de nous la ravir encore ; commençons par les Français ... Qu'ils frémissent en abordant nos côtes, sinon par le souvenir des cruautés qu'ils y ont exercées, au moins par la résolution terrible que nous allons prendre de dévouer à la mort quiconque né français souillerait de son pied sacrilège le territoire de la liberté.
Nous avons osé être libres, osons l'être par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Imitons l'enfant qui grandit : son propre poids brise la lisière qui lui devient inutile et l'entrave dans sa marche. Quel peuple a combattu pour nous ? quel peuple voudrait recueillir les fruits de nos travaux ? Et quelle déshonorante absurdité que de vaincre pour être esclaves. Esclaves ! ... laissons aux Français cette épithète qualificative : ils ont vaincu pour cesser d'être libres.
Marchons sur d'autres traces ; imitons ces peuples qui, portant leurs sollicitudes jusques sur l'avenir, et appréhendant de laisser à la postérité l'exemple de la lâcheté, ont préféré être exterminés que rayés du nombre des peuples libres.
Gardons-nous, cependant, que l'esprit de prosélytisme ne détruise notre ouvrage ; laissons en paix respirer nos voisins ; qu'ils vivent paisiblement sous l'égide des lois qu'ils se sont faites, et n'allons pas, boutefeux révolutionnaires, nous érigeant en législateurs des Antilles, faire consister notre gloire à troubler le repos des îles qui nous avoisinent ; elles n'ont point, comme celle que nous habitons, été arrosées du sang innocent de leurs habitants ; elles n'ont point de vengeance à exercer contre l'autorité qui les protège.
Heureuses de n'avoir jamais connu les idéaux qui nous ont détruits, elles ne peuvent que faire des vœux pour notre prospérité.
Paix à nos voisins ; mais anathème au nom français, haine éternelle à la France : voilà notre cri.
Indigènes d'Haïti ! mon heureuse destinée me réservait à être un jour la sentinelle qui dût veiller à la garde de l'idole à laquelle vous sacrifiez ; j'ai veillé, combattu quelquefois seul, et si j'ai été assez heureux pour remettre en vos mains le dépôt sacré que vous m'avez confié, songez que c'est à vous maintenant à le conserver. En combattant pour votre liberté, j'ai travaillé à mon propre bonheur. Avant de la consolider par des lois qui assurent votre libre individualité, vos chefs, que j'assemble ici, et moi-même, nous vous devons la dernière preuve de notre dévouement.
Généraux, et vous chefs, réunis ici près de moi pour le bonheur de notre pays, le jour est arrivé, ce jour qui doit éterniser notre gloire, notre indépendance.
S'il pouvait exister parmi nous un cœur tiède, qu'il s'éloigne et tremble de prononcer le serment qui doit nous unir. Jurons à l'univers entier, à la postérité, à nous-mêmes, de renoncer à jamais à la France et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination ; de combattre jusqu'au dernier soupir pour l'Indépendance de notre pays.
Et toi, peuple trop longtemps infortuné, témoin du serment que nous prononçons, souviens-toi que c'est sur ta constance et ton courage que j'ai compté quand je me suis lancé dans la carrière de la liberté pour y combattre le despotisme et la tyrannie contre lesquels tu luttais depuis 14 ans. Rappelle-toi que j'ai tout sacrifié pour voler à ta défense : parents, enfants, fortune, et que maintenant je ne suis riche que de ta liberté ; que mon nom est devenu en horreur à tous les peuples qui veulent l'esclavage, et que les despotes et les tyrans ne le prononcent qu'en maudissant le jour qui m'a vu naître ; et si jamais tu refusais ou recevais en murmurant les lois que le génie qui veille à tes destins me dictera pour ton bonheur, tu mériterais le sort des peuples ingrats. Mais loin de moi cette affreuse idée ; tu seras le soutien de la liberté que tu chéris et l'appui du chef qui te commande. Prête donc entre mes mains le serment de vivre libre et indépendant, et de préférer la mort à tout ce qui tendrait à te remettre sous le joug. Jure enfin de poursuivre à jamais les traîtres et les ennemis de ton indépendance.
