L'exhortation, brève en raison des circonstances, par laquelle il [Guillaume] ranima le courage et l'ardeur de ses soldats fut très belle, nous n'en doutons pas, bien qu'on ne nous l'ait point transmise dans toute sa dignité. Il rappela aux Normands qu'en maints grands périls, sous sa conduite, ils avaient toujours été vainqueurs. Il leur rappela à tous leur patrie, leurs exploits, leur renommée « C'est maintenant que votre bras doit prouver de quelle force vous êtes doués, de quel courage vous êtes animé. Désormais, il ne s'agit plus de vivre en maîtres, mais d'échapper vivants d'un péril imminent. Si vous combattez virilement, victoire, honneur, richesses seront à vous ; sinon, ou vous vous laisserez égorger, ou, captifs, vous servirez les caprices des plus cruels ennemis. Ajoutez à cela l'opprobre éternel que vous encourrez. Pour fuir, nulle voie ne s'ouvre : d'un côté, les combats et un pays ennemi et inconnu barrent la route ; de l'autre, la mer et des combats encore. Il ne sied pas à des hommes de se laisser terrifier par le nombre. Maintes fois les Anglais, défaits par le fer ennemi, ont péri ; la plupart du temps, subjugués, ils ont dû se rendre à l'ennemi ; jamais ils ne se sont illustrés par de hauts faits d'armes. Des hommes inexperts au combat peuvent être écrasés sans difficulté par le courage et la force d'un petit nombre [de guerriers], alors surtout que le secours d'en haut ne peut manquer de soutenir une juste cause. Qu'ils osent seulement et ne reculent jamais, bientôt la victoire les réjouira. »
... Et hic episcopus cibu[m] et potum benedicit. Odo episcopus. Willelm. Rotbert. Tapisserie de Bayeux, XIe siècle
Voici dans quel ordre avantageux il s'avança derrière l'étendard que le pape lui avait envoyé. Il plaça en tête des fantassins armés de flèches et d'arbalètes ; des fantassins également au second rang, mais plus sûrs et revêtus d'une cuirasse ; au dernier rang, les escadrons de cavalerie, au milieu desquels il prit place avec l'élite ; de là, il pouvait diriger de toutes parts, de la voix et du geste. Si quelque auteur de l'Antiquité eût décrit l'armée de Harold, il eût relaté qu'à son passage les fleuves se desséchaient, que les forêts faisaient place nette. Car, de toutes les contrées, d'énormes troupes d'Anglais avaient afflué. Les uns mus par affection pour Harold, tous par amour pour leur patrie qu'ils voulaient, bien que la cause fût injuste, défendre contre des étrangers. D'abondants secours leur avaient été envoyés du royaume danois auquel les attachait les liens du sang. Cependant, craignant d'affronter d'égal à égal Guillaume qu'ils redoutaient plus que le roi de Norvège, ils se cantonnèrent sur un lieu élevé, une hauteur proche de la forêt à travers laquelle ils étaient venus. Aussitôt, abandonnant l'aide des chevaux, tous se portèrent à pied, étroitement serrés les uns contre les autres. Le duc et les siens, nullement effrayés de ce lieu accidenté, se mirent à gravir peu à peu la pente escarpée.
Hautbert ou cotte de mailles d'un soldat normand
Le son terrifiant des trompettes annonça de part et d'autre le combat. La hardiesse enthousiaste des Normands engagea la bataille. Ainsi lorsque les orateurs plaident en justice une affaire de vol, celui-là ouvre le premier la plaidoirie qui poursuit le crime. C'est pourquoi les fantassins normands, s'avançant plus près, provoquent les Anglais et, par leurs projectiles, dirigent sur eux les blessures et la mort. Ceux-là leur résistent avec courage, chacun selon ses moyens. Sans arrêt, ils lancent, des épieux et toutes sortes de traits, les haches les plus meurtrières et des pierres fixées à des morceaux de bois. Sous ces traits, comme sous une masse porteuse de mort on peut croire les nôtres aussitôt écrasés. Les chevaliers viennent à la rescousse et ceux qui étaient les derniers, se trouvent les premiers. Répugnant de se battre de loin, ils affrontent le combat à l'épée. Les hautes clameurs des Normands d'un côté, des barbares de l'autre sont couvertes par le bruit des armes et les gémissements des mourants. Ainsi, quelque temps, on combat avec acharnement de part et d'autre. Les Anglais sont puissamment aidés par l'avantage d'une position plus élevée qu'ils tiennent, sans avoir à marcher à l'attaque, en restant fortement groupés ; par leur grand nombre et leur masse puissante, voire par leurs armes offensives, qui trouvent aisément passage à travers boucliers et autres pièces d'armure. Ils résistent donc vigoureusement à ceux qui osent les attaquer de près par l'épée, ou les repoussent. Ils blessent même ceux qui, de loin, lancent, sur eux leurs traits. Or, donc, voici qu'épouvantés par une telle férocité, fantassins et chevaliers bretons battent également en retraite, ainsi que tous les auxiliaires qui formaient l'aile gauche. Presque toute l'armée du duc ploie : ceci dit sans porter ombrage à la race invaincue des Normands. Les armées de la majesté romaine, même lorsqu'elles comportaient des contingents royaux, tout habituées qu'elles fussent à vaincre sur terre et sur mer, battirent parfois en retraite lorsqu'elles apprenaient que leur chef avait été tué ou lorsqu'elles le croyaient. Les Normands crurent que leur duc et seigneur avait succombé. Leur retraite ne fut donc pas une fuite honteuse, mais douloureuse, puisqu'ils [croyaient perdre] leur meilleur appui.