Fait au quartier général des Gonaïves, le premier janvier mil-huit cent-quatre, l'an ler de l'Indépendance.
Signé : J.J. DESSALINES
ACTE DE L'INDÉPENDANCE
Armée indigène
Aujourd'hui, ler janvier 1804, le Général en Chef de l'armée indigène, accompagné des généraux de l'armée, convoqués à l'effet de prendre les mesures qui doivent tendre au bonheur du pays ;
Après avoir fait connaître aux généraux assemblés ses véritables intentions, d'assurer à jamais aux indigènes d'Haïti, un gouvernement stable, objet de sa plus vive sollicitude ; ce qu'il a fait par un discours qui tend à faire connaître aux puissances étrangères, la résolution de rendre le pays indépendant, et de jouir d'une liberté consacrée par le sang du peuple de cette île ; et après avoir recueilli les avis, a demandé que chacun des généraux assemblés prononçât le serment de renoncer à jamais à la France, de mourir plutôt que de vivre sous sa domination, et de combattre jusqu'au dernier soupir pour l'Indépendance.
Les généraux, pénétrés de ces principes sacrés, après avoir donné d'une voix unanime leur adhésion au projet bien manifesté d'indépendance, ont tous juré à la postérité, à l'Univers, de renoncer à jamais à la France, et de mourir plutôt que de vivre sous sa domination.
Fait aux Gonaïves, ce ler janvier 1804 et le l er de l'Indépendance d'Haïti.
Signé : Dessalines, général en chef ; Christophe, Pétion, Clervaux, Geffrard, Vernet, Gabart, généraux de division ; P. Romain, E. Gérin, F. Capoix, Daut, J.L. François, Férou, Cangé, L. Bazelais, Magloire Ambroise, J.J. Herne, Toussaint Brave, Yayou, généraux de brigade ; Bonnet, F. Papalier, Morelly, Chevalier, Marion, adjudants-généraux ; Magny, Roux, chefs de brigade ; Charéron, B. Loret, Qenez, Makajoux, Dupui, Carbonne, Diaquoi aîné, Raphaël, Mallet, Derenoncourt, officiers de l'armée ; et Boisrond Tonnerre, secrétaire.
PROCLAMATION DES GÉNÉRAUX
Au nom du Peuple d'Haïti
Nous généraux et chefs des armées de l'île d'Hayti, pénétrés de reconnaissance des bienfaits que nous avons éprouvés du général en chef Jean-Jacques Dessalines, le protecteur de la liberté dont jouit le peuple ; au nom de la liberté, au nom de l'Indépendance, au nom du peuple qu'il a rendu heureux, nous le proclamons Gouverneur général à vie de l'île d'Hayti ; nous jurons d'obéir aveuglément aux lois émanées de son autorité, la seule que nous reconnaîtrons ; nous lui donnons le droit de faire la paix, la guerre, de nommer son successeur.
Fait au quartier général des Gonaïves, le 1er janvier 1804, 1er jour de l'Indépendance.
Signé : Gabart, P. Romain, J.J. Herne, Capoix, Christophe, Geffrard, E. Gérin, Vernet, Pétion, Clervaux, J.L François, Cangé, Férou, Yayou, Toussaint Brave, Magloire Ambroise, L. Bazelais.
... Durant tout le 19ème siècle, de nombreux prêts ont été consentis. Ces prêts qui devaient servir à la construction d’une nation fraîchement libérée du joug de l’esclavage et ravagée par la guerre, n’ont servi qu’à renforcer le pouvoir de domination des classes bourgeoises. C’est l’époque de la "conspiration internationale" de la part des grandes puissances coloniales qui voyaient dans l’indépendance d’Haïti un mauvais exemple pour les autres colonies. Haiti était isolée du reste du monde. Elle devait emprunter de l’argent auprès des grandes puissances coloniales pour payer la dette de l’indépendance. Les conséquences de ce dénigrement de la part des "grandes puissances" se font sentir jusqu'à aujourd’hui.