Hache de charpentier avec son manche, fer ; XIe-XIIe siècle
Le prince, voyant la plus grande partie du camp ennemi s'élancer à la poursuite des siens, se précipita au-devant des fuyards et les arrêta en les frappant ou en les menaçant de sa lance. Puis, ayant découvert sa tête et retiré son casque, il s'écria : « Regardez-moi. Je suis vivant et je serai vainqueur, Dieu aidant ! Quelle démence vous conseille la fuite ? Quelle voie s'ouvrira devant votre retraite ? Ceux que vous avez pouvoir d'immoler comme un troupeau vous repoussent et vous tuent ! Vous désertez la victoire et la gloire impérissable pour courir à votre perte et à l'opprobre éternel ! En fuyant, nul d'entre vous n'échappera à la mort. » A ces mots, ils reprirent courage. A leur tête, il s'élança en avant et, les foudroyant de son épée, il terrassa la nation ennemie qui, rebelle à lui-même, son roi [légitime], avait mérité la mort. Pleins de fougue, les Normands encerclèrent les quelques milliers d'ennemis qui les avaient suivis et les anéantirent en un clin d'œil, au point que nul ne survécut.
... Et hic milites festin averunt Hestinga ; Tapisserie de Bayeux, XIe siècle
Ainsi raffermis plus solidement encore, ils attaquèrent avec une vigueur accrue la féroce armée adverse qui, bien qu'elle eût subi de grandes pertes, ne paraissait nullement diminuée. Les Anglais, sûrs d'eux, résistaient de toutes leurs forces, cherchant surtout à éviter qu'une brèche ne s'ouvrît devant ceux qui les assaillaient. A cause de leur masse étonnamment serrée, c'est à peine si ceux qui étaient tués avaient la place de tomber. Toutefois, des brèches s'ouvrirent en plusieurs points sous le fer des plus valeureux guerriers. Suivirent de près Manceaux, Français, Bretons, Aquitains, Normands surtout, avec une bravoure hors de pair. Un certain jeune Normand, Robert, fils de Roger de Beaumont, neveu et héritier d'Hugues comte de Meulan, par sa mère Adeline, participant au combat pour la première fois en ce jour-là, accomplit un exploit digne d'être immortalisé. A la tête du bataillon qu'il commandait à l'aile droite, il attaqua et terrassa [les ennemis] avec une grande audace. Nous n'avons pas la possibilité, et il n'est point dans notre intention de narrer selon leur mérite les exploits de chacun. Le plus fécond écrivain, eût-il été témoin oculaire de cette guerre, aurait lui-même grand'peine à exposer chaque détail particulier, et nous avons hâte d'achever la louange du comte Guillaume pour chanter la gloire du roi Guillaume.
... In magno navigio ; Tapisserie de Bayeux, XIe siècle
Voyant qu'il leur serait impossible de vaincre sans grand dommage pour eux-mêmes des ennemis si nombreux qui résistaient en bloc, les Normands et les troupes associées battirent en retraite, simulant la fuite par ruse. Ils se rappelaient comment, peu auparavant, leur fuite avait été l'occasion du succès recherché. Chez les barbares, qui croyaient tenir la victoire, s'éleva une immense joie. Ils s'exhortaient mutuellement par une clameur triomphale, tandis qu'ils injuriaient les nôtres et les menaçaient de fondre tous sur eux à l'instant. De même qu' auparavant, quelques milliers d'entre eux eurent la hardiesse de s'élancer, comme s'ils eussent volé, à la poursuite de ceux qu'ils croyaient en fuite, quand soudain les Normands, tournant bride, les arrêtèrent au passage, les encerclèrent de toutes parts et les massacrèrent jusqu'au dernier.
... Hic Odo episcopus baculum tenens confortat pueros ; Tapisserie de Bayeux, XIe siècle
Ayant à deux reprises joué de cette ruse avec le même succès, ils attaquèrent avec la plus grande fougue le reste de l'armée, laquelle inspirait encore l'effroi et qu'il était très difficile d'envelopper. Alors commença un combat d'un genre inaccoutumé, l'un des adversaires attaquant par élans et mouvements divers, l'autre comme fiché en terre, supportant l'assaut. Les Anglais, faiblissaient et, comme s'ils confessaient leur faute par leur défaite même, ils subissaient le châtiment. Les Normands lancent leurs flèches, frappent, transpercent : plus que les vivants, les morts en tombant paraissent remuer. Ceux qu'atteignent de légères blessures ne peuvent échapper : ils périssent dans la presse sous la masse serrée de leurs compagnons. Ainsi, la fortune concourut, en l'accélérant, au triomphe de Guillaume.
... [H]ic ceciderunt si mul Angli et Fanci in prelio ; Tapisserie de Bayeux, XIe siècle
Participèrent à cette bataille Eustache, comte de Boulogne ; Guillaume, fils du comte d'Évreux Richard ; Geoffroi, fils du comte de Mortagne Rotrou ; Guillaume Fitz-Osbern ; Aimeri, gouverneur de Thouars ; Gautier Giffard ; Hugues de Montfort ; Raoul de Tosny ; Hugues de Grandmesnil ; Guillaume de Varenne ; et un grand nombre d'autres entre tous renommés pour leur haute valeur guerrière, dont il conviendrait d'inscrire les noms aux livres de l'histoire parmi ceux des plus vaillants guerriers. Quant à Guillaume, leur chef, il les surpassait en bravoure comme en sagesse. Aussi conviendrait-il à juste titre de le placer avant certains généraux de la Grèce et de Rome tant prônés dans les livres, de l'égaler à d'autre. Il dirigea remarquablement [la bataille], arrêtant les fuyards, ranimant les courages, partageant le danger, appelant à le suivre plus souvent qu'il ne commandait de marcher en avant. D'où il est clair que, chez lui, la bravoure ouvrit la route à ses guerriers et suscita leur audace. Une importante fraction de l'armée ennemie perdit courage sans avoir subi de dommage à la seule vue de cet étonnant et redoutable chevalier. Trois chevaux furent tués sous lui. Trois fois, il sauta à terre intrépide et se hâta de venger la mort de son destrier. C'est là qu'on put juger de sa vélocité. C'est là qu'on put [juger] de sa force corporelle et de sa bravoure. De son glaive furieux et rapide, il transperça écus, casques et cuirasses ; de son bouclier, il frappa plusieurs guerriers. Ses chevaliers s'étonnaient de le voir combattre à pied, nombreux furent ceux qui, accablés de coups, reprirent courage [à sa vue]. Quelques-uns mêmes, qui déjà perdaient leurs forces avec leur sang, appuyés sur leurs écus, combattirent virilement ; certains, incapables de faire plus, excitaient leurs compagnons de la voix et du geste à suivre le duc sans crainte, à ne point laisser échapper la victoire d'entre leurs mains. Il en aida et en sauva lui-même plusieurs.
Contre Harold, que dans les poèmes on égale à Hector ou à Turnus, Guillaume n'eût pas plus redouté de se mesurer en combat singulier qu'Achille contre Hector, ou Énée contre Turnus. Tydée, attaqué par cinquante hommes, s'aida d'un rocher ; Guillaume, son émule, qui ne lui est nullement inférieur par la naissance, seul n'en redouta point mille. L'auteur de la Thébaïde, ou celui de l'Énéide, qui, dans leurs livres, selon la manière des poètes, chantent des actions d'éclat qu'ils embellissent encore, eussent, des seuls exploits réels de ce héros, tiré la matière d'un poème non moins noble, mais plus digne et véridique. Et si, se haussant à la grandeur du sujet ils lui eussent consacré leurs chants, ils l'eussent assurément, par la beauté de leur style, placé au rang des dieux, Mais notre faible prose, qui se propose de noter humblement, à l'intention des rois, sa piété dans le culte du vrai Dieu - qui seul est Dieu de toute éternité jusqu'à la fin, des siècles et au delà - doit achever rapidement le récit véridique de cette bataille où il vainquit par la force et la justice.