En 1825, alors qu'éclatent au jour les maux de l’après guerre et que les couches défavorisées, notament les petits paysans, luttaient pour jouir des droits pour lesquels ils avaient combattu, le roi des français, Charles X, exige du gouvernement haïtien de Jean Pierre Boyer, le paiement d’une somme équivalent à 150 millions de francs-or (US$ 30 millions).
CHARLES, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut.
Vu les articles 14 et 73 de la Charte ;
Voulant pourvoir à ce que réclame l'intérêt du commerce français, les malheurs des anciens colons de Saint Domingue, et l'état précaire des habitants actuels de cette île ;
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er. Les ports de la partie française de Saint Domingue seront ouverts au commerce de toutes les nations.
Les droits perçus dans ces ports, soit sur les navires, soit sur les marchandises, tant à l'entrée qu'à la sortie, seront égaux et uniformes pour tous les pavillons, excepté le pavillon français, en faveur duquel ces droits seront réduits de moitié.
Art. 2. Les habitants actuels de la partie française de Saint Domingue verseront à la caisse fédérale des dépots et consignations de France, en cinq termes égaux, d'année en année, le premier échéant au 31 décembre 1825, la somme de cent cinquante millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité.
Art. 3. Nous concédons, à ces conditions, par la présente ordonnance, aux habitants actuels de la partie française de Saint Domingue, l'indépendance pleine et entière de leur gouvernement.
Et sera la présente ordonnance scellée du grand sceau.
Donné à Paris, au château des Tuileries, le 17 Avril de l'an de grâce 1825, et de notre règne le premier.
Le général Toussaint-Louverture
Le 17 avril 1825, l'ordonnance du roi Charles X de France reconnait donc l'indépendance de l'ancienne colonie contre une "indemnité d'indépendance" sous peine d'une nouvelle occupation française (... La France avait envoyé à cet effet une flotte armée de 14 vaisseaux, sur les côtes de l'île ...). Dès 1814, la partie haïtienne (président Pétion) avait proposé cette transaction à la France pour obtenir sa reconnaissance formelle, et sécuriser l'indépendance proclamée en 1804 ... (lors que cette somme élevée aurait pu servir à réparer les torts causés par les nombreuses années de guerre, à construire des écoles pour assurer l’éducation de plusieurs milliers d’enfants, à fournir des services de santé adéquats à la population, etc ...). En effet, pratiquement aucun pays n'a reconnu l'indépendance à cette date.
Yves Michaud ; Les filles de Madame Anna, 1992
L'indemnité, nous l'avons dit, est estimé a un montant négocié initial de 150 millions de francs, qui sera réduit à 90 millions en 1838, que les autorités haïtiennes finiront de payer en 1886, soit au bout de 61 ans ... Cette somme était destinée à dédommager les colons français pour leurs propriétés perdues. Mais seuls 11.000 des personnes indemnisées sur 25.000 sont d'anciens colons. Les autres sont des héritiers auxquels les banques françaises demandent le remboursement des prêts consentis à leurs parents pour l'achat de terres et d'esclaves. Ce seront donc finalement les banques françaises qui seront les principales bénéficiaires de cet odieux chantage.
Cliché anonyme, janvier 2010
Ce sont les exportations haïtiennes de l'année 1823 qui sont servis de base. Soit 30 millions de francs-or dont 15 millions ont été soustraits au titre des coûts de production. Il a ensuite été appliqué une règle française traditionnelle de valorisation des biens à 10 ans de revenus net d'exploitation, soit 150 millions. A cette époque il a été observé que cela représentait le seul montant total des exportations de la colonie en 1789. Il semble par ailleurs que le gouvernement haïtien comptait sur un trésor de 250 millions amassé par le roi Christophe, et sur le rendement des mines d'or de la partie Est de l'île qui venaient d'être occupé. Mais les exportations étaient en décroissance, seuls 10 millions du trésor de Christophe ont été récupéré, et les mines d'or se sont avérées épuisées. Par ailleurs l'excédent budgétaire du pays était très faible comme l'ont reconnu les banquiers prêteurs de l'État haïtien (banque Laffite ...)