Au déclin du jour, les Anglais se rendirent compte qu'ils ne pouvaient résister plus longtemps aux Normands. Ils se savaient affaiblis, de nombreuses troupes, ayant trouvé la mort, le roi lui-même, ses frères, et une partie des grands du royaume ayant péri ; tous ceux qui restaient étaient presque à bout de forces ; ils n'avaient aucun secours à attendre. Ils voyaient que les Normands n'étaient guère affaiblis par la mort de ceux qui avaient été tués, et, comme s'ils puisaient dans le combat des forces nouvelles, ils les pressaient plus vivement qu'au début ; que le duc, dans sa fougue implacable, n'épargnerait aucun de ceux qui lui résistaient ; que sa vaillance guerrière ne s'apaiserait qu'une fois victorieuse. Ils prirent, donc la fuite et s'éloignèrent aussi vite qu'ils purent, les uns sur des chevaux dont ils s'étaient emparés, les autres à pied, une partie par les chemins, le plus grand nombre par des lieux impraticables. Certains, baignés dans leur sang, s'efforcèrent de fuir ou se relevèrent impuissant. Le désir violent d'échapper à la mort en donna la force aux uns. Nombreux furent ceux qui laissèrent leurs cadavres dans les forêts profondes ; les poursuivants en rencontrèrent à profusion tombés le long des chemins. Les Normands, bien que le pays leur fût inconnu, les poursuivirent sans répit, massacrant les fuyards rebelles, mettant la dernière main à la victoire. Au milieu des morts, le sabot des chevaux écrasa ceux qui gisaient sur leur parcours.
Cependant, l'espoir revint aux fuyards qui avaient pu trouver l'occasion de recommencer la lutte à la faveur d'un profond retranchement et de nombreux fossés. Car cette nation, qui descend des anciens Saxons, les plus féroces des hommes, fut toujours prompte à croiser le fer. Ils n'eussent pas reculé sans la pression d'une force invincible. Ils venaient de vaincre sans peine le roi de Norvège que soutenait une armée nombreuse et aguerrie. A la tête des étendards vainqueurs, [le duc], apercevant des troupes subitement rassemblées - tout en croyant qu'il s'agissait de l'arrivée d'un renfort [ennemi] - ne se détourna point de son chemin ni ne s'arrêta ; plus redoutable, armé seulement d'un tronçon de sa lance, que ceux qui brandissent de longs javelots, de sa voix mâle, il retint dans sa fuite le comte Eustache, qui avait tourné bride avec cinquante chevaliers et s'apprêtait à sonner la retraite. Mais celui-ci glissa familièrement à l'oreille du duc le conseil de s'en retourner, lui prédisant, s'il poursuivait, une mort prochaine. Tandis qu'il prononçait ces paroles, Eustache fut frappé entre les épaules d'un coup dont le retentissement et la violence se manifestèrent aussitôt par un flux de sang par le nez et la bouche : à demi mort, il n'échappa qu'avec l'aide de ses compagnons. Quant au duc, méprisant la peur et l'insuccès, il attaqua ses adversaires et les terrassa. Dans ce combat tombèrent quelques-uns des plus fameux guerriers normands auxquels l'âpreté du lieu ne permit pas de donner la mesure de leur vaillance.
... Hic Harold rex in terf[ec]tus [est] ; Tapisserie de Bayeux, XIe siècle
Ayant ainsi parachevé sa victoire, le duc retourna sur le champ de bataille et se rendit compte du carnage ; il ne put le considérer sans être saisi de pitié, bien que les victimes fussent des impies et qu'il soit méritoire, glorieux et digne de louange d'occire un tyran. Sur une vaste étendue, le sol était recouvert de [cadavres] souillés de sang, la fleur de la noblesse et de la jeunesse anglaise. A côté du roi, on retrouva deux de ses frères. Lui-même, dépourvu de toute marque de sa dignité, fut reconnu, non à son visage, mais à quelques signes [distinctifs] ; on le porta au camp du duc ; celui-ci confia à Guillaume, surnommé Malet, le soin de l'ensevelir, mais refusa de livrer son corps à sa mère, laquelle en offrait un égal poids d'or. Il n'ignorait pas, en effet, qu'il eût été malséant d'accepter de l'or en échange. [Et] il estimait qu'il eût été indigne de laisser ensevelir, selon le désir de sa mère, l'homme qui, par excès de cupidité, était responsable d'une multitude [de morts] à jamais privés de sépulture. On dit alors, par manière de raillerie, qu'il convenait de l'établir gardien du rivage et de la mer qu'il avait, dans sa fureur, occupés auparavant.