Cliché, Greg ory Bull, janvier 2010
Il est estimé que c'est la charge très lourde de cette dette qui a conduit, en 1910, à l'achat d'une part importante de la Banque de la République d'Haïti par la banque américaine National City. Une opération qui sera le prélude à l'occupation américaine de l'île de 1915 à 1934. C'est en effet une plainte de non remboursement de dettes des banques américaines qui a formellement déclenchée l'opération.
Cliché anonyme, janvier 2010
Il est à noter que les États-Unis ont pris prétexte de l'accord haïtien sur le paiement de l'indemnité pour maintenir leur refus de reconnaissance de l'État d'Haïti. Une position qui est en relation avec le préjugé racial contre les noirs à l'époque, et la nouvelle doctrine Monroe. C'est seulement en 1862 que les États-Unis reconnaitront Haïti. Cette décision sous la présidence d'Abraham Lincoln coïncide avec sa Proclamation d'émancipation qui met fin à l'esclavage aux États-Unis.
Cliché, Juan Barreto, janvier 2010
le 7 avril 2003, conjointement avec des manifestations de rue du mouvement Lavalas qui scandent "Restitisyon", le président Aristide demande la restitution par la France de l'indemnité d'indépendance. Il estime son montant actualisé à environ 20 milliards d'Euros. Le 2 juin 2003 le président Jacques Chirac répond "j’ai la plus grande sympathie pour le pays et pour sa population . Et, nous avons de surcroît , une coopération importante et nous apportons à Haïti une aide non négligeable. Avant d’évoquer des contentieux de cette nature, je ne saurais trop conseiller aux autorités haitiennes d’être très vigilantes sur , je dirais , la nature criminelle et anti-démocratique de leurs actions et de leur régime". A la suite du départ d'Aristide en février 2004, le nouveau premier ministre, Gérard Latortue, déclare abandonner cette requête ...
4 commentaires:
Ouais, c'est vrai qu'on n'en cause pas beaucoup à l'ORTF de ce pillage en règle d'Haïti par la France tout d'abord, puis par les USA... C'est bizarre !
On préfère parler de la "malédiction" ou bien de l'"élan formidable de solidarité avec cette malheureuse île".
En attendant que les banquiers et autres entreprises de bâtiment emportent les appels d'offres pour la reconstruction...
Bizness is bizness et pendant les tsunamis ou les tremblements de terre, les affaires continuent.
... J'allais le dire !!!
N'empêche, les banquiers sont formidables ... Ils prêtent généreusement l'argent qu'ils ont extorqué à Haïti, pendant des siècles et avec intérêt, aux entreprises qui leur offriront de reconstruire l'île ...
Ah !!! Philanthropie, quand tu nous tiens !!!
Merci quand même
Vous avez ravagé fruits, lambourdes et fleurs
depuis noix, corossols jusqu'aux oranges aigres ;
tandis qu'en vos jardins rose, oeillet, staphysaigre
charment les yeux, merci pour la tonte coiffeurs !
Merci pour les dollars dont nous sentons l'odeur
mais qu'au léger de main vos poches réintègrent,
en quarante cinq ans l'esclavage des nègres
vous a donné profits et plaisirs sans douleurs.
Merci pour notre sol ravagé, les compères
qui pour notre bonheur s'emparent de nos terres,
merci pour votre usure, effroyables békés.
Merci pour nos enfants déguenillés et blêmes,
merci pour tous ces maux et quand vous extorquez
le Montant de vos prêts, merci, merci quand même !
Emile Roumer (1903-1988) - Poète Haïtien
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