Quant à nous, nous ne t'insultons point, Harold ; mais, avec ton pieux vainqueur qui pleura sur ta ruine, nous te plaignons et te pleurons. Tu as remporté un succès digne de toi et, selon ton mérite, tu es tombé baigné dans ton sang ; tu gis dans ta tombe, sur le rivage, et tu seras en exécration aux générations à venir, anglaises aussi bien que normandes. Ainsi s'écroulent ceux qui font du pouvoir suprême en ce monde le souverain bien et qui, dans le désir d'accroître leur bonheur, usurpent ce pouvoir et s'efforcent de le conserver par la violence et les armes. Au reste, tu t'es souillé du sang de ton frère, de crainte que sa grandeur ne porte ombrage à ta puissance. Puis, te précipitant furieux dans une autre bataille, tu as sacrifié ta patrie pour tenter de garder la dignité royale. C'est donc l'ouragan par toi déchaîné qui t'a entraîné. La couronne que, par félonie, tu avais usurpée, voici qu'elle ne brille plus sur ta tête ; voici que tu ne sièges plus sur le trône dont tu as gravi les marches par orgueil. Ta fin prouve à quel point tu fus légitimement élevé [au trône] par la donation in extremis d'Édouard ! La comète, terreur des rois, qui brilla peu de temps après ton élévation,
fut le présage de ta ruine.
Mais, délaissant ces récits funèbres, parlons plutôt du succès que pronostiqua le même astre. Agamemnon, roi d'Argos, soutenu par de nombreux chefs et rois, ne parvint qu'à grand'peine et par ruse, au bout de dix années de siège, à détruire l'unique ville de Priam. Ce que fut le génie, ce que fut la valeur de ses guerriers, des poèmes l'attestent. De même Rome, parvenue au faîte de la puissance au point de vouloir dominer le monde, mit plusieurs années à vaincre une à une quelques villes. Tandis que le duc Guillaume soumit toutes les villes des Anglais en un seul jour, entre la troisième heure et le soir, avec les troupes normandes et l'aide de rares contingents du dehors. Si elles eussent été défendues par les remparts de Troie, il n'eût pas fallu longtemps au bras et à la sagesse d'un tel homme pour en emporter la citadelle.
Le vainqueur aurait pu sans retard accéder au trône royal, placer sur sa tête le diadème, distribuer en butin à ses chevaliers les richesses du royaume, massacrer quelques puissants personnages, envoyer les autres en exil. Il lui plut de progresser avec modération et d'imposer sa domination par la clémence. Car, dans sa jeunesse, il avait pris l'habitude de se modérer dans ses succès. Il eût été juste que les Anglais qui, dans une cause si mauvaise, se précipitèrent à la mort donnassent leur chair en pâture aux vautours et aux loups, et que les champs fussent ensevelis sous leurs ossements privés de sépulture. Mais un tel châtiment lui parut cruel. Il permit à ceux qui voulurent recueillir [leurs restes] pour les inhumer, de le faire librement.
Guillaume de Poitiers ; Histoire de Guillaume le Conquérant, vers 1070 ...
Casque viking, Xe siècle
Quand tout renaît à l'espérance,
Et que l'hiver fuit loin de nous,
Sous le beau ciel de notre France,
Quand le soleil revient plus doux,
Quand la nature est reverdie,
Quand l'hirondelle est de retour,
J'aime à revoir ma Normandie !
C'est le pays qui m'a donné le jour.
J'ai vu les champs de l'Helvétie,
Et ses chalets et ses glaciers ;
J'ai vu le ciel de l'Italie,
Et Venise et ses gondoliers.
En saluant chaque patrie,
Je me disais : aucun séjour
N'est plus beau que ma Normandie !
C'est le pays qui m'a donné le jour.
Il est un âge dans la vie,
Où chaque rêve doit finir,
Un âge où l'âme recueillie
A besoin de se souvenir.
Lorsque ma muse refroidie
Aura fini ses chants d'amour,
J'irai revoir ma Normandie !
C'est le pays qui m'a donné le jour.
Paroles et musique : Frédéric Bérat (Rouen 1801- Paris 1855) ; 1836
2 commentaires:
Faudra faire gaffe aux mites, pour les hauberts, hein...
... Les mites normandes, je ne crains pas !!!
